L’EPR (Réacteur Pressurisé Européen) est souvent présenté comme l’avenir de la filière nucléaire. En réalité, il concentre les principales failles de l’industrie nucléaire. Retards, coûts colossaux, risques en matière de sûreté… Interpellons l’Autorité de sûreté nucléaire pour qu’elle ne valide pas la cuve défectueuse de l’EPR !
19 novembre 2014 |
Areva, auto-proclamé « leader mondial de l’énergie nucléaire et acteur majeur des énergies renouvelables » (d’après la page d’accueil de son site web) est en pleine débâcle. En cette mi-novembre 2014, la presse nationale se fait largement l’écho de la santé financière catastrophique de l’entreprise, dont le capital est détenu à 87 % par l’État français.
Pendant quelques minutes ce mercredi 19 novembre, la page d’accueil du site web du constructeur de centrales a affiché un très pertinent « Erreur 404 - Areva » ; d’après Wikipédia, l’erreur 404 signifie que « la ressource demandée n’existe pas ». L’inexistence d’Areva ? Nous n’avons pas cru à cette bonne nouvelle... mais au vu de la situation financière désespérée, même l’ancien président de son conseil de surveillance, Pierre Blayau, récemment démis de ses fonctions, envisageait sérieusement le « démantèlement » du groupe, selon la presse.
Le site web d’Areva affiche désormais, sur un bandeau noir dont la couleur mortuaire est de circonstance, un laconique « AREVA suspend ses perspectives financières pour 2015 et 2016 ». Et l’action du groupe, que l’on croyait déjà au plus bas, vient de plonger encore de 15 %.
Dans la novlangue caractéristique du lobby nucléaire, l’industriel en perdition fait dans le registre énigmatique :
« Dans le cadre du processus budgétaire en cours, AREVA travaille à un renforcement de son plan de performance pour s’adapter à la conjoncture de marché qui demeure défavorable. AREVA entame une révision de ses perspectives stratégiques et de son plan de financement à moyen terme, qui sera examinée dans le cadre de sa gouvernance. »
Traduisons ce charabia en clair...
Selon Médiapart, « Au premier semestre, Areva a annoncé une perte de 694 millions d’euros. Selon certaines informations, la perte pourrait à nouveau dépasser le milliard d’euros à la fin de l’année. »... à comparer avec son chiffres d’affaires 2013 qui est de 9 milliards.
Médiapart poursuit : « À l’exception de son activité minière, toutes les autres branches sont en perte. Le groupe ne dispose d’aucune marge de manoeuvre financière. […] Son endettement atteint 4,7 milliards d’euros pour 4 milliards de fonds propres. Pourtant, le groupe a déjà cédé quelque 10 milliards d’euros d’actifs en trois ans, notamment sa filiale T&D et ses participations dans Eramet et dans ST Microelectronics. »
D’après le journal d’investigation, il est très probable que cet « acteur majeur des énergies renouvelables » qu’est censément Areva supprime purement et simplement sa branche concernée, qui cumule 19 millions de pertes en 2013 pour à peine 32 millions de chiffre d’affaires. C’est qu’Areva va devoir continuer à sabrer tous azimuts dans ses activités pour tenter de sauver ce qui peut encore l’être.
Des suppressions d’emplois par milliers sont probables, en France notamment. L’occasion de rappeler qu’à l’heure actuelle, les énergies renouvelables représentent en Europe 4,6 fois plus d’emplois que le nucléaire. La comparaison ne va pas s’arranger pour l’atome !
Plutôt les deux mains, en fait...
Selon le magazine économique Challenges, « Les mesures attendues sont radicales : l’Etat pourrait injecter 2 milliards d’euros dans Areva, grâce à des sommes provenant de la vente d’actifs dans d’autres sociétés de la filière nucléaire. Surtout, la création d’une société de défaisance est envisagée, pour loger et externaliser les activités ultra-déficitaires en même temps qu’imprévisibles, dues notamment aux retards considérables de livraison des réacteurs EPR à Flamanville et surtout en Finlande. »
Le réacteur EPR de Flamanville vient tout juste de prendre une année de retard supplémentaire dans la vue.
Et de nouveaux surcoûts importants restent à rendre publics... on peut d’ores et déjà tabler sur un coût final de 10 milliards, contre 3 milliards annoncés initialement. 333 % d’augmentation, pas mal, non ? Dommage pour Areva, ce n’est pas la performance de son action...
Selon Challenges, même ce prétendu "fleuron" de l’industrie française que serait l’EPR est en sursis : « l’abandon pur et simple de la construction de nouvelles centrales EPR est envisagé. Areva n’a que des déboires avec cette Rolls-Royce du nucléaire, impossible à réaliser dans les délais et aux coûts prévus et beaucoup trop chère. »
C’est bien parce que l’État porte Areva à bout de bras que le « leader de l’énergie nucléaire » n’a pas déjà déposé le bilan, selon un anonyme connaisseur du dossier au ministère du Budget, cité par la presse. Et c’est aussi parce qu’elle est soutenue par l’État qu’Areva a réussi in extremis à négocier avec l’agence de notation Standard & Poors que son action ne soit pas classée « junk bond » (« investissement pourri ») cet automne, mais seulement placée sous « surveillance négative ».
La santé financière d’Areva ? C’est Tchernobyl. Et, un peu comme en cas d’accident nucléaire, c’est l’État qui va devoir payer les pots cassés, en renflouant les caisses.
Post-scriptum - Petit florilège éloquent des titres de la presse
Le Figaro : "En crise, Areva décrète l’état d’urgence"
Le Monde : "Areva dans la tourmente"
Les Échos : "Nucléaire : Areva s’enfonce dans la crise, son titre plonge en Bourse"
Challenges : "Le nouveau patron d’Areva est prêt à en finir avec les centrales EPR"
L’Usine Nouvelle : "Mal en point, Areva suspend ses perspectives financières"
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