Bure : c’est dans ce petit village de la Meuse que l’industrie nucléaire veut enfouir ses déchets les plus dangereux, qui resteront radioactifs pendant des centaines de milliers d’années.
19 juin 2014 |
Vous aviez encore des illusions sur le fonctionnement pseudo-démocratique des institutions ? Et bien c’est le moment de les perdre !
Hier jeudi 18 juin, alors que Ségolène Royal présentait à la presse son projet de loi sur la transition énergétique, s’est joué un incroyable tour de passe passe atomique.
En fin de matinée, lors de sa conférence de presse, la ministre ne fait aucune allusion au projet CIGEO, le projet d’enfouissement des déchets les plus radioactifs. Aucune mention non plus dans les documents diffusés par le ministère, ni dans le pré-projet qui circule et a fuité sur internet.
A 17h35, dans un mail adressé à la commission environnement du CESE, pas de CIGEO non plus. Mais apparait l’article 34, qui autorise le gouvernement à transposer la directive n° 2011/70/Euratom du Conseil du 19 juillet 2011 qui ouvre la porte à l’enfouissement des déchets radioactifs européens en France.
A 21h50, dans un mail transmis bien tardivement aux membres de la commission spécialisée du CNTE en charge de ce projet de Loi et qui doivent se réunir le lendemain, une nouvelle version du projet apparait, avec cette fois un article 35 relatif à CIGEO et qui revient sur la loi de 2006 relative à la gestion des déchets. Cachez ses déchets que je ne saurais voir ! Le sujet est enfoui ! Le projet d’enfouissement des déchets, qui condamne un territoire sur des millénaires, est noyé dans la masse des articles et amendements de la loi sur la transition.
Après le fiasco du débat public et face à ce nouveau déni, l’heure n’est plus à la discussion, mais à l’amplification des actions !
La coordination Bure-STOP, les Amis de la Terre et le Réseau "Sortir du nucléaire"
BURE 365 - Appel à un an d’actions
Ségolène Royal ouvre un boulevard à l’enfouissement des déchets nucléaires, ou comment se renier (en bonne politicienne à la petite semaine et sans pouvoir) devant le tout puissant nucléaire.
La loi de gestion des déchets nucléaires de 2006 est écrasée et Cigéo ne passera plus devant les parlementaires !https://nocigeo.noblogs.org/actions-bure-365/
Le projet de Loi de programmation pour la transition énergétique intègre, en catimini et en toute déloyauté, ce que dénonçaient, début 2014, une soixantaine* d’associations et organisations : une accélération des procédures menant à la construction de Cigéo/BURE... Plusieurs versions (à quelques heures près) du projet de loi ont circulé mais celui finalisé mercredi 18/06 en soirée ne laisse plus aucune illusion. A savoir que le chapitre concernant Cigéo -ajouté en dernière minute- n’a jamais été discuté lors des réunions préparatoires du projet de loi.
Le Titre VI **, trompeusement dénommé "Renforcer la sûreté nucléaire et l’information des citoyens" remanie les cartes au service du pouvoir nucléaire et torpille encore un peu plus les fondements démocratiques.
Il n’y aura pas de rendez-vous parlementaire, Cigéo sera lancé par simple décret
Exit le passage du projet Cigéo devant les parlementaires, censés représenter la voie démocratique puisque "l’autorisation d’installation et d’exploitation du centre peut être délivrée par décret en Conseil d’Etat, pris après enquête publique réalisée" . Trop peur de ressortir l’échec du débat public de 2013 ?
Il n’y aura plus aucun regard politique (et encore moins citoyen) sur la crédibilité et la faisabilité du projet industriel Cigéo, risques majeurs connus et non résolus, sur les impacts avérés de tous ordres, coûts, etc. Les parlementaires en 2015 seront juste invités à jeter un oeil sur une feuille de route descriptive, sans aucun pouvoir d’intervention.
Réversibilité - des décisions- jusqu’au bouclage définitif du stockage souterrain
Le rendez-vous parlementaire de 2015, fixé par la loi de 2006 sur le sujet, disparaît au profit d’un décret bien plus expéditif puisque tout sera défini -modalités de phase pilote et exigences minimales en terme de réversibilité/récupérabilité- par décret en Conseil d’Etat, pris après avis de l’Andra.
La réversibilité se limitera à la phase de construction/remplissage -130 ans-, tout est clair à présent. Et l’Andra conserve son statut de maître d’oeuvre travaillant pour son propre compte et celui des producteurs de déchets, sans contre expertise.
On appréciera la définition des "générations successives" susceptibles de revenir sur les décisions prises, soit une génération et demi, soit tout juste la phase de construction/remplissage de la poubelle nucléaire souterraine. Tout juste le temps aussi de subir les risques incommensurables et prévisibles que l’Etat couvre -ouvertement- par ce projet de loi.
Il y aura bien une phase pilote, juste consacrée à la pseudo et fumeuse réversibilité, rien pour la sûreté !
Comme l’annonçaient les opposants au projet Cigéo/Bure, la phase pilote est un bien un hochet destiné à calmer les esprits, inventé de toute pièce et ne reflétant pas les échanges réels du débat public. Elle ne change pas l’arrivée des déchets en 2025, date prévue par la loi de 2006.
_ Quid des immenses risques et inconnues scientifiques et technologiques qui caractérisent Cigéo à ce jour ?
Quand l’Etat prendra-t-il ses responsabilités en coupant ses liens de bon élève à la botte des intérêts du nucléaire ?
L’article 34 ouvre les portes au transit et stockage potentiel des déchets nucléaires internationaux
La transposition française de la Directive Euratom de 2011 va bien arranger les affaires financières du lobby du nucléaire et la France en tirera du profit. Des méga-poubelles nucléaires à vocation internationale sans consulter les citoyens, facile non ?
La ministre de l’Ecologie en fonction renie royalement ses convictions et joue avec le feu
Elle a exprimé son opposition à l’enfouissement des déchets nucléaires publiquement dès 1994, lors du projet de laboratoire de recherches géologiques dans la Vienne ou à Bure, en Meuse/Haute-Marne. Opposition claire et sans appel mentionnée à nouveau lors de sa candidature aux primaires du parti socialistes en 2011...
Depuis son entrée en fonction au ministère elle a changé radicalement de posture : défense du projet Cigéo en audition parlementaire, validation de l’étape de concertation du débat public de 2013 controversé aujourd’hui même jusqu’à l’intérieur de la CPDP, double langage inacceptable dans les commissions préparatoires du projet de Loi TE.
Alors que tous les clignotants sont en rouge, il est urgentissime de stopper Cigéo !
Incendie à Stocamine (Alsace), inondation des galeries à Asse (Allemagne), ou accident au WIPP (Site du Nouveau Mexique/USA, tout-petit frère de Cigéo) en arrêt pour 3 ans et qui risque bien d’être refermé définitivement sur des fûts de déchets potentiellement explosifs, ces quelques expériences désastreuses d’enfouissement de matières nucléaires ou chimiques sont des alertes gravissimes. Il faudra quoi pour qu’enfin le gouvernement se ressaisisse ?
Les associations opposées à Cigeo dénoncent ce honteux tour de passe-passe. Elles appellent plus que jamais à résister à l’installation d’un Cigéo/BURE toujours plus illégitime.
Déchets nucléaires, surtout ne pas enfouir, arrêter d’en produire.
Burestop55 : 06 86 74 85 11
EODRA : 06 22 05 09 24
MIRABEL : 09 81 98 30 12
BZL : 06 03 92 20 13
Notes :
*https://mirabel-lne.asso.fr/transition_energetique_cigeo_2014
** TITRE VI : RENFORCER LA SURETE NUCLEAIRE ET L’INFORMATION DES CITOYENS
Article 35
I. - Au troisième alinéa de l’article 3 de la loi n° 2006-739 du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs, la date : « 2015 » est remplacée par la date : « 2017 ».
II. - L’article L. 542-10-1 du code de l’environnement est ainsi modifié : 1° Après le premier alinéa, sont insérés cinq alinéas ainsi rédigés : « La réversibilité d’un stockage en couche géologique profonde doit être garantie de la mise en service de l’installation jusqu’à sa fermeture définitive, dans le respect des intérêts mentionnés à l’article L. 593-1. La réversibilité est la capacité, pour les générations successives, à revenir sur des décisions prises lors de la mise en oeuvre progressive d’un système de stockage et à récupérer les colis de déchets. L’exploitation du centre débute par une phase industrielle pilote permettant notamment de confirmer la capacité à récupérer les colis de déchets. « Les modalités de la phase industrielle pilote et les exigences minimales en termes de réversibilité du stockage et de récupérabilité des déchets stockés sont définies par décret en Conseil d’Etat pris après avis de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, de la commission mentionnée à l’article L. 542-3, du comité mentionné à l’article L. 542-13, des collectivités territoriales situées en tout ou partie dans une zone de consultation définie par voie réglementaire et de l’Autorité de sûreté nucléaire. « Dans les conditions fixées par le décret mentionné à l’alinéa précédent, l’autorisation d’installation et d’exploitation du centre peut être délivrée par décret en Conseil d’Etat, pris après enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du présent code. « L’article L. 593-17 ne s’applique pas au centre. La mise en service ne peut être autorisée que si l’exploitant est propriétaire des installations, des terrains servant d’assiette aux installations de surface, et des tréfonds contenant les ouvrages souterrains. » ; « Pour l’application des dispositions du titre IX du présent livre, les tréfonds contenant les ouvrages souterrains peuvent tenir lieu de terrain d’assiette pour ces ouvrages.". 2° Le quatrième alinéa de cet article est complété par les mots : « le délai de cinq ans mentionné à l’article L. 121-12 est porté à dix ans ; les dispositions du présent alinéa ne s’appliquent pas aux nouvelles autorisations mentionnées à l’article L. 593-14 relatives au centre ; 3° Les septième et huitième alinéas sont abrogés. III. - Avant le 31 décembre 2015, le Gouvernement remet au Parlement un rapport décrivant les modalités opérationnelles prévues pour garantir la réversibilité d’un stockage en couche géologique.
Article 34
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance des dispositions législatives nécessaires pour transposer la directive n° 2011/70/Euratom du Conseil du 19 juillet 2011 établissant un cadre communautaire pour la gestion responsable et sûre du combustible usé et des déchets radioactifs. L’ordonnance est publiée au plus tard le dernier jour du dix-huitième mois suivant la promulgation de la présente loi. Le projet de loi de ratification est déposé au Parlement au plus tard le dernier jour du sixième mois suivant la publication de l’ordonnance.
Montreuil, le 19 juin 2014 - Scandale et mensonges, telles sont les composantes du projet de Loi de programmation sur la transition énergétique. Les informations transmises hier lors de la conférence de presse de Ségolène Royal cachaient une manipulation qui allait avoir lieu dans l’après-midi et la soirée.
Après sa conférence de presse Ségolène Royal, sommée de corriger SON projet de Loi, se fait enfouir les déchets radioactifs.
Qui est derrière ce stratagème ?
La version « finale » du projet de Loi qui circulait dans la journée ne parlait ni de déchets, ni d’enfouissement.
Premiers rebondissements à 17h35.
Un mail transmis aux membres de la section de l’environnement du CESE comprenait une nouvelle version de l’exposé des motifs de ce projet de Loi. Une lecture attentive permettait de voir apparaître un nouvel article 34. Cet article indique que « le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance des dispositions législatives nécessaires pour transposer la directive n° 2011/70/Euratom du Conseil du 19 juillet 2011 ». Voilà donc le gouvernement autorisé par simple ordonnance à autoriser l’enfouissement des déchets radioactifs européens en France.
21h50, on enfonce le clou et on autorise tout !
C’est dans un mail transmis bien tardivement aux membres de la commission spécialisée du CNTE en charge de ce projet de Loi et qui se réunissent le lendemain que le pot-aux-roses est révélé. Le projet de Loi est communiqué dans une nouvelle version « finale » ainsi qu’une version encore modifiée de l’exposé des motifs (1). Un article 35 apparaît alors, et là c’est la débandade.
On écrase la procédure prévue et son débat parlementaire, le Gouvernement prendra ses décisions par décrets. Comme depuis toujours à Bure, on est dans le déni total de la démocratie, tous ces articles faisant partie du titre 6 de ce projet de Loi intitulé « Renforcer la sûreté nucléaire et l’information des citoyens ».
En termes d’information des citoyens, on tombe dans la caricature : secrets, magouilles et enfouissement des décisions.
Basé sur les conclusions honteuses du « débat bidon », ce faux débat public dont l’échec est dénoncé par trois membres sur cinq de la commission particulière l’ayant organisé qui regrettent que la CNDP soit « devenue la complice d’une négation de l’aspiration de la société française à pouvoir débattre des grands choix qui la concerne » (2).
C’est donc la pseudo réversibilité, l’étape pilote et l’autorisation d’installation et d’exploitation qui sont entérinées.
Les membres du CESE qui tenaient une réunion exceptionnelle ce matin à 10h30 et auditionnaient Ségolène Royal à 11h30 ne sont même pas au courant que cet article existe. Que dire des journalistes et autres personnes qui ont suivi la conférence de presse d’hier ? Comment est-il possible de cacher de telles mesures engageant la France pour des millions d’années en les noyant dans un projet de loi généraliste et sans ambition où la société civile va diviser ses forces pour essayer d’obtenir quelques maigres avancées ?
Lors d’un dîner au ministère de l’Ecologie vendredi dernier réunissant les membres du collège des ONG du CNTE, Florent COMPAIN président des Amis de la Terre sollicitait la ministre sur la présence ou non de CIGEO, le projet de centre d’enfouissement à Bure dans la Meuse, dans cette Loi. Ségolène Royal a été formelle, pas de CIGEO dans la Loi, « s’ils veulent le faire, ils le feront, mais pas dans MA Loi ! » .
Était-ce un mensonge éhonté ou la Ministre de l’Écologie et de l’Énergie n’a t-elle pas le pouvoir de résister aux lobbies ?
Les Amis de la Terre posent la question et exigent des réponses.
N’oublions pas les récentes déclarations de Ségolène Royal sous serment devant la commission parlementaire du mercredi 21 mai 2014 sur les coûts du nucléaire : « La filière nucléaire est confrontée à la gestion des déchets radioactifs. Le Parlement s’en est préoccupé très tôt, la dernière loi datant de 2006. Le projet de loi en préparation poursuivra cette démarche. »
Quand était-elle sincère ? Face aux organisations représentantes des citoyens ou face aux lobbies ?
À sa première rencontre avec les ONG « représentatives » de l’environnement, la nouvelle ministre fraîchement nommée posait la question de savoir comment nous voulions travailler avec elle.
La réponse est claire. Pas comme ça !
Pour plus d’informations, veuillez contacter Florent Compain, président des Amis de la Terre France : 06 12 54 60 03.
Annexes et notes :
(1) Projet de Loi « final » circulant le 18 juin dans la journée. Exposé des motifs transmis aux membres de la section de l’environnement du CESE à 17h35 le 18 juin. Projet de Loi « final » et exposé des motifs transmis aux membres de la commission spécialisée du CNTE à 21h50. Verbatim de l’audition de Ségolène Royal du Mercredi 21 mai 2014 devant la commission parlementaire sur les coûts du nucléaire (2)Article Médiapart du 13 juin : Les déchets nucléaires et la Commission nationale du déni du public
Directive 2011/70/EURATOM du Conseil du 19 juillet 2011 établissant un cadre communautaire pour la gestion responsable et sûre du combustible usé et des déchets radioactifs.
Contact presse : Caroline Prak – 06 86 41 53 43
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