L’EPR (Réacteur Pressurisé Européen) est souvent présenté comme l’avenir de la filière nucléaire. En réalité, il concentre les principales failles de l’industrie nucléaire. Retards, coûts colossaux, risques en matière de sûreté… Interpellons l’Autorité de sûreté nucléaire pour qu’elle ne valide pas la cuve défectueuse de l’EPR !
1er septembre 2014 |
Le 1er septembre 2014, Areva a annoncé dans un communiqué un énième retard pour le chantier du réacteur nucléaire EPR en construction à Olkiluoto (Finlande). La mise en service serait précédée d’une longue "phase d’essais" qui laisse déjà anticiper de nombreux problèmes non réglés. En attendant, le gâchis financier et humain se poursuit.
Selon le calendrier actualisé élaboré par Areva, la construction de l’EPR d’Olkiluoto pourrait prendre fin à la mi-2016, avec une mise en service prévue en 2018 suite à plusieurs essais. Avec cette longue période d’essai, Areva prévoit donc déjà que tout ne sera pas au point et qu’il faudra du temps pour régler de nombreux bugs. Au vu des retards récurrents sur ce chantier, on peut raisonnablement s’attendre à ce que cette période "d’essais" s’étale encore sur quelques années supplémentaires…
Pour rappel, lorsque la construction avait démarré en 2005, l’EPR était censé produire ses premiers mégawatts dès le printemps 2009.
Officiellement, "l’approbation du contrôle-commande de la centrale est le facteur principal à l’origine des retards enregistrés dernièrement par le projet". Cela fait en effet 5 ans que ce mécanisme crucial pour la sûreté du réacteur pose problème : en 2009, les autorités de sûreté nucléaire françaises, anglaises et finlandaises avaient exprimé leurs inquiétudes devant les insuffisances de sa conception. Récemment validé quant à sa conception théorique, ce mécanisme complexe reste encore à construire.
Toutefois, la complexité du réacteur n’est pas seule en cause. Les bisbilles entre Areva et TVO, l’opérateur finlandais, ont largement contribué au retard. En février 2014, le quotidien finlandais Kauppalehti avait révélé que le chantier était au point mort suite à ces différends, les deux parties s’accusant mutuellement des retards et surcoûts et se réclamant plusieurs milliards d’euros de compensation.
La situation ne semble pas apaisée, Areva indiquant que "le calendrier actualisé repose sur des hypothèses et des engagements qui requièrent l’implication de TVO". Une manière bien facile de se décharger en imputant la responsabilité de retards supplémentaires à la mauvaise volonté de l’opérateur finlandais...
Enfin, les conditions de travail calamiteuses sur le chantier jouent probablement une part importante dans les retards. La sociologue Anna Kontula, qui a publié en 2010 un ouvrage [1] suite à son enquête sur le chantier, décrivait des violations du droit du travail et des milliers de travailleurs de toutes nationalités logés dans des baraques sordides [2].
En 2010, une entreprise de sous-traitance dénommée Rimec, que l’on retrouvera plus tard sur le chantier de l’EPR de Flamanville sous le nom d’Atlanco et qui doit d’ailleurs être jugée en correctionnelle en octobre 2014 aux côtés de Bouygues, s’était également faite connaître en Finlande pour ses mauvaises pratiques. Cette société avait ainsi retenu une grande partie du salaire d’ouvriers polonais et commis de nombreuses irrégularités dans le paiement des congés et assurances maladie. Peut-on espérer que le traitement des ouvriers se soit amélioré depuis ? Rien n’est moins sûr.
Il faut espérer que ces difficultés et ces retards à répétition finissent un jour par déboucher sur l’abandon du chantier et du programme EPR. Mais entre-temps, beaucoup de gâchis humain et financier aura eu lieu. Aux dernières estimations (fin juin 2014), Areva estimait les pertes prévisionnelles à 3,9 milliards d’euros et le coût total à 8,5 milliards d’euros. Le projet étant assuré par la COFACE, ce sont les contribuables français qui paieront la facture démesurée de ce réacteur dangereux et inutile.
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