25 janvier 2023
Il faut tenir les comptes, car les déclarations d’incidents significatifs pour l’environnement se succèdent mais EDF ne présente pas le bilan global. La centrale nucléaire de Paluel (Normandie) a "perdu" en 2022 plus de 1 000 kilos de liquides de refroidissement, des substances qui se transforment en puissants gaz à effet de serre un fois à l’air libre. Sachant que la limite annuelle est fixée à 100 kilos pour chacune des centrales nucléaires d’EDF, le site de Paluel a déversé dans l’environnement plus de 10 fois la quantité maximale qui lui était autorisée en 2022.
Le 25 janvier 2023, par un discret communiqué publié sur le site internet de la centrale de Paluel, EDF a annoncé au public un incident significatif pour l’environnement qu’il a déclaré aux autorités plus d’un mois avant, mi-décembre 2022.
Le 8 décembre, un réservoir de liquide de refroidissement de 350 kilos, a été retrouvé vide. Ce réservoir était un pourtant un réservoir de transit, un stockage temporaire du liquide de refroidissement, le temps d’intervenir sur l’équipement qui l’utilise. Étant donné la chaleur dégagée par la réaction nucléaire et par le fonctionnement mécanique de plusieurs matériels, les liquides de refroidissement sont très utilisés dans les centrales nucléaires. Ils alimentent des groupes-froid, qui permettent de refroidir directement des équipements mais aussi la température dans les locaux pour qu’elle reste supportable, tant pour les personnes que pour les systèmes de l’installation. Manifestement, EDF n’a pas vérifié avant son intervention le bon état des équipements qu’il allait utiliser. Ou alors les raccords ont été mal faits. On ne sait pas ce qui a causé la fuite, mais les faits sont là : 350 kilos de liquide de refroidissement se sont "perdus" dans la nature. Ces liquides se transforment en gaz lorsqu’ils sont à une pression atmosphérique normale. Des gaz qui ont un fort pouvoir de réchauffement global (PRG). Autrement dit, les fuites de liquides de refroidissement sont en fait des rejets atmosphériques de puissants gaz à effet de serre.
Par exemple, 1 kg de fluide de type HFC-134a vaut 3710 kgeqCO2 à l’horizon de 20 ans [1] La décroissance dans le temps de ces gaz (leur durée de vie dans l’atmosphère) et leur pouvoir réchauffant varie selon leur nature. Mais tous sont plus délétères pour le climat que le dioxyde de carbone (CO2) et que le méthane (CH4). Pas étonnant que l’industriel ne présente pas le bilan global des rejets dans l’environnement par ses centrales nucléaires de ce type de substances dans l’environnement.
D’après les informations collectées par notre association, la centrale de Paluel détient le record pour ces fuites en 2022. Alors que la limite annuelle est fixée à 100 kilos par an par centrale, le site nucléaire a "perdu" plus de 1 000 kilos dans la nature en 2022.
La déclaration précédente d’une fuite similaire à celle de décembre remonte à septembre 2022 : une intervention a généré une fuite de 120 kilos. Celle d’encore avant datait du mois d’août, et le cumul des pertes déclarées par le site nucléaire s’élevait alors déjà à 658 kilos. Sur la base de ces éléments communiqués par l’exploitant, le constat est simple : le rythme est plus que soutenu pour ces fuites polluantes qui aggravent le réchauffement climatique, les fuites sont bien trop fréquentes. Quant aux quantités... la somme est facile à faire : 658 + 120 + 350 = 1 128 kilos. Contre 100 maximum par an.
À se demander à quoi servent les limites fixées par les autorités. À se demander comment EDF gère ses centrales nucléaires. Car si la centrale de Paluel explose littéralement les scores, ce n’est pas la seule à avoir dépassé les limites en 2022 : il faut compter aussi, de ce que l’on sait, les centrales de Golfech, Belleville, du Bugey, du Tricastin, de Civaux, de Chooz et de Flamanville.
À l’heure ou la planète chauffe, à l’heure où il est plus qu’urgent de limiter tous les rejets dans l’environnement, à l’heure où le gouvernement nous dit que "chaque geste compte", c’est à se demander ce que fait l’industriel... Mauvaise gestion ? Manque de volonté ? Incapacité industrielle ? Quoiqu’il en soit, les faits sont là, les chiffres et les fréquences des déclarations officielles le montrent : non, le nucléaire ne sauvera pas le climat et non, EDF n’est pas un champion de la protection environnementale. Pourtant les gestes de l’industriel ont des impacts bien plus lourds de conséquences sur la planète et le climat que les comportements individuels. Alors, si chaque geste compte, si les rejets sont 10 fois ce qu’ils devraient être et si le problème est connu, que fait EDF ? Et que font les "autorités" ?
L.B.
Événement significatif du domaine environnement, concernant la centrale nucléaire de Paluel, déclaré en décembre 2022
Publié le 25/01/2023
Déclaration d’un Evénement Significatif Environnement (ESE) suite au dépassement d’un seuil de rejet dans l’atmosphère de fluide frigorigène
Dans une installation industrielle, les fluides frigorigènes sont utilisés dans les systèmes de production de froid. Ils permettent le refroidissement et la climatisation de différents matériels.
Les opérations de maintenance réalisées régulièrement sur ces systèmes permettent de contrôler les fluides frigorigènes et d’en détecter les émissions. La règlementation en vigueur n’autorise pas le dépassement du seuil de 100kg/an d’émission de fluide frigorigène.
Le 8 décembre 2022, à l’issue de travaux de maintenance réalisés sur un groupe frigorifique de l’unité de production numéro 2 de la centrale nucléaire de Paluel, les équipes techniques constatent que l’un des réservoirs permettant de contenir provisoirement le fluide frigorigène est vide.
Des investigations sont alors menées et confirment la perte de 350 kg de fluide.
Parallèlement, le groupe frigorifique a été réparé et rechargé en fluide.
Cet événement n’a eu aucune conséquence sur la sûreté des installations ni sur la santé des salariés.
Toutefois, le volume de fluide frigorigène émis représente un écart à la limite réglementaire de 100kg/an.
Cet événement a été déclaré par la direction de la centrale nucléaire de Paluel comme significatif pour l’environnement le 13 décembre 2022 à l’Autorité de sûreté nucléaire.
[1] Source : "Certains gaz à effet de serre des centrales nucléaires", Bernard Laponche, octobre 2020, Global Chance.