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Surveillance citoyenne des installations nucléaires

Rencontre ASN-Réseau 2018

Article publié le 6 juillet 2018



Jeudi 5 juillet 2018, une délégation d’administrateurs et de salariés du Réseau "Sortir du nucléaire" avait rendez-vous avec la direction de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Durant 2 heures nous avons présenté à Pierre Franck Chevet, président, et à plusieurs de ses directeurs (général, adjoints et inspecteur en chef) nos inquiétudes et posé de nombreux questionnements relatifs aux récentes actualités.



Au regard des fonctions hiérarchiques de nos interlocuteurs, on peut supposer que notre association est considérée comme un acteur crédible et pris au sérieux. Ce rendez-vous a été préparé collégialement par l’équipe CA-Salariés du Réseau, en s’appuyant essentiellement sur le travail de surveillance citoyenne des installations nucléaires (SCIN) réalisé tout au long de l’année. Les administrateurs référents de cette activité ont rappelé en introduction le contexte actuel et le cadre politique dans lequel s’inscrit cette seconde rencontre avec l’ASN.

Voici en substance ce qui s’est dit en préambule :

« Pour ce deuxième rendez-vous annuel entre notre association et l’ASN, le contexte a beaucoup changé. L’an dernier nous avions remis un exemplaire de La farce cachée du nucléaire ainsi qu’une pétition demandant de ne pas valider la cuve de l’EPR de Flamanville. Cette année, le contexte général n’incite pas à la confiance envers les institutions. Les luttes antinucléaires doivent faire face à la répression (arrestations arbitraires, gardes à vues et perquisitions) et notre organisation n’est pas épargnée. En ce qui concerne l’ASN, la transparence n’a guère progressé, pas plus que la prise en compte réelle de la voix de la société civile. Au contraire : pour prendre l’exemple de la cuve de l’EPR, vos 2 pages de conclusion en réponse aux près de 14 000 contributions, avec une rédaction finale qui a même régressé (puisqu’on est passé d’ « exclure » à « prévenir » la rupture), ont laissé un goût amer. Nous n’avons pas bien vu comment vous vous étiez saisis des informations révélées dans La farce cachée du nucléaire – mais peut-être allez-vous nous apporter des informations aujourd’hui ? Aujourd’hui, la confiance des groupes locaux et des associations de notre réseau dans tout ce qui s’apparente aux débats, à la concertation et à la participation dans les différentes instances institutionnelles se trouve lourdement entamée. Quand on ne se sent ni écoutés, ni respectés, à quoi bon continuer à participer ? »

De nombreuses thématiques ont été abordées lors de ce rendez-vous, à commencer par l’EPR de Flamanville. De la validation de la cuve en 2017 à la manière dont a été prise en compte la forte mobilisation de la société civile (près de 14 000 participations à la consultation du public organisée par l’ASN), en passant par l’instruction des récentes anomalies découvertes sur les soudures du circuit secondaire principal et sur les contrôles de fin de fabrication qui les ont déclarées conformes, nous avons insisté sur notre insatisfaction face à ce qui nous apparaît comme une logique dérogatoire ouvrant un dangereux précédent : les équipements sont déclarés conformes et aptes au service alors que les exigences de qualité renforcée pour leur conception et leur fabrication (puisqu’ils sont soumis au « principe d’exclusion de rupture », principe qui permet à EDF de ne pas faire toute une gamme d’études sur les conséquences pour la sûreté de la rupture de l’équipement) ne sont pas respectées. Les nouvelles malfaçons découvertes sur le chantier tomberont-elles également sous le coup de cette logique dérogatoire ?

S’en est ensuite suivi un point traitant du vieillissement des installations. Fessenheim d’abord et son GV 335 suspect, fabriqué au Creusot. L’année passée, l’ASN, qui avait suspendu le certificat de cet équipement en juillet 2016 suite à la découverte de falsifications de dossiers de fabrication, nous avait laissé entendre que le redémarrage du réacteur 2 était peu probable tant le défaut affectant l’acier de ce GV était complexe. Or cette année, après avoir étudié le dossier de justification fourni par EDF et Areva, l’ASN a levé cette suspension, « les essais réalisés ayant démontrés que les propriétés mécaniques n’étaient pas remises en cause ». Pour ce qui est de la « suspicion de fraude », l’ASN a fait un signalement au procureur de la République, l’enquête poursuit son cours.

La prolongation du fonctionnement des réacteurs au delà de 40 ans et surtout l’agencement du calendrier ont ensuite été questionnés : alors même qu’EDF entame des 4ème visites décennales dès 2019, l’ASN prépare un avis générique pour 2020 qui synthétisera les prescriptions auxquelles EDF devra s’astreindre pour poursuivre l’exploitation de ses réacteurs. Nicolas Hulot a annoncé qu’un échéancier de fermeture figurerait dans la prochaine PPE et semble attendre de l’ASN qu’elle lui indique quels réacteurs doivent être définitivement arrêtés et à quelle échéance, pour respecter les objectifs de baisse de la part du nucléaire dans le mix énergétique. Mais l’ASN réaffirme que son champ de positionnement est uniquement la sûreté et qu’elle ne conçoit pas les choix relatifs à la politique énergétique du pays comme faisant partie de son rôle. Interrogée sur ce renvoi de balle, elle s’est contentée de dire que si EDF lui transmettait un calendrier de fermeture, elle voulait bien se prononcer dessus, mais n’avait rien reçu à ce jour. Rien d’étonnant à ce stade, sachant qu’EDF, dans son cahier d’acteur remis pour le débat public sur la PPE ne propose aucune fermeture (à part celle de Fessenheim) avant 2029 ! Nous nous interrogeons fortement sur ce renvoi de balle… Dans tous les cas, en attendant de l’ASN qu’elle lui fournisse une liste de centrales à fermer alors que celle-ci laisse la décision entre les mains d’EDF, le gouvernement joue un véritable jeu de dupe.

La thématique des déchets nucléaires a également été abordée, à travers Cigéo d’abord mais également par le projet de piscine centralisée de combustible MOX usé qui pourrait être implantée à Belleville-sur-Loire. Concernant Cigéo, l’ASN a présenté un avis début 2018 mettant en avant « une maturité satisfaisante » du projet à un an du dépôt de demande d’autorisation de construction, cependant assujettis de plusieurs dizaines de pages de demandes d’études complémentaires. Interrogée sur ce que nous considérons être les failles de ce projet, notamment en terme de risque d’incendie souterrain, l’ASN a confirmé émettre des « réserves » et souhaiterait que « l’inertage des colis » de déchets bitumés (rendre inerte les colis) - travail sur lequel se penche le CEA - soit privilégié par rapport à l’autre solution qui consisterai à rendre l’installation souterrain de stockage « incendie-résistante » (travail sur lequel planche l’Andra). Plusieurs questions sur d’autres modes de stockage possible des déchets et des combustibles usés ont été soulevées par nos représentants (comme par exemple pourquoi une grande piscine centralisée et pas plusieurs extensions des piscines déjà existantes… ou une réduction à la source des combustibles usés par l’arrêt du nucléaire). Là encore l’ASN a répondu que son rôle consistait à se positionner en terme de sûreté sur les propositions qui lui sont soumises (par EDF, par l’Andra, par le CEA), et non à juger de ce qui serait le mieux ou à faire elle-même des propositions sur des solutions possibles qui ne sont pas envisagées par les exploitants. Ce fut l’occasion de rappeler les tensions liées au contexte actuel, marqué par une répression démesurée envers des militants s’opposant localement au projet Cigéo, traités comme de véritables terroristes par les pouvoirs publics. Ce fut également l’occasion de souligner avec insistance l’impossibilité d’accéder à des documents techniques comme le Dossier d’options de sûreté (DOS) de ce projet de piscine centralisée – documents auxquels la société civile est censée avoir un droit d’accès, comme à toute autre information à caractère environnementale. Et de souligner que les dialogues techniques organisés entre autorités, exploitants et société civile sur ces sujets sont de fait totalement biaisés, puisqu’une partie des participants se voit tout simplement refuser l’accès aux données techniques sur lesquelles ils sont censés dialoguer. Dès lors, comment dialoguer dans de telles conditions ?

La répression des militants antinucléaires, les limites du système déclaratif sur lequel repose le contrôle, la question du droit d’accès aux informations en matière de nucléaire et de ses freins de plus en plus nombreux (secret défense, secret industriel et commercial, secret au titre de la protection contre les actes de malveillance, et maintenant le secret des affaire) de même que le questionnement sur l’utilité de la participation du public aux diverses instances de consultation mises en place par les institutions sont les thématiques transversales qui sont régulièrement ressorties au fil de l’entretien. Notre question « Qui décide de l’accès aux informations, les autorités ou les lobby ? » est restée sans réponse. Nous avons également levé de nombreuses interrogations sur la mise en place effective du plan anti-fraude présenté récemment par l’ASN, et sur les conséquences de la loi votée sur le secret des affaires. L’ASN nous a avoué étudier actuellement les implications juridiques découlant de cette loi, celle-ci pouvant menacer directement les lanceurs d’alertes mais aussi leurs propres inspecteurs.

Enfin, nous avons interpellé l’ASN sur l’ampleur des anomalies génériques affectant le parc nucléaire français et sur le fait qu’aucun réacteur n’était épargné, certains cumulant plusieurs problèmes très sérieux. Ces anomalies, dues à des défauts de maintenance mais aussi à des problèmes de conception et de fabrication, sont souvent complexes et découvertes au fur et à mesure. Nous n’avons pu que déplorer une information du public par EDF souvent vague et tardive et une absence de réaction de l’ASN qui nous laisse interrogateurs : « Quelle ampleur vous faut-il pour exiger la mise à l’arrêt des réacteurs concernés ? » Nous avons terminé l’entretien sur des questions directes concernant les modalités de déclaration des évènements liés à l’environnement, un avis récent de l’IRSN [1] faisant un constat déjà formulé il y a plusieurs années : ces déclarations doivent être améliorées et mieux prises en compte. Là encore, les accidents et les dommages causés aux milieux naturels trouvent leur origine dans des défaillances d’organisation, de maintenance, des pratiques déviantes qui s’ancrent durablement, une exploitation des installations nucléaire insuffisamment maitrisée. Qui plus est les évènements liés à l’environnement sont souvent minimisés par les exploitants lors de leur déclaration.

« Vous posez de très bonnes questions » nous dira Pierre Franck Chevet, président de l’ASN, lors de l’entretien. Certainement la raison pour laquelle la plupart sont restées sans réponses… Quoiqu’il en soit, le Réseau "Sortir du nucléaire" considère comme important d’exprimer ses inquiétudes et de faire part de ses interrogations directement à la direction de l’Autorité de sûreté nucléaire. Peut-être que nos questions resteront sans réponse et tomberont dans l’oubli. Peut-être feront-elles leur bout de chemin et infuseront dans les consciences avec le temps… Dans tous les cas, l’Autorité de sûreté nucléaire ne peut ignorer aujourd’hui que la société civile est là, forte, présente et qu’elle est très attentive aux activités menées par l’autorité qualifiée de gendarme du nucléaire.


Notes

[1Avis IRSN n°2018-00055 sur les tendances issues des déclarations d’événements significatifs pour l’environnement d’EDF pour les années 2015 et 2016

Au regard des fonctions hiérarchiques de nos interlocuteurs, on peut supposer que notre association est considérée comme un acteur crédible et pris au sérieux. Ce rendez-vous a été préparé collégialement par l’équipe CA-Salariés du Réseau, en s’appuyant essentiellement sur le travail de surveillance citoyenne des installations nucléaires (SCIN) réalisé tout au long de l’année. Les administrateurs référents de cette activité ont rappelé en introduction le contexte actuel et le cadre politique dans lequel s’inscrit cette seconde rencontre avec l’ASN.

Voici en substance ce qui s’est dit en préambule :

« Pour ce deuxième rendez-vous annuel entre notre association et l’ASN, le contexte a beaucoup changé. L’an dernier nous avions remis un exemplaire de La farce cachée du nucléaire ainsi qu’une pétition demandant de ne pas valider la cuve de l’EPR de Flamanville. Cette année, le contexte général n’incite pas à la confiance envers les institutions. Les luttes antinucléaires doivent faire face à la répression (arrestations arbitraires, gardes à vues et perquisitions) et notre organisation n’est pas épargnée. En ce qui concerne l’ASN, la transparence n’a guère progressé, pas plus que la prise en compte réelle de la voix de la société civile. Au contraire : pour prendre l’exemple de la cuve de l’EPR, vos 2 pages de conclusion en réponse aux près de 14 000 contributions, avec une rédaction finale qui a même régressé (puisqu’on est passé d’ « exclure » à « prévenir » la rupture), ont laissé un goût amer. Nous n’avons pas bien vu comment vous vous étiez saisis des informations révélées dans La farce cachée du nucléaire – mais peut-être allez-vous nous apporter des informations aujourd’hui ? Aujourd’hui, la confiance des groupes locaux et des associations de notre réseau dans tout ce qui s’apparente aux débats, à la concertation et à la participation dans les différentes instances institutionnelles se trouve lourdement entamée. Quand on ne se sent ni écoutés, ni respectés, à quoi bon continuer à participer ? »

De nombreuses thématiques ont été abordées lors de ce rendez-vous, à commencer par l’EPR de Flamanville. De la validation de la cuve en 2017 à la manière dont a été prise en compte la forte mobilisation de la société civile (près de 14 000 participations à la consultation du public organisée par l’ASN), en passant par l’instruction des récentes anomalies découvertes sur les soudures du circuit secondaire principal et sur les contrôles de fin de fabrication qui les ont déclarées conformes, nous avons insisté sur notre insatisfaction face à ce qui nous apparaît comme une logique dérogatoire ouvrant un dangereux précédent : les équipements sont déclarés conformes et aptes au service alors que les exigences de qualité renforcée pour leur conception et leur fabrication (puisqu’ils sont soumis au « principe d’exclusion de rupture », principe qui permet à EDF de ne pas faire toute une gamme d’études sur les conséquences pour la sûreté de la rupture de l’équipement) ne sont pas respectées. Les nouvelles malfaçons découvertes sur le chantier tomberont-elles également sous le coup de cette logique dérogatoire ?

S’en est ensuite suivi un point traitant du vieillissement des installations. Fessenheim d’abord et son GV 335 suspect, fabriqué au Creusot. L’année passée, l’ASN, qui avait suspendu le certificat de cet équipement en juillet 2016 suite à la découverte de falsifications de dossiers de fabrication, nous avait laissé entendre que le redémarrage du réacteur 2 était peu probable tant le défaut affectant l’acier de ce GV était complexe. Or cette année, après avoir étudié le dossier de justification fourni par EDF et Areva, l’ASN a levé cette suspension, « les essais réalisés ayant démontrés que les propriétés mécaniques n’étaient pas remises en cause ». Pour ce qui est de la « suspicion de fraude », l’ASN a fait un signalement au procureur de la République, l’enquête poursuit son cours.

La prolongation du fonctionnement des réacteurs au delà de 40 ans et surtout l’agencement du calendrier ont ensuite été questionnés : alors même qu’EDF entame des 4ème visites décennales dès 2019, l’ASN prépare un avis générique pour 2020 qui synthétisera les prescriptions auxquelles EDF devra s’astreindre pour poursuivre l’exploitation de ses réacteurs. Nicolas Hulot a annoncé qu’un échéancier de fermeture figurerait dans la prochaine PPE et semble attendre de l’ASN qu’elle lui indique quels réacteurs doivent être définitivement arrêtés et à quelle échéance, pour respecter les objectifs de baisse de la part du nucléaire dans le mix énergétique. Mais l’ASN réaffirme que son champ de positionnement est uniquement la sûreté et qu’elle ne conçoit pas les choix relatifs à la politique énergétique du pays comme faisant partie de son rôle. Interrogée sur ce renvoi de balle, elle s’est contentée de dire que si EDF lui transmettait un calendrier de fermeture, elle voulait bien se prononcer dessus, mais n’avait rien reçu à ce jour. Rien d’étonnant à ce stade, sachant qu’EDF, dans son cahier d’acteur remis pour le débat public sur la PPE ne propose aucune fermeture (à part celle de Fessenheim) avant 2029 ! Nous nous interrogeons fortement sur ce renvoi de balle… Dans tous les cas, en attendant de l’ASN qu’elle lui fournisse une liste de centrales à fermer alors que celle-ci laisse la décision entre les mains d’EDF, le gouvernement joue un véritable jeu de dupe.

La thématique des déchets nucléaires a également été abordée, à travers Cigéo d’abord mais également par le projet de piscine centralisée de combustible MOX usé qui pourrait être implantée à Belleville-sur-Loire. Concernant Cigéo, l’ASN a présenté un avis début 2018 mettant en avant « une maturité satisfaisante » du projet à un an du dépôt de demande d’autorisation de construction, cependant assujettis de plusieurs dizaines de pages de demandes d’études complémentaires. Interrogée sur ce que nous considérons être les failles de ce projet, notamment en terme de risque d’incendie souterrain, l’ASN a confirmé émettre des « réserves » et souhaiterait que « l’inertage des colis » de déchets bitumés (rendre inerte les colis) - travail sur lequel se penche le CEA - soit privilégié par rapport à l’autre solution qui consisterai à rendre l’installation souterrain de stockage « incendie-résistante » (travail sur lequel planche l’Andra). Plusieurs questions sur d’autres modes de stockage possible des déchets et des combustibles usés ont été soulevées par nos représentants (comme par exemple pourquoi une grande piscine centralisée et pas plusieurs extensions des piscines déjà existantes… ou une réduction à la source des combustibles usés par l’arrêt du nucléaire). Là encore l’ASN a répondu que son rôle consistait à se positionner en terme de sûreté sur les propositions qui lui sont soumises (par EDF, par l’Andra, par le CEA), et non à juger de ce qui serait le mieux ou à faire elle-même des propositions sur des solutions possibles qui ne sont pas envisagées par les exploitants. Ce fut l’occasion de rappeler les tensions liées au contexte actuel, marqué par une répression démesurée envers des militants s’opposant localement au projet Cigéo, traités comme de véritables terroristes par les pouvoirs publics. Ce fut également l’occasion de souligner avec insistance l’impossibilité d’accéder à des documents techniques comme le Dossier d’options de sûreté (DOS) de ce projet de piscine centralisée – documents auxquels la société civile est censée avoir un droit d’accès, comme à toute autre information à caractère environnementale. Et de souligner que les dialogues techniques organisés entre autorités, exploitants et société civile sur ces sujets sont de fait totalement biaisés, puisqu’une partie des participants se voit tout simplement refuser l’accès aux données techniques sur lesquelles ils sont censés dialoguer. Dès lors, comment dialoguer dans de telles conditions ?

La répression des militants antinucléaires, les limites du système déclaratif sur lequel repose le contrôle, la question du droit d’accès aux informations en matière de nucléaire et de ses freins de plus en plus nombreux (secret défense, secret industriel et commercial, secret au titre de la protection contre les actes de malveillance, et maintenant le secret des affaire) de même que le questionnement sur l’utilité de la participation du public aux diverses instances de consultation mises en place par les institutions sont les thématiques transversales qui sont régulièrement ressorties au fil de l’entretien. Notre question « Qui décide de l’accès aux informations, les autorités ou les lobby ? » est restée sans réponse. Nous avons également levé de nombreuses interrogations sur la mise en place effective du plan anti-fraude présenté récemment par l’ASN, et sur les conséquences de la loi votée sur le secret des affaires. L’ASN nous a avoué étudier actuellement les implications juridiques découlant de cette loi, celle-ci pouvant menacer directement les lanceurs d’alertes mais aussi leurs propres inspecteurs.

Enfin, nous avons interpellé l’ASN sur l’ampleur des anomalies génériques affectant le parc nucléaire français et sur le fait qu’aucun réacteur n’était épargné, certains cumulant plusieurs problèmes très sérieux. Ces anomalies, dues à des défauts de maintenance mais aussi à des problèmes de conception et de fabrication, sont souvent complexes et découvertes au fur et à mesure. Nous n’avons pu que déplorer une information du public par EDF souvent vague et tardive et une absence de réaction de l’ASN qui nous laisse interrogateurs : « Quelle ampleur vous faut-il pour exiger la mise à l’arrêt des réacteurs concernés ? » Nous avons terminé l’entretien sur des questions directes concernant les modalités de déclaration des évènements liés à l’environnement, un avis récent de l’IRSN [1] faisant un constat déjà formulé il y a plusieurs années : ces déclarations doivent être améliorées et mieux prises en compte. Là encore, les accidents et les dommages causés aux milieux naturels trouvent leur origine dans des défaillances d’organisation, de maintenance, des pratiques déviantes qui s’ancrent durablement, une exploitation des installations nucléaire insuffisamment maitrisée. Qui plus est les évènements liés à l’environnement sont souvent minimisés par les exploitants lors de leur déclaration.

« Vous posez de très bonnes questions » nous dira Pierre Franck Chevet, président de l’ASN, lors de l’entretien. Certainement la raison pour laquelle la plupart sont restées sans réponses… Quoiqu’il en soit, le Réseau "Sortir du nucléaire" considère comme important d’exprimer ses inquiétudes et de faire part de ses interrogations directement à la direction de l’Autorité de sûreté nucléaire. Peut-être que nos questions resteront sans réponse et tomberont dans l’oubli. Peut-être feront-elles leur bout de chemin et infuseront dans les consciences avec le temps… Dans tous les cas, l’Autorité de sûreté nucléaire ne peut ignorer aujourd’hui que la société civile est là, forte, présente et qu’elle est très attentive aux activités menées par l’autorité qualifiée de gendarme du nucléaire.



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