Publié initialement dans la revue Sortir du nucléaire n°100, mis en ligne le 15 janvier 2024
Lundi 6 novembre 2023, huit associations du mouvement climat ont fermé le Ministère de la transition écologique pour inaction climatique et l’ont renommé « Ministère de la trahison écologique ». Ce sont plus de 200 militantes et militants des associations Alternatiba Paris, ANV-COP21, Dernière rénovation, Extinction Rebellion Île-de-France, Greenpeace France, Les Amis de la Terre France, 350.org et Réseau « Sortir du nucléaire » qui se sont mobilisé·es afin de dénoncer la politique énergétique gouvernementale, qui va à contre-sens de l’urgence climatique et sociale.
Très tôt le lundi 6 novembre, alors même que le soleil n’était pas encore levé, une multitude de petits groupes de militant·es se sont donné rendez-vous à différents endroits aux alentours du ministère de la Transition écologique. L’organisation est millimétrée. Il est crucial que les groupes arrivent de façon discrète mais simultanée afin de réussir l’opération. À 7h45 le go est lancé : les groupes convergent vers le Ministère et entament l’action.
Chacun·e connaît son poste : les bloqueurs et bloqueuses s’activent pour empêcher l’accès au bâtiment, les grimpeur·euses suspendu·es à la façade déroulent une immense banderole « Fermé pour inaction climatique » tandis que les animateur·ices actionnent la sono pour entonner leurs plus belles chansons. En parallèle, un groupe de militant·es, bien que freiné·es par les forces de l’ordre, construisent un mur en parpaing devant la porte d’entrée, afin de condamner symboliquement le Ministère, rendu inutile par son inaction climatique…
À 8h, deux cent militant·es bloquent désormais le Ministère de la transition écologique ! Une deuxième banderole est accrochée au bâtiment condamné, sur laquelle on peut lire « Ministère de la trahison écologique ». En écho, sur le trottoir, chaque participant·e brandit des pancartes pour dénoncer la politique énergétique mise en place par le gouvernement. Les messages sont clairs : « Le nucléaire ne sauvera pas le climat » ; « Ni pétrole ni charbon, ni gaz, non aux projets fossiles » ; « Passoires thermiques stop aux fausses promesses » ; « Sobriété + efficacité + 100 % renouvelables ». L’action est une réussite !
À 9h, le Ministère disparaît dans un nuage de couleurs. Un joyeux coup d’éclat multicolore à base de poussière de craie lancée dans les airs au dessus de la foule. Un artifice représentant l’espoir des alternatives à portée de main, qui permettront de faire émerger une société soutenable, plus juste et solidaire.
Finalement, vers 10 h, des membres de la Brigade de répression de l’action violente motorisée (Brav-M) mettent fin aux festivités. Ils exfiltrent un à un les militant·es, retirent les banderoles et obligent la foule à se disperser progressivement. Mais sur le sol, il est encore possible d’apercevoir quelques traces colorées, symbole de la détermination des militant·es à construire un monde meilleur.
Les associations organisatrices n’avaient pas choisi cette date au hasard. En 2024, doit être révisée la Loi de Programmation Pluriannuelle de l’Énergie : la feuille de route dictant la politique énergétique du gouvernement. Un élément important rappelé lors du discours de Pauline Boyer, chargée de campagne sur la transition énergétique pour Greenpeace France : « On est là, devant ce Ministère, pour sonner l’alarme, pour alerter sur le fait que des décisions très importantes pour nous et pour les générations futures sont en train d’être prises et que ce ne sont pas les bonnes ».
Les organisations ont notamment dénoncé le projet d’installation d’un méthanier flottant au Havre (en vue notamment d’importer du gaz de schiste), l’échec du plan de rénovation des bâtiments (laissant cet hiver encore des millions de français et françaises dans une situation de précarité énergétique inquiétante), et bien entendu le plan de construction de nouveaux réacteurs nucléaires. Mathilde Damecour, chargée de campagne du Réseau "Sortir du nucléaire" a ainsi martelé au micro que « le projet de construire des réacteurs EPR2 est une diversion qui s’apparente à du sabotage climatique. Aucun réacteur ne verra le jour avant 2037 voire 2040. » Et de rappeler que « le coût du nouveau nucléaire est évalué au minimum à 52 milliards d’euros. C’est tout autant d’argent qui ne sera pas investi dans une réelle transition énergétique. »
En réponse aux choix désastreux de la politique énergétique du gouvernement, les militant·es ont souligné les solutions alternatives existantes, moins coûteuses, rapidement développables, vers lesquelles devraient s’orienter nos investissements et notre temps. À savoir : la sobriété, l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables.
Pour le Réseau "Sortir du nucléaire", il était crucial d’être présent aux côtés d’autres organisations écologistes pour montrer que le nucléaire, comme les énergies fossiles, ne saurait faire face aux défis climatiques. D’abord, en rappelant que, même en fonctionnement normal, le parc nucléaire français est régulièrement à l’origine d’incidents qui mettent en danger les travailleurs et travailleuses tout autant que la population, et qu’il génère des pollutions pour l’environnement. Ensuite, en mettant en évidence que le nucléaire, intrinsèquement lié à un monde belliciste et néocolonial, nécessite le soutien d’un État autoritaire et centralisé afin de prospérer. Tous ces éléments font du nucléaire un puissant obstacle à la société juste, démocratique et écologique que nous voulons voir advenir. Un message dénonçant le nucléaire qui a été porté par l’ensemble des militant·es et des organisations impliquées, même celles qui ne s’étaient jusqu’à présent pas positionnées sur le sujet. C’est un pas de plus non négligeable vers notre volonté de renforcer les liens avec ces organisations, et de replacer la lutte antinucléaire au cœur des luttes pour le climat et l’environnement.
En somme, via cette action, les huit organisations ont montré que l’ensemble des projets climaticides développés par le gouvernement illustrent l’incapacité de nos dirigeant·es à répondre à la crise environnementale, et leur méconnaissance du sujet. L’avenir énergétique de la France est un choix politique tout autant que sociétal : que notre gouvernement refuse d’engager le changement radical nécessaire pour être à la hauteur du défi écologique est une aberration.
En s’unissant pour dénoncer cela, les organisations ont montré la force des alternatives imaginables pour le monde de demain.
Marie Liger, Chargée de mobilisations