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Greenham : 40 ans de lutte féministe et antinucléaire
En août 1981, en Angleterre, un groupe d’une trentaine de femmes organisent une marche depuis Cardiffafin de rejoindre la base d’armements nucléaires de Greenham Common, censée accueillir 96 missiles de croisière à tête nucléaire américains. Leur volonté ? Engager un dialogue avec les autorités. Mais elles ne suscitent l’intérêt ni du pouvoir politique ni des médias, et décident alors de s’enchaîner à l’entrée de la base afin de faire entendre leur protestation. Cet événement marquera le début d’une occupation qui durera près de 20 ans et qui demeure encore aujourd’hui un symbole de la lutte antinucléaire et du mouvement éco-féministe anglo-saxon.
Ces mères au foyer, grands-mères, travailleuses et étudiantes vont faire naître une force nouvelle dans la mise en place de stratégies non-violentes. Tout en refusant ce monde militarisé, elles expérimentent leurs visions de la société aux travers de mobilisations festives et de temps de vie sur le camp, devenu non mixte dès 1982. Souvent arrêtées, expulsées ou mises en prison, elles s’organisent et s’auto-forment à l’action directe, provoquant les militaires dans une sorte d’hystérie et de vitalité revendiquée. Ainsi les femmes de Greenham, dans leurs manifestations phares comme « La danse des silos » ou « Embrace the base », inspirent encore nos modes d’agir contemporains et nos imaginaires de luttes.
En août 2021, nous célébrions les 40 ans du début de ce long combat. Des anciennes occupantes et/ou manifestantes ont refait le chemin vers la base, accompagnées de plus jeunes, afin de commémorer les « Women of Greenham ».
Elles ont déposé grigris, dessins, tricots et broderies sur les barbelés, rappelant l’univers du camp. En se réappropriant ces objets souvent liés au travail des femmes ou à la maternité, les femmes de Greenham réinventaient un activisme où les marques de « féminité » traditionnelle devenaient de véritables arguments politiques. On retrouve notamment ces modes d’occupation visuels et sensibles au sein des mouvements éco-féministes et éco-queer où la danse, le chant et la spiritualité ont une place essentielle.
- Bonnie Dégaine
Pour aller plus loin : Des femmes contre des Missiles, Alice Cook, Éditions Cambourakis
Bonnie Dégaine, "une performance en hommage aux femmes de Greenham"
C’est à travers cette dimension rituelle et revendicative que j’ai pensé « CHNTS », une performance en hommage aux femmes de Greenham, que je suis venue partager à Bure durant le camp antinucléaire les Rayonnantes.
Par cette nouvelle musique, composée à partir des textes écrits durant ces nuits d’occupations, je tente de faire revivre ces rondes d’émancipation et de résistance. Anonymisée par ma cagoule de fleurs, je mêle transe polyphonique, sonorités celtiques, cris et souffles cathartiques pour transmettre la flamme de ces femmes activistes passées à Greenham.
L’action m’ayant le plus inspirée est celle du nouvel an 1983 où 44 femmes escaladèrent les barbelés pour aller danser sur les silos, gros blocs de béton armé censés accueillir les missiles. Elles tourneront jusqu’à l’aube, jusqu’à ce qu’on vienne les déloger.
Ainsi j’essaye de réinsérer dans nos corps l’énergie vive et spontanée qu’elles cultivaient de messages beaucoup plus sombres.