Le 19 avril 2024, le Réseau “Sortir du nucléaire“ et Stop Tricastin ont déposé un recours auprès du Conseil d’État pour contester l’autorisation que l’ASN a accordé à EDF pour lui permettre de prolonger l’exploitation du premier et second réacteur de Tricastin au delà de 40 ans. Le 25 septembre 2024, les associations Greenpeace France, Greenpeace Italie et Sortir du Nucléaire Suisse ont rejoint volontairement la procédure.
Tricastin 1 et 2, premiers réacteurs à passer le cap des 40 ans
Mis en service en 1980, les deux premiers réacteurs de Tricastin sont les premiers réacteurs français autorisés à poursuivre sa production d’électricité au-delà de 40 ans, c’est à dire au-delà de sa durée théorique de fonctionnement maximal. C’est une première en France, et le début d’une longue série. Prévue initialement à 30 ans, puis à 40 ans, la durée de fonctionnement des réacteurs nucléaires ne fait pas l’objet d’une réglementation fixant une limite stricte. Cependant des réexamen de sûreté (RDS) leur sont imposés. Ces contrôle de la sûreté des réacteurs se fait par les visites décennales (VD) dont le résultat permet à l’ASN d’autoriser ou non la poursuite du fonctionnement de chaque réacteur. La stratégie d’EDF au début des années 2000 était basée sur une perspective d’arrêt définitif des 58 réacteurs à l’échéance de 40 ans de fonctionnement. Il était prévu que cela s’accompagne du renouvellement progressif du parc et la mise en service de réacteurs EPR. Or aujourd’hui, à cause de la politique anti-renouvelable de ces dernières années, du désastre industriel qu’a été la construction de l’EPR de Flamanville, et sous la pression de l’effet falaise (la fermeture quasi simultanée des réacteurs de 900MW), le gouvernement et EDF poussent pour une prolongation des réacteurs jusqu’à 60 ans et au-delà. Les considérations de sûreté n’entrent en aucune façon dans l’élaboration de cette nouvelle stratégie.
Une prolongation irrégulière à plusieurs égards
Insuffisance des prescriptions adoptées pour assurer la sûreté du réacteur.
Pour passer la VD4, plusieurs volets doivent faire l’objet d’études appronfondies : EDF doit vérifier la conformité de son installation aux normes de sûreté actuelles, vérifier la maîtrise de son vieillissement, opérer une réévaluation de sûreté, et évaluer les risques exterieurs de la centrale (sismiques, aérien, inondation). Malgré ces études, le réacteur 1 de Tricastin présente toujours de graves déficits en matière de sûreté au regard des exigences françaises et internationales appliquées à l’heure actuelle.
La cuve est fragilisée par une vingtaine de fissures. Même si des procédés ont été introduits pour tenter de réduire la fragilisation et que l’ASN a validé la cuve de Tricastin lors du 4ème réexamen périodique, des experts indépendants ont des doutes sur sa tenue.
La piscine située dans le bâtiment du combustible n’a pas été « bunkerisée ». Ces piscines d’entreposage de combustible usé et très radioactif n’ont pas été conçues pour résister à des actes de malveillance. Leur résistance face au risque de chute d’un avion ou d’un attentat terroriste est critique. Pourtant, le confinement des piscines de combustible situées au pied de chaque réacteur nucléaire n’est pas prévu à Tricastin.
L’impact du séisme du TEIL [Séisme d’une magnitude 5,4 sur l’échelle de Richter, survenu le 11 novembre 2019 en Ardèche] sur la définition de l’aléa sismique du site nucléaire du Tricastin n’est pas connu à ce jour. La digue en terre du canal de Donzère – Mondragon est fragile, elle a été consolidée à plusieurs reprises. Mais est ce suffisant ? Résistera-t-elle à un nouveau séisme ?
Par ailleurs, EDF ne sera pas en capacité d’assurer dans les temps les travaux de sûreté nécessaires à la poursuite de son réacteur. EDF a en effet demandé le report de plusieurs échéances pour difficultés à les mettre en œuvre. Certaines des prescriptions qui devaient être mises en œuvre d’ici 2025 sur Tricastin 1 pour poursuivre son exploitation vont être repoussées à 2027.
Une procédure inconventionnelle.
La quatrième visite décennale constitue une étape majeure dans la sûreté nucléaire en raison des risques induits par la prolongation de la durée de vie des centrales au-delà de leur durée de vie technique. La poursuite de fonctionnement des réacteurs nucléaires au-delà de leur durée de conception initiale est considérée par l’ASN comme une « étape significative ». Lors de ces examens de sûreté, EDF effectue des travaux d’ampleur liés à la maîtrise de la conformité et à la réévaluation de sûreté. Ces travaux, pour la période postérieure à 40 années, se chiffrent à plusieurs dizaines voire centaines de milliards d’euros.
Compte tenu de la nature et de l’impact sur l’environnement de la prolongation d’une centrale nucléaire au delà de sa durée de vie technique (coûts, travaux d’ampleur, risques), le droit européen et international imposent que les états voisins d’une centrale en phase de prolongation soient consultés en amont et que l’exploitant [EDF] réalise une évaluation environnementale, ce que ne prévoyait pas le droit français. Saisi par Greenpeace, le comité Espoo a répondu le 22 septembre 2023 qu’il y avait effectivement une profonde suspicion de non conformité du droit français à la convention Espoo. Le Comité a donc décidé d’ouvrir une procédure contre la France et l’État français devra s’expliquer lors d’une prochaine session du comité.
Suite à cette déclaration, le gouvernement a vite adopté un décret le 28 novembre 2023 pour que le droit français se mettre en conformité avec la convention Espoo concernant la procédure de prolongation des réacteurs au delà de leur 35e année de fonctionnement. Mais la prolongation du réacteur 1 de Tricastin est intervenue avant ce changement de législation, laissant présager que la procédure qui a été suivie par EDF n’était pas conforme aux normes internationales.
Pour toutes ces raisons, le 19 avril 2024, le Réseau "Sortir du nucléaire", et Stop Tricastin ont déposé un recours devant le Conseil d’État pour dénoncer l’irrégularité de la prolongation de Tricastin 1 et 2 au delà de sa 40e année d’exploitation. Ces associations ont été rejoint le 25 septembre 2024 par Greenpeace France, Sortir du Nucléaire Suisse et Greenpeace Italie dans un second temps. Ces associations déplorent elles aussi l’absence de consultation transfrontalière et d’évaluation environnementale alors que cette prolongation présente d’importants enjeux en matière de nucléaire, et plus largement, de protection de l’environnement.
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Tricastin 1 et 2, premiers réacteurs à passer le cap des 40 ans
Mis en service en 1980, les deux premiers réacteurs de Tricastin sont les premiers réacteurs français autorisés à poursuivre sa production d’électricité au-delà de 40 ans, c’est à dire au-delà de sa durée théorique de fonctionnement maximal. C’est une première en France, et le début d’une longue série. Prévue initialement à 30 ans, puis à 40 ans, la durée de fonctionnement des réacteurs nucléaires ne fait pas l’objet d’une réglementation fixant une limite stricte. Cependant des réexamen de sûreté (RDS) leur sont imposés. Ces contrôle de la sûreté des réacteurs se fait par les visites décennales (VD) dont le résultat permet à l’ASN d’autoriser ou non la poursuite du fonctionnement de chaque réacteur. La stratégie d’EDF au début des années 2000 était basée sur une perspective d’arrêt définitif des 58 réacteurs à l’échéance de 40 ans de fonctionnement. Il était prévu que cela s’accompagne du renouvellement progressif du parc et la mise en service de réacteurs EPR. Or aujourd’hui, à cause de la politique anti-renouvelable de ces dernières années, du désastre industriel qu’a été la construction de l’EPR de Flamanville, et sous la pression de l’effet falaise (la fermeture quasi simultanée des réacteurs de 900MW), le gouvernement et EDF poussent pour une prolongation des réacteurs jusqu’à 60 ans et au-delà. Les considérations de sûreté n’entrent en aucune façon dans l’élaboration de cette nouvelle stratégie.
Une prolongation irrégulière à plusieurs égards
Insuffisance des prescriptions adoptées pour assurer la sûreté du réacteur.
Pour passer la VD4, plusieurs volets doivent faire l’objet d’études appronfondies : EDF doit vérifier la conformité de son installation aux normes de sûreté actuelles, vérifier la maîtrise de son vieillissement, opérer une réévaluation de sûreté, et évaluer les risques exterieurs de la centrale (sismiques, aérien, inondation). Malgré ces études, le réacteur 1 de Tricastin présente toujours de graves déficits en matière de sûreté au regard des exigences françaises et internationales appliquées à l’heure actuelle.
La cuve est fragilisée par une vingtaine de fissures. Même si des procédés ont été introduits pour tenter de réduire la fragilisation et que l’ASN a validé la cuve de Tricastin lors du 4ème réexamen périodique, des experts indépendants ont des doutes sur sa tenue.
La piscine située dans le bâtiment du combustible n’a pas été « bunkerisée ». Ces piscines d’entreposage de combustible usé et très radioactif n’ont pas été conçues pour résister à des actes de malveillance. Leur résistance face au risque de chute d’un avion ou d’un attentat terroriste est critique. Pourtant, le confinement des piscines de combustible situées au pied de chaque réacteur nucléaire n’est pas prévu à Tricastin.
L’impact du séisme du TEIL [Séisme d’une magnitude 5,4 sur l’échelle de Richter, survenu le 11 novembre 2019 en Ardèche] sur la définition de l’aléa sismique du site nucléaire du Tricastin n’est pas connu à ce jour. La digue en terre du canal de Donzère – Mondragon est fragile, elle a été consolidée à plusieurs reprises. Mais est ce suffisant ? Résistera-t-elle à un nouveau séisme ?
Par ailleurs, EDF ne sera pas en capacité d’assurer dans les temps les travaux de sûreté nécessaires à la poursuite de son réacteur. EDF a en effet demandé le report de plusieurs échéances pour difficultés à les mettre en œuvre. Certaines des prescriptions qui devaient être mises en œuvre d’ici 2025 sur Tricastin 1 pour poursuivre son exploitation vont être repoussées à 2027.
Une procédure inconventionnelle.
La quatrième visite décennale constitue une étape majeure dans la sûreté nucléaire en raison des risques induits par la prolongation de la durée de vie des centrales au-delà de leur durée de vie technique. La poursuite de fonctionnement des réacteurs nucléaires au-delà de leur durée de conception initiale est considérée par l’ASN comme une « étape significative ». Lors de ces examens de sûreté, EDF effectue des travaux d’ampleur liés à la maîtrise de la conformité et à la réévaluation de sûreté. Ces travaux, pour la période postérieure à 40 années, se chiffrent à plusieurs dizaines voire centaines de milliards d’euros.
Compte tenu de la nature et de l’impact sur l’environnement de la prolongation d’une centrale nucléaire au delà de sa durée de vie technique (coûts, travaux d’ampleur, risques), le droit européen et international imposent que les états voisins d’une centrale en phase de prolongation soient consultés en amont et que l’exploitant [EDF] réalise une évaluation environnementale, ce que ne prévoyait pas le droit français. Saisi par Greenpeace, le comité Espoo a répondu le 22 septembre 2023 qu’il y avait effectivement une profonde suspicion de non conformité du droit français à la convention Espoo. Le Comité a donc décidé d’ouvrir une procédure contre la France et l’État français devra s’expliquer lors d’une prochaine session du comité.
Suite à cette déclaration, le gouvernement a vite adopté un décret le 28 novembre 2023 pour que le droit français se mettre en conformité avec la convention Espoo concernant la procédure de prolongation des réacteurs au delà de leur 35e année de fonctionnement. Mais la prolongation du réacteur 1 de Tricastin est intervenue avant ce changement de législation, laissant présager que la procédure qui a été suivie par EDF n’était pas conforme aux normes internationales.
Pour toutes ces raisons, le 19 avril 2024, le Réseau "Sortir du nucléaire", et Stop Tricastin ont déposé un recours devant le Conseil d’État pour dénoncer l’irrégularité de la prolongation de Tricastin 1 et 2 au delà de sa 40e année d’exploitation. Ces associations ont été rejoint le 25 septembre 2024 par Greenpeace France, Sortir du Nucléaire Suisse et Greenpeace Italie dans un second temps. Ces associations déplorent elles aussi l’absence de consultation transfrontalière et d’évaluation environnementale alors que cette prolongation présente d’importants enjeux en matière de nucléaire, et plus largement, de protection de l’environnement.
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