Bure : c’est dans ce petit village de la Meuse que l’industrie nucléaire veut enfouir ses déchets les plus dangereux, qui resteront radioactifs pendant des centaines de milliers d’années.
27 février 2017 |
L’Andra a fait appel du jugement du 1er août 2016 du Tribunal de grande instance de Bar-le-Duc, qui déclarait illégaux les travaux qu’elle avait entrepris dans le Bois Lejuc au début de l’été 2016. Alors que l’audience en appel doit se tenir le 27 février 2017, ses chances d’obtenir gain de cause apparaissent bien compromises !
Le 28 juillet 2016, 8 associations et 4 habitants ont attaqué l’Andra en référé devant le Tribunal de grande instance de Bar-Le-Duc pour avoir, dans le Bois Lejuc, défriché plus de 7 hectares de feuillus en pleine période de nidification sans autorisation de l’autorité compétente, puis édifié un mur de plus d’un kilomètre de long sans autorisation d’urbanisme .
Par ordonnance du 1er août 2016, le TGI a reconnu l’existence d’un trouble manifestement illicite, a enjoint l’Andra à suspendre le défrichement jusqu’à obtention d’une autorisation pour celui-ci et à remettre en état les parcelles dans un délai de 6 mois sauf autorisation obtenue dans ce délai.
L’appel interjeté par l’Andra apparaît comme un pur effet de style : l’illégalité des travaux était manifeste et l’Agence en est clairement consciente. En témoigne un arrêté préfectoral de défrichement en cours de préparation (mais encore non publié), qui attire malgré lui l’attention sur les contraintes juridiques pesant normalement sur de tels travaux (respect des périodes de nidification, obligation de compensation financière…) sur lesquelles l’Andra s’était assise l’été dernier.
L’ordonnance du Tribunal de grande instance donnait 6 mois à l’Andra pour régulariser les travaux ou remettre le bois en état, ce qui signifiait retirer les éléments de mur, les graviers et le géotextile et replanter des arbres. Ceci aurait pu être entamé dès la signification de cette ordonnance, soit début août. Or plus de six mois après, force est de constater que la régularisation n’a pas été effectuée, ou faussement tentée : à ce jour, la préfecture n’a toujours pas publié d’autorisation pour le défrichement.
Quant à la remise en état, qui peut décemment qualifier ainsi la plantation, en novembre 2016, d’une rangée d’arbustes, avec des méthodes propres à faire sourire les forestiers ? Plantation qui d’ailleurs a été effectuée dans une zone restreinte (à peine 3 km linéaires), située à l’opposé de celle qui avait été défrichée courant juillet, et surtout qui ne fait plus partie du nouveau tracé de clôture décidé par l’Andra. L’Agence méprise encore une fois une décision de justice en ne réalisant pas le reboisement qui lui était demandé et en se contentant d’une opération de communication.
Et comment accorder crédibilité aux affirmations de l’Andra, qui a invoqué la « remise en état » pour justifier ses incursions dans le Bois Lejuc et prétend en avoir été empêchée par les militant.e.s ?
▸ Au lieu de venir avec des bennes vides pour retirer les restes du mur et le gravier qu’elle avait déversé sur le sol de la forêt, les agents de l’Andra étaient accompagnés de camions chargés de graviers.
▸ Au lieu d’emprunter un chemin praticable qui aurait permis de retirer facilement les éléments de mur, les pelleteuses se sont dirigées tout droit vers les constructions des militant.e.s ; c’est en toute légitimité que ceux-ci se sont interposés face aux machines pour protéger leurs lieux de vie.
▸ Par ailleurs, les actes de violences perpétrés par l’Andra (une militante blessée au visage, une bouteille d’essence déversée sur des personnes à terre par le responsable des acquisitions foncières de l’Andra) font-elle partie de la feuille de route de la « remise en état » ?
Au vu du manque de volonté de l’Andra à se conformer rapidement aux injonctions de cette ordonnance du 1er août 2016, il apparaît que ses incursions dans le bois constituaient surtout un prétexte pour ne pas s’acquitter des astreintes financières qu’elle devait verser, à savoir « 100€ par jour de retard et par are non couvert par une autorisation de défrichement et non remis en état » à compter du 2 février 2017.
Enfin, la volonté de l’Andra de reprendre les travaux apparaît d’autant plus vaine au regard des prochaines échéances juridiques.
En effet, quatre habitants de Mandres-en-Barrois contestent en justice la délibération de leur conseil municipal à l’issue de laquelle le Bois Lejuc a été cédé à l’Andra. Ce vote avait eu lieu le 2 juillet 2015 à 6h du matin, à bulletins secrets, dans une salle gardée par des vigiles, contre l’avis de la majorité des habitants (qui lors d’une consultation deux ans auparavant, s’étaient prononcés majoritairement contre la cession du Bois Lejuc à l’Andra) et alors qu’une partie des conseillers municipaux étaient en état de conflit d’intérêt latent en raison des liens directs et indirects qu’ils entretenaient avec l’Andra. En effet, certains comptaient des membres de leur famille employés par l’Agence ou ses sous-traitants, d’autres s’étaient vu accorder par son intermédiaire des baux agricoles précaires ou des baux de chasse…
Le 31 janvier 2017, la rapporteure publique du Tribunal administratif de Nancy a d’ailleurs requis l’annulation de cette délibération, au regard des irrégularités qui entachent le vote, avec ordre à la commune de régulariser la situation sous quatre mois ou de mettre fin au contrat qui la lie à l’Andra.
Le Tribunal doit se prononcer le 28 février 2017. Si l’avis de la rapporteure publique est suivi par les juges, la propriété de l’Andra sera considérablement fragilisée. Plus question d’expulser les habitant.e.s du Bois Lejuc, de reprendre le défrichement, ni même d’envisager la poursuite des travaux préparatoires à CIGÉO ! La conception même du site de stockage pourrait être remise en question.
Est-ce parce que l’Andra se sent en difficulté sur le terrain juridique qu’elle multiplie maintenant les coups de pression sur les militant.e.s ?
Ça peut aussi vous intéresser