Publié le 24 janvier 2025
Pour construire ses nouvelles installations l’industrie nucléaire a besoin de terres où couler son béton. L’Andra et EDF tentent donc d’acquérir des terres, principalement agricoles, autour des potentiels futurs sites devant accueillir le centre d’enfouissement des déchets radioactifs Cigéo à Bure et les « nouveaux » réacteurs EPR2 à Penly, à Gravelines et au Bugey, et n’hésitent pas à exproprier les propriétaires récalcitrant·es.
Avant toute procédure d’expropriation, portée ici par EDF ou l’Andra, permettant de contraindre un particulier ou une personne morale à céder la propriété de son bien afin de réaliser un projet d’aménagement d’utilité publique, des négociations doivent se dérouler.
Si ces négociations ne donnent pas lieu à une cession amiable des terrains, la procédure d’expropriation est alors enclenchée. Elle compte deux phases : la phase administrative et la phase judiciaire.
ℹ️ Elle permet de reconnaître que le projet nécessitant les expropriations est d’utilité publique et de déterminer les parcelles à exproprier.
L’enquête publique préalable ouvre la phase administrative. C’est une procédure obligatoire qui mène (ou non) à la déclaration d’utilité publique (DUP) du projet nécessitant des expropriations.
Elle est suivie de l’enquête parcellaire durant laquelle un dossier monté par l’expropriant (ici EDF ou l’Andra) contenant un plan parcellaire et la liste des propriétaires concernés est transmis au préfet. Les propriétaires doivent être notifié·es et peuvent consulter ce dossier d’enquête parcellaire.
Il est important de vérifier dès l’enquête parcellaire que les informations concernant les parcelles et les propriétaires sont correctes (par exemple vérifier qu’il n’y a pas eu de sous-dimensionnement de la parcelle).
En effet, c’est sur la base de ce dossier qu’à la fin de l’enquête parcellaire, le préfet établit un arrêté de cessibilité qui liste les parcelles à exproprier. Cet arrêté désigne les propriétés qui deviennent cessibles. Les propriétaires doivent à nouveau être notifié·es. Le préfet doit transmettre l’arrêté de cessibilité au juge de l’expropriation dans un délai de 6 mois à compter de son adoption. À défaut, l’arrêté devient caduc.
ℹ️ Débute ensuite la phase judiciaire qui vise à permettre le transfert de propriété et l’indemnisation des propriétaires exproprié·es.
Le transfert de propriété se fait par ordonnance d’expropriation, délivrée par le juge de l’expropriation . Les propriétaires ou les locataires peuvent encore bénéficier de l’usage du terrain jusqu’au paiement ou à la consignation des indemnités mais n’ont plus aucun droit dessus. Il devient impossible de vendre, louer, construire, etc.
La négociation des indemnités entre expropriant et exproprié peut démarrer dès l’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique. L’expropriant notifie le montant de ses offres et l’exproprié·e dispose d’un mois pour faire connaître sa réponse par écrit.
💡Pour connaître la valeur de votre bien, vous pouvez consulter le site DVF (Demande de Valeur Foncière) qui recense les transactions immobilières intervenues au cours des cinq dernières années en France.
À l’issue de ce délai, si l’offre est rejetée, expropriant comme exproprié peut saisir le juge de l’expropriation. Dans le cas où l’expropriant saisirait le juge en premier, il doit transmettre un mémoire contenant l’offre au tribunal et l’exproprié a 6 semaines pour y répondre, faute de quoi l’offre de l’expropriant serait considérée acceptée.
Sans accord, le juge de l’expropriation fixe les échanges de mémoires, la visite des lieux et l’audition des parties. À compter de la visite, les parties ont encore 8 jours pour trouver un accord. Passé ce délai, la procédure à l’amiable ne sera plus possible.
▸ En cas d’accord amiable la vente se déroule normalement.
▸ En cas de désaccord le juge de l’expropriation prend un jugement de fixation des indemnités.
Dans les deux cas, suite à l’ordonnance d’expropriation et le paiement des indemnités, qui marquent le transfert de propriété, l’exproprié a un mois pour quitter les lieux. Sinon il deviendra un occupant illégal et l’expropriant pourra lancer une procédure d’expulsion devant le tribunal.
S’il y a toujours résistance après que le juge de l’expropriation ait ordonné l’expulsion, le concours de la force publique peut être demandé.
ℹ️ La procédure d’extrême urgence raccourcit l’ensemble de la procédure d’expropriation : elle permet à l’État de prendre possession des terrains sans attendre que soit opéré le transfert de propriété.
C’est une procédure très attentatoire au droit de propriété privée, qui ne peut être utilisée que dans de rares situations :
L’enchaînement des principaux actes de la procédure d’expropriation d’extrême urgence est :
En juin 2023, la loi dite « accélération du nucléaire » a ouvert la possibilité de recourir à cette procédure d’exception pour permettre la création de nouveaux réacteurs électronucléaires à proximité immédiate ou à l’intérieur du périmètre d’une installation nucléaire de base.
Cette procédure d’extrême urgence semble donc pouvoir s’appliquer à toutes les installations, aménagements et travaux en lien avec la création d’EPR2 qui auront été déclarés d’utilité publique, dès la phase des travaux préparatoires. Et ce alors même que cette procédure :
Selon EDF, cette procédure pourrait s’appliquer, si besoin, pour la troisième paire d’EPR2 du Bugey (communes de Saint-Vulbas et de Loyettes). L’exploitant aura en effet besoin de récupérer des terrains agricoles et industriels (exploitants de carrières). En tout, environ une dizaine de personnes seraient concernées par une procédure d’expropriation au Bugey.
La loi du 9 avril 2024 visant à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement a complété les outils mobilisables pour la mise en œuvre d’une Opération d’Intérêt National, en ouvrant notamment la prise de possession anticipée de terrains bâtis ou non bâtis en cas d’expropriation.
Cette loi a modifié le code de l’expropriation. Désormais : "Lorsque l’exécution des travaux de projets compris dans le périmètre d’une opération d’intérêt national ou d’une grande opération d’urbanisme risque d’être retardée par des difficultés tenant à la prise de possession d’un ou de plusieurs immeubles bâtis ou non bâtis dont l’acquisition est nécessaire à la réalisation de cette opération et que, pour les immeubles bâtis à usage d’habitation, un projet de plan de relogement a été établi, un décret pris sur avis conforme du Conseil d’Etat peut, à titre exceptionnel, en autoriser la prise de possession."
Le projet Cigéo, qui a été qualifié d’Opération d’Intérêt National par le gouvernement le 7 juillet 2022, pourrait donc bénéficier de cette procédure d’expropriation d’extrême urgence.
Les propriétaires concerné·es par la procédure d’expropriation disposent de plusieurs leviers d’action pour contester / s’opposer à cette procédure. C’est le cas de :
Le Réseau "Sortir du nucléaire" comporte un service juridique qui peut vous aider à comprendre les enjeux de chaque action, vous accompagner à toutes les étapes de la procédure d’expropriation et vous mettre en relation avec des avocat·es spécialisé·es.
Le Réseau mène aussi une campagne contre l’accaparement des terres par l’industrie nucléaire qui réunit des ressources utiles.
Pour plus d’informations :
Au moment de la fixation des indemnités :
Si la personne expropriée refuse de quitter son ancienne propriété, c’est le juge de l’expropriation qui ordonne l’expulsion.
Avant toute procédure d’expropriation, portée ici par EDF ou l’Andra, permettant de contraindre un particulier ou une personne morale à céder la propriété de son bien afin de réaliser un projet d’aménagement d’utilité publique, des négociations doivent se dérouler.
Si ces négociations ne donnent pas lieu à une cession amiable des terrains, la procédure d’expropriation est alors enclenchée. Elle compte deux phases : la phase administrative et la phase judiciaire.
ℹ️ Elle permet de reconnaître que le projet nécessitant les expropriations est d’utilité publique et de déterminer les parcelles à exproprier.
L’enquête publique préalable ouvre la phase administrative. C’est une procédure obligatoire qui mène (ou non) à la déclaration d’utilité publique (DUP) du projet nécessitant des expropriations.
Elle est suivie de l’enquête parcellaire durant laquelle un dossier monté par l’expropriant (ici EDF ou l’Andra) contenant un plan parcellaire et la liste des propriétaires concernés est transmis au préfet. Les propriétaires doivent être notifié·es et peuvent consulter ce dossier d’enquête parcellaire.
Il est important de vérifier dès l’enquête parcellaire que les informations concernant les parcelles et les propriétaires sont correctes (par exemple vérifier qu’il n’y a pas eu de sous-dimensionnement de la parcelle).
En effet, c’est sur la base de ce dossier qu’à la fin de l’enquête parcellaire, le préfet établit un arrêté de cessibilité qui liste les parcelles à exproprier. Cet arrêté désigne les propriétés qui deviennent cessibles. Les propriétaires doivent à nouveau être notifié·es. Le préfet doit transmettre l’arrêté de cessibilité au juge de l’expropriation dans un délai de 6 mois à compter de son adoption. À défaut, l’arrêté devient caduc.
ℹ️ Débute ensuite la phase judiciaire qui vise à permettre le transfert de propriété et l’indemnisation des propriétaires exproprié·es.
Le transfert de propriété se fait par ordonnance d’expropriation, délivrée par le juge de l’expropriation . Les propriétaires ou les locataires peuvent encore bénéficier de l’usage du terrain jusqu’au paiement ou à la consignation des indemnités mais n’ont plus aucun droit dessus. Il devient impossible de vendre, louer, construire, etc.
La négociation des indemnités entre expropriant et exproprié peut démarrer dès l’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique. L’expropriant notifie le montant de ses offres et l’exproprié·e dispose d’un mois pour faire connaître sa réponse par écrit.
💡Pour connaître la valeur de votre bien, vous pouvez consulter le site DVF (Demande de Valeur Foncière) qui recense les transactions immobilières intervenues au cours des cinq dernières années en France.
À l’issue de ce délai, si l’offre est rejetée, expropriant comme exproprié peut saisir le juge de l’expropriation. Dans le cas où l’expropriant saisirait le juge en premier, il doit transmettre un mémoire contenant l’offre au tribunal et l’exproprié a 6 semaines pour y répondre, faute de quoi l’offre de l’expropriant serait considérée acceptée.
Sans accord, le juge de l’expropriation fixe les échanges de mémoires, la visite des lieux et l’audition des parties. À compter de la visite, les parties ont encore 8 jours pour trouver un accord. Passé ce délai, la procédure à l’amiable ne sera plus possible.
▸ En cas d’accord amiable la vente se déroule normalement.
▸ En cas de désaccord le juge de l’expropriation prend un jugement de fixation des indemnités.
Dans les deux cas, suite à l’ordonnance d’expropriation et le paiement des indemnités, qui marquent le transfert de propriété, l’exproprié a un mois pour quitter les lieux. Sinon il deviendra un occupant illégal et l’expropriant pourra lancer une procédure d’expulsion devant le tribunal.
S’il y a toujours résistance après que le juge de l’expropriation ait ordonné l’expulsion, le concours de la force publique peut être demandé.
ℹ️ La procédure d’extrême urgence raccourcit l’ensemble de la procédure d’expropriation : elle permet à l’État de prendre possession des terrains sans attendre que soit opéré le transfert de propriété.
C’est une procédure très attentatoire au droit de propriété privée, qui ne peut être utilisée que dans de rares situations :
L’enchaînement des principaux actes de la procédure d’expropriation d’extrême urgence est :
En juin 2023, la loi dite « accélération du nucléaire » a ouvert la possibilité de recourir à cette procédure d’exception pour permettre la création de nouveaux réacteurs électronucléaires à proximité immédiate ou à l’intérieur du périmètre d’une installation nucléaire de base.
Cette procédure d’extrême urgence semble donc pouvoir s’appliquer à toutes les installations, aménagements et travaux en lien avec la création d’EPR2 qui auront été déclarés d’utilité publique, dès la phase des travaux préparatoires. Et ce alors même que cette procédure :
Selon EDF, cette procédure pourrait s’appliquer, si besoin, pour la troisième paire d’EPR2 du Bugey (communes de Saint-Vulbas et de Loyettes). L’exploitant aura en effet besoin de récupérer des terrains agricoles et industriels (exploitants de carrières). En tout, environ une dizaine de personnes seraient concernées par une procédure d’expropriation au Bugey.
La loi du 9 avril 2024 visant à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement a complété les outils mobilisables pour la mise en œuvre d’une Opération d’Intérêt National, en ouvrant notamment la prise de possession anticipée de terrains bâtis ou non bâtis en cas d’expropriation.
Cette loi a modifié le code de l’expropriation. Désormais : "Lorsque l’exécution des travaux de projets compris dans le périmètre d’une opération d’intérêt national ou d’une grande opération d’urbanisme risque d’être retardée par des difficultés tenant à la prise de possession d’un ou de plusieurs immeubles bâtis ou non bâtis dont l’acquisition est nécessaire à la réalisation de cette opération et que, pour les immeubles bâtis à usage d’habitation, un projet de plan de relogement a été établi, un décret pris sur avis conforme du Conseil d’Etat peut, à titre exceptionnel, en autoriser la prise de possession."
Le projet Cigéo, qui a été qualifié d’Opération d’Intérêt National par le gouvernement le 7 juillet 2022, pourrait donc bénéficier de cette procédure d’expropriation d’extrême urgence.
Les propriétaires concerné·es par la procédure d’expropriation disposent de plusieurs leviers d’action pour contester / s’opposer à cette procédure. C’est le cas de :
Le Réseau "Sortir du nucléaire" comporte un service juridique qui peut vous aider à comprendre les enjeux de chaque action, vous accompagner à toutes les étapes de la procédure d’expropriation et vous mettre en relation avec des avocat·es spécialisé·es.
Le Réseau mène aussi une campagne contre l’accaparement des terres par l’industrie nucléaire qui réunit des ressources utiles.
Pour plus d’informations :
Au moment de la fixation des indemnités :
Si la personne expropriée refuse de quitter son ancienne propriété, c’est le juge de l’expropriation qui ordonne l’expulsion.