Tremble EDF, le Bugey se soulève. Pour marquer leur opposition au projet de nouveaux réacteurs nucléaires sur leur territoire, habitant·es, propriétaires de terrains convoités par EDF, associations écologistes, élu·es locaux et nationaux se regroupent et se mobilisent. Le 24 mai, le tout jeune collectif STOP EPR Bugey a ainsi réuni près de 200 personnes à Loyettes pour une première journée festive et ludique de mobilisation et d’information. L’occasion de sensibiliser un public encore peu familier aux problématiques liées au nucléaire et de faire se croiser des luttes voisines.
« Le débat est fini... Mais la lutte commence » pouvait-on lire sur les pancartes des militant·es opposé·es aux nouveaux réacteurs nucléaires au Bugey, lors de l’ultime séance du débat public dédié à ce projet le 15 mai dernier à Saint-Vulbas.
Le débat public, qui s’était ouvert en janvier, a été ponctué d’actions militantes antinucléaires [1]. Car, s’il aboutit, ce projet de construction de deux réacteurs EPR2 accolés à la centrale nucléaire du Bugey sur les communes de Loyettes et Saint-Vulbas affecterait le territoire de bien des manières. Il risquerait notamment de renforcer le stress hydrique dont est déjà victime le Rhône et d’aggraver les pollutions de ce fleuve. Il menace également d’artificialisation 300 hectares de terres agricoles pour y couler plus d’un million de mètres cubes de béton [2]. Parmi les propriétaires de ces terres figurent des militant·es antinucléaires qui refusent de céder la moindre de leurs parcelles à EDF [3]. Accompagné·es par des associations locales et nationales, ils et elles luttent pour conserver leurs terrains et faire face à la relance du nucléaire dans le Bugey.
En janvier 2025, une vingtaine de membres d’associations se sont réunis pour former un nouveau collectif opposé au projet d’implantation d’EPR2 au Bugey : le collectif STOP EPR Bugey. Ce collectif rassemble des associations écologistes, pas uniquement antinucléaires. Il se compose ainsi, par ordre alphabétique, de : ACER, Agir pour l’environnement, Comité vigilance de la plaine de l’Ain, FNE Ain, Greenpeace Lyon, La ruche de l’écologie, Nos Voisins Lointains 3.11, Réseau "Sortir du nucléaire", Rhône-Alpes sans nucléaire, Sortir du nucléaire 38, Sortir du nucléaire Bugey, et Syndicat Sud Solidaire 69.
Une équivalence citoyenne a été créée dans la foulée, pour permettre aux individus de s’organiser contre la relance : le collectif des citoyens opposés aux EPR2.
Afin de marquer la clôture du débat public et la naissance de leur nouveau collectif, les associations ont organisé une première journée de mobilisation festive le 24 mai, à Loyettes. C’est sur le terrain d’Anne-Marie Brunet, menacée à terme d’expropriation pour qu’EDF puisse agrandir son site nucléaire, que se sont tenues les festivités. Une visite des terrains convoités par l’électricien a d’ailleurs été organisée ce jour-là. Guidé·es par Anne-Marie, les participant·es ont ainsi déambulé le long du Rhône, attentifs et attentives aux explications de la propriétaire sur la menace d’artificialisation des terres agricoles.
Sur le lieu des festivités, le soleil, les rires et le public étaient au rendez-vous. Un chantier participatif pour ériger un château fort en bottes de paille, symbole de la résistance locale au joug nucléaire, s’est tenu tout au long de la journée. Petit·es et grand·es ont pu apporter leur botte à l’édifice jusqu’à son inauguration en fin d’après-midi.
Avec le château et les tours de refroidissement des réacteurs de la centrale du Bugey en toile de fond, élu·es et militant·es se sont succédé·es pour des prises de parole dénonçant les impacts locaux et globaux de l’industrie nucléaire.
En plus de rappeler l’impact du nucléaire sur les terres du Bugey, cette journée avait pour objectif de sensibiliser un nouveau public à notre cause pour sortir de l’entre-soi antinucléaire. Pour ce faire, l’organisation a pris soin d’élaborer un programme éclectique et amusant, adapté à tous les âges et tous les degrés de connaissance de notre lutte.
Plusieurs sessions de quiz « pop culture et nucléaire » ont ainsi été animées par l’association burgienne Culturbitacées. « Quel poste occupe Homer Simpsons à la centrale nucléaire de Springfield ? », « Comment s’appelle la créatrice du Soleil Souriant ? », « Avec le nom de quelle grande figure du nucléaire le groupe de musique Kraftwerk a-t-il fait rimer « Radioactive » dans sa chanson de 1975 ? » Pendant une heure, les trois animateurs ont interrogé les participant·es sur leurs connaissances en films, séries, musiques, animés, ayant un lien avec l’univers de l’atome. Une façon innovante de passer en revue les différentes représentations du nucléaire dans la culture populaire à travers les âges.
L’après-midi a ensuite été marquée par un atelier sérigraphie. À l’occasion de cette journée de lutte festive, une militante antinucléaire du Bugey avait concocté un visuel original, affichant : « Bugey contre le nucléaire, ni ici ni ailleurs », qui a pu être imprimé sur des t-shirts. Un visuel au message fort, qui pourra se répandre partout dans la région !
Puis les chorales les Branlheureux·ses et les Déter-chantent ont animé un atelier de chants éco-féministes et antinucléaires. Dans leur répertoire : des chants engagés et pour certains historiques, provenant de la lutte à Greenham Common. Les chanteuses et chanteurs de la journée ont restitué leurs nouvelles connaissances au moment de l’inauguration du château fort : « Bien trop de béton, trop de béton sur notre terre, bien trop de béton, trop de béton, on veut du vert... » pouvait-on entendre alors que se dressait fièrement le nouveau symbole de la lutte antinucléaire bugiste derrière elles et eux.
En plus de prendre part aux activités proposées, les participant·es ont pu déambuler dans le village associatif qui réunissait des associations, syndicats et collectifs écologistes. Tout au long de la journée, ils et elles ont notamment eu l’occasion d’échanger avec les Co-Cernés, qui luttent contre un collisionneur de particules du Cern, et avec des militant·es de la confédération paysanne de l’Ain, du Collectif Citoyen contre le Lyon-Turin et du collectif grenoblois Stop-Micro.
Ces deux derniers collectifs, ainsi que Stop EPR Bugey, ont également discuté autour d’une table ronde sur les problématiques communes qu’ils doivent affronter dans leur lutte, comme des chantiers de très grande ampleur qui impactent les communs ou encore les collusions entre les motivations d’État et les intérêts des grandes entreprises et industriels. Les échanges ont été riches face à un public attentif.
En somme, c’est une première journée réussie pour le tout nouveau collectif Stop EPR Bugey ! On se souviendra des rires des enfants grimpant sur le château, des animations conviviales sous le soleil et des premières convergences entre les différentes luttes contre les grands projets inutiles et polluants de la région.
Pour poursuivre sur cette lancée positive et que de plus en plus de monde se joigne à la lutte antinucléaire, nous devons continuer à inventer de nouvelles façons de lutter et de développer l’imaginaire qui entoure l’atome. Il y a 1000 chemins pour parcourir cette belle lutte, empruntons-les !
Pour soutenir la lutte antinucléaire au Bugey, vous pouvez :
- Rejoindre le collectif des citoyens et/ou des associations contre les EPR2 en écrivant à cette adresse : collectifstopeprbugey@proton.me
- Vous abonner à la page Facebook du collectif : « Collectif STOP EPR Bugey »
- Signer la pétition contre l’implantation des nouveaux réacteurs au Bugey
Marie Liger et Mathilde Damecour
[2] D’après l’étude Explore 2070, le débit moyen des rivières et fleuves de la France métropolitaine risque en effet de baisser de 10 à 40 % à horizon 2050-2070.