Du 28 au 30 avril 2014, l’ASN a mené une inspection renforcée à la centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire. Publié le 15 juillet 2014, le rapport d’inspection fait état d’une impressionnante liste de dysfonctionnements. Le Réseau "Sortir du nucléaire", soutenu par le collectif Sortir du nucléaire Berry-Puisaye, a décidé de porter plainte.
La centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire se trouve sur les communes de Belleville et de Sury-près-Léré, c’est-à-dire à la limite de trois départements : le Cher, le Loiret et la Nièvre.
Elle comporte deux tranches du type REP d’une puissance de 1300 MW (palier P’4). La tranche 1 constitue l’installation nucléaire de base n° 127. La tranche 2 constitue l’installation nucléaire de base n° 128. Le site a été dimensionné pour la construction de deux tranches supplémentaires.
Dans son appréciation 2013, sur le plan de la maintenance, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) estime que les performances en matière de protection de l’environnement sont à nouveau en retrait et doivent notablement progresser. Elle considère que le site doit apporter une vigilance particulière au traitement des écarts ainsi qu’à la qualité et l’ergonomie des documents d’exploitation et de maintenance, régulièrement à l’origine d’écarts et d’événements significatifs. Concernant l’impact des installations sur l’environnement, l’ASN note que les performances du site, bien qu’en amélioration, demeurent perfectibles. Enfin, l’ASN considère que la prise en compte des enjeux environnementaux lors de la réalisation des activités d’exploitation ou de maintenance n’est pas encore satisfaisante compte tenu des nombreux écarts qui en ont résulté cette année.
Une inspection renforcée a eu lieu du 28 au 30 avril 2014 à la centrale de Belleville-sur-Loire sur le thème « Environnement » (prévention des pollutions, maîtrise de l’impact et des nuisances pour le public et l’environnement).
L’objectif de l’inspection était d’examiner l’organisation de la centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire dans le domaine de la prévention des pollutions et des nuisances pour le public et l’environnement à la suite de la décision n° 2013-DC-0390 de l’ASN et de la mise en œuvre du plan de rigueur dans ce domaine.
Par ailleurs, les inspecteurs ont vérifié, par sondage, le respect des prescriptions relatives aux prélèvements d’eau et aux rejets d’effluents imposées par les décisions de l’ASN n° 2014-DC-0413 et n° 2014-DC-0414 ainsi que de certaines dispositions générales de l’arrêté du 7 février 2012 fixant les règles générales relatives aux installations nucléaires de base et de la décision de l’ASN n° 2013-DC-0360 .
Cette inspection renforcée s’est déroulée sur quatre demi-journées du 28 au 30 avril 2014. L’ASN a constitué une équipe de huit inspecteurs venant de différentes entités de l’ASN.
Les inspecteurs ont considéré que "les performances du site dans le domaine de la prévention des pollutions et de la maîtrise de l’impact et des nuisances pour le public et l’environnement ne sont pas satisfaisantes et doivent faire l’objet d’une mobilisation renforcée de la part de tous les acteurs concernés, notamment au vu des écarts réglementaires constatés".
Ces dysfonctionnements constatés par les inspecteurs de l’ASN constituent autant d’entorses à la règlementation des installations nucléaires de base, au droit du travail et aux prescriptions concernant les rejets d’effluents. Pour que ces graves négligences ne restent pas impunies, le Réseau "Sortir du nucléaire", qui a recensé pas moins de 34 infractions dans ce rapport (du jamais vu !), a décidé de porter plainte auprès du Parquet de Bourges [1].
Agents mis en dangers par une mauvaise organisation du travail, précautions insuffisantes pour empêcher des fuites de substances chimiques ou radioactives, méthodes de mesure aboutissant à minimiser l’impact des pollutions éventuelles : les faits soulignés sont graves et comportent un risque réel pour les riverains, les travailleurs et l’environnement. Surtout, ils illustrent le résultat d’une dangereuse évolution : déjà, en 2013, l’Autorité de sûreté nucléaire estimait que les performances du site étaient "en retrait" et que "la prise en compte des enjeux environnementaux lors de la réalisation des activités d’exploitation ou de maintenance [n’était] pas encore satisfaisante". C’est une illustration criante d’une course à la rentabilité généralisée chez EDF, qui conduit inévitablement à relâcher la rigueur sur la sûreté et à une gestion désorganisée du site.
Avant que ne survienne un accident ou une pollution nucléaire grave, scénario malheureusement réaliste au vu des dysfonctionnements constatés, il est urgent de mettre fin à cette situation. La centrale nucléaire de Belleville, qui atteindra bientôt les 30 ans (sa durée de fonctionnement initialement annoncée) doit être mise rapidement à la retraite !
Le dépôt officiel de plainte a eu lieu le 17 février 2015. Cette plainte a malheureusement été classée sans suite par le Parquet de Bourges de manière totalement incompréhensible, l’ASN ayant reconnu comme caractérisées la plupart des infractions que nous avions soulevées.
[1]
Infractions au droit du travail :
▸ Suite à des mouvements de personnel, certains intervenants n’ont pas reçu les formations nécessaires à leur prise de poste.
▸ Atelier de travail mécanique des métaux non-conforme à la réglementation du travail, les dispositions nécessaires pour protéger les salariés n’étant pas prises (pas de bouton d’arrêt d’urgence sur les machines, captation des fumées et aérosols inefficaces, etc.).
▸ une installation qui implique des agents biologiques pathogènes ne comporte pas d’affichage relatif aux risques de l’installation ni au port obligatoire du masque P3 et aucun équipement de protection individuelle n’y est disponible.
Équipement à risques et matières dangereuses mal stockées :
▸ Les agents ne sont pas en mesure d’indiquer où sont entreposées les substances dangereuses détenues par le site et EDF Belleville ne dispose d’aucun registre les recensant et indiquant leur localisation !
▸ Certains produits dangereux ne présentent pas les symboles de danger qui doivent normalement être apposés sur les contenants.
▸ Déchets dangereux mal étiquetés, déchets d’amiante en fûts non scellés, déchets de bore sans étiquette…
▸ Pas de plan d’évacuation prévu pour certains déchets dangereux.
▸ L’étude de risque incendie n’est pas à jour dans l’atelier de travail mécanique des métaux.
▸ L’inventaire des installations et équipements est lacunaire et contient plusieurs erreurs.
Absence de précautions pour prévenir les rejets dans l’environnement :
▸ L’intervenant en charge du contrôle des prélèvements et le chef de mission environnement ont tous les deux été remplacés sans que leurs successeurs n’aient reçu certaines formations obligatoires pour effectuer leurs missions.
▸ Les dispositifs et protocoles en place ne permettent pas de détecter si certaines tuyauteries sont étanches et si des fuites de tritium (substance radioactive) ont eu lieu.
▸ Les dispositions ne sont pas prises pour prévenir certains incidents de déversement dans l’environnement de substances potentiellement dangereuses.
▸ Fréquence insuffisante du contrôle des actions visant à évaluer la présence de légionnelles dans l’eau de refroidissement du circuit secondaire.
▸ Seule 5% de la tuyauterie véhiculant certains fluides est vérifiée : c’est systématiquement la même portion qui est contrôlée, non la plus fragile, mais la plus accessible.
▸ Le site ne dispose pas de bassin de confinement pour contenir une éventuelle pollution. En cas de fuite de substances radioactives ou dangereuses, il ne serait pas toujours possible d’obturer les réseaux d’eau pluviale pour empêcher un déversement dans l’environnement.
▸ Pas de coordination au niveau local et national avec les autres centrales qui déversent aussi leurs effluents dans la Loire pour éviter que le milieu naturel ne soit trop atteint en cas de déversement de chlore en période d’étiage sévère.
▸ Plusieurs réservoirs de fuel non équipés de dispositifs de détection de fuite.
Des méthodes de mesure biaisées… pour minimiser une éventuelle pollution ?
▸ Utilisation de méthodes de calcul biaisées afin de pouvoir annoncer que le tritium émis est plus dilué qu’il ne l’est en réalité. La concentration en tritium mesurée par les inspecteurs s’est avérée deux fois plus élevée que ce qu’indiquent les estimations de la centrale : 89 Becquerels par litre au lieu de 46 Becquerels par litre !
▸ Le contrôle des rejets de tritium dans l’atmosphère pourrait être biaisé, le point où sont effectués les prélèvements de contrôle étant situé dans un lieu protégé par une haie dense et haute.
▸ Certains contrôles complémentaires sont effectués dans des réservoirs ne contenant pas les effluents radioactifs et chimiques recherchés.