Bure : c’est dans ce petit village de la Meuse que l’industrie nucléaire veut enfouir ses déchets les plus dangereux, qui resteront radioactifs pendant des centaines de milliers d’années.
7 février 2020 |
La Commission nationale d’évaluation a présenté, jeudi 6 février 2020, son rapport n°13 au Clis de Bure, après avoir fait faux bond en novembre 2019. Le préambule donne le ton et a coloré l’intervention des 3 sages [1] d’un bel optimisme : "La Commission constate que l’Andra dispose des éléments scientifiques et techniques nécessaires à un dépôt de la DAC en 2020."
> Lire le communiqué sur le site Bure Stop
C’est un président euphorique qui présentait un rapport "blanc-seing" à l’implantation de Cigéo, allant même jusqu’à regretter la lourdeur des procédures administratives, frein à l’installation rapide de cette poubelle atomique. JC Duplessis, qui terminait là son mandat de président, a d’ailleurs recommandé à mots couverts que la population soit attentive et bienveillante envers l’Andra.
▸ A la question des déchets bitumés [2] qui posent un réel problème d’inflammabilité, donc d’incendie, la CNE se veut confiante et assure que tout sera résolu en temps et heure.
▸ A la question de l’hydrogène (explosif), le scientifique de la CNE répond que le risque zéro n’existe pas. Selon lui tout dépend de la gestion du dosage de l’incertitude, propos illustré par une hallucinante démonstration de vulgarisation. Monter dans sa voiture, c’est prendre un risque, tout dépend de la vitesses à laquelle on roule. Ce qui n’a pas convaincu toute l’assemblée.
▸ A la question de la non-résistance des matériaux des colis, posée par une récente étude américaine, la CNE opposa un déminage grossier : ce qui vaut aux Etats-Unis (Yucca Moutain) ne vaut pas à Bure.
▸ A la question du financement de Cigéo, la CNE ne soulève pas de difficulté particulière. Elle apprend même par la salle que les provisions actuelles pour Cigéo sont de 7 milliards d’euros, alors que l’ensemble du projet est estimé à près de 42 milliards, selon la Cour des Comptes.
▸ A la question du panorama international, la CNE poursuit un scandaleuse politique de mensonge par omission. Elle soutient depuis deux ans que le processus d’autorisation du stockage définitif du combustible usé en Suède "se poursuit sans obstacle particulier". Elle fait l’impasse sur tout ce qui fâche [3] : coup d’arrêt brutal début 2018 à la DAC déposée par SKB (Andra suédoise), révélation du problème de corrosion rapide du cuivre censé retenir la radioactivité enfouie, incapacité depuis pour SKB et SSM (Autorité de sûreté) de produire au gouvernement de nouveaux rapports sur la sûreté convaincants.
Scientifiques hors-sol ou acteurs de la minimisation des dangers majeurs du stockage géologique ? Cette soumission au « DOGME » du stockage nucléaire géologique serait comique si la CNE 2 n’alimentait pas l’avis et les choix des élus nationaux (députés et sénateurs) par l’intermédiaire de l’OPECST (Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques).
L’enfouissement des déchets nucléaires infaisable techniquement et financièrement, le constat est international. Il est encore temps de stopper l’irréversible et de réorienter la politique de gestion - et de production- de ces déchets !
[1] La délégation de cette CNE 2 était réduite à une peau de chagrin, 3 membres ayant fait le voyage : Jean-Claude DUPLESSY : (ex) président, expert invité de la Commission nationale d’évaluation - Membre de l’Académie des Sciences - Directeur de recherche émérite au CNRS / Vincent LAGNEAU : Membre de la Commission nationale d’évaluation / François STORRER : Secrétaire général et Conseiller scientifique
[2] La problématique selon la CNE serait entre de bonnes mains : le CEA cherche comment on peut réduire les déchets en cendres et l’ANDRA de son côté trouvera bien une solution. Sauf que le Rapport de la revue internationale de 2019 a conclué sur l’incapacité actuelle de travailler sur le "brûlage" de ces déchets : trop cher et pas de début de solution avant 2040. Tout repose donc sur l’Andra, qui en pleine constitution de son dossier d’autorisation de création n’a pas toujours pas avancé de solution officiellement. (Les déchets bitumés représentent 18% du volume à enfouir.)
[3] La CNE ne dit pas que les récents tests (LOT) sur la corrosion des fûts effectués par SKB en 2019 pourraient ne pas être exploités correctement et en toute transparence. Des ONG demandent instamment à ce que le gouvernement suédois ait accès à la totalité de ces analyses et demandent des expertises indépendantes.
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