3 avril 2024
Alors que le réacteur 1 de la centrale de Belleville (Centre-Val de Loire) était en fonctionnement, une alarme de surchauffe se déclenche. La puissance nucléaire est trop importante et la température trop élevée. EDF a alors débranché le pilotage automatique pour passer en commande manuelle pour baisser la température et la puissance. Mais l’exploitant a oublié de rebrancher le pilotage automatique. Et il a laissé la température du cœur dériver. Celle-ci a grimpé jusqu’à passer au-delà de la limite autorisée.
Crédit photo : André Paris
La puissance d’un réacteur est fonction de la puissance de la réaction nucléaire qui se produit dans sa cuve. La température du circuit primaire, le circuit qui capte la chaleur produite par la réaction nucléaire et évite la surchauffe du combustible, est directement corrélée à cette puissance. Une température trop élevée est synonyme d’une réaction nucléaire trop puissante. Le risque est alors que le combustible ne soit endommagé par la chaleur, faute d’un refroidissement suffisant.
Le 21 mars 2024, le réacteur 1 de Belleville est en fonctionnement. Sa puissance est pilotée par les besoins en électricité pour le réseau national. Ce pilotage est géré automatiquement. Mais une alarme survient, signalant que la température s’approche dangereusement des limites maximales : la puissance du réacteur doit être baissée. Le pilotage automatique est débranché, la puissance est abaissée manuellement. Mais le système de régulation automatique de la puissance ne sera pas remis en route. Et personne ne pensera à poursuivre le pilotage manuel ni à contrôler la température du circuit primaire. Celle-ci a dérivé durant 23 minutes, sans surveillance, sans régulation. Elle a augmenté jusqu’à passer au-delà de la limite maximale. EDF mettra un peu plus de 6 minutes à la ramener dans des valeurs autorisées.
Malgré cette sortie de route causée par le mauvais pilotage et le manque de surveillance de son réacteur nucléaire, l’exploitant mettra du temps à identifier la gravité de son erreur. Initialement déclaré au plus bas niveau de l’échelle INES [1], l’évènement significatif [2] pour la sûreté [3] a été re-catégorisé à un niveau de gravité plus élevé après échanges entre EDF et l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Celle-ci pointe des problèmes d’organisation comme étant à l’origine de l’incident.
L.B.
Déclaration d’un événement significatif sûreté niveau 1 relatif à un non-respect des spécifications techniques d’exploitation
Publié le 03/04/2024
Le pilotage d’un réacteur s’inscrit dans un cadre de prescriptions, parmi lesquelles les spécifications techniques d’exploitation (STE), qui recueillent l’ensemble des règles à respecter pour la conduite des installations.
Le 21 mars 2024, l’unité de production n°1 de la centrale de Belleville-sur-Loire est en fonctionnement. Sa puissance est modulée par les équipes en charge de l’exploitation pour répondre au programme de production, et donc aux besoins du réseau électrique.
La variation de puissance a pour conséquence de faire varier de quelques dixièmes de degrés la température du circuit primaire. Plusieurs actions pour maintenir la température sur la plage de valeurs attendues sont réalisées en manuel par les équipes, puis les équipements remis en mode automatique.
Au cours de l’après-midi, l’insertion, dans la cuve du réacteur, de grappes de contrôle de la température du circuit primaire, est commandée manuellement, sans remise en mode automatique à l’issue.
Quelques minutes plus tard, la température du circuit primaire est de + 0,3°C à la température maximale de 307,3°C définie par les spécifications techniques d’exploitation durant 6 minutes et 16 secondes. Dès détection de cette information, les équipes ont de nouveau inséré les grappes dédiées dans la cuve du réacteur, en manuel, puis en automatique, permettant à la température du circuit primaire de retrouver des plages de valeurs conformes aux STE
Cet évènement n’a pas eu d’impact réel sur la sûreté de l’installation, l’ensemble des systèmes de protection du réacteur étant disponible. Toutefois, en raison du non-respect des spécifications techniques d’exploitation, la direction de la centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire a déclaré cet événement le 2 avril 2024 à l’Autorité de sûreté nucléaire comme un événement significatif de sûreté de niveau 1 (anomalie) sur l’échelle INES, qui en compte 7.
Sortie du domaine de fonctionnement autorisé par les règles générales d’exploitation (RGE) du réacteur 1 de la centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire
Publié le 08/04/2024
Centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire Réacteurs de 1300 MWe - EDF
Le 2 avril 2024, l’exploitant de la centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) un évènement significatif pour la sûreté relatif à la sortie du domaine de fonctionnement autorisé par les RGE, en raison d’une température trop élevée de l’eau du circuit primaire principal (CPP) du réacteur 1.
Les règles générales d’exploitation (RGE) sont un recueil de règles approuvées par l’ASN qui définissent le domaine autorisé de fonctionnement de l’installation et les prescriptions de conduite des réacteurs associées. Elles précisent notamment les limites minimales et maximales autorisées pour la pression et la température de l’eau du circuit primaire. Ces limites définissent le domaine de fonctionnement autorisé.
Le 21 mars 2024, le réacteur 1 était en production et devait suivre les évolutions de la demande du réseau électrique national. A 15h43, en réponse à l’apparition d’une pré-alarme « température très haute », l’exploitant a décidé de prendre la régulation du groupe de grappes de contrôle de la température du CPP, dit « groupe R », en commande manuelle et de l’insérer dans le cœur du réacteur afin de réduire sa puissance et diminuer ainsi la température moyenne du CPP. Cependant, l’exploitant a ensuite oublié de repasser la régulation du « groupe R » en pilotage automatique.
Du fait du maintien de la régulation du « groupe R » en commande manuelle, les automatismes n’ont pas pu adapter la puissance du réacteur aux variations de la demande du réseau électrique national et la température moyenne du CPP a dérivé jusqu’à dépasser le seuil de température maximal de 307,3 °C autorisé par les RGE. Dès la détection de ce dépassement, à 16h06, l’exploitant a inséré manuellement le groupe R afin de ramener la température moyenne du CPP dans la plage autorisée.
L’absence de surveillance du groupe R pendant 23 minutes a généré une sortie du domaine de fonctionnement d’environ 6 minutes avec une température maximale atteinte de 307,6 °C.
Cet événement n’a pas eu de conséquence sur les installations, les personnes et l’environnement. Toutefois, en raison de l’absence de surveillance du groupe R et de la sortie du domaine autorisé de fonctionnement du réacteur 1, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques).
L’analyse de la déclaration initiale de cet événement par l’exploitant a fait l’objet de plusieurs échanges avec l’ASN, qui ont conduit à une mise à jour de la déclaration initiale. L’ASN sera vigilante quant à l’analyse des causes humaines et organisationnelles ayant entraîné cette sortie de domaine et aux actions prises pour en éviter le renouvellement.
[1] INES : International nuclear and radiological event scale (Échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques) - Description et niveaux ici - https://www.asn.fr/Lexique/I/INES
[2] Événements significatifs : incidents ou accidents présentant une importance particulière en matière, notamment, de conséquences réelles ou potentielles sur les travailleurs, le public, les patients ou l’environnement. https://www.asn.fr/Lexique/E/Evenement-significatif En dessous des évènements significatifs, il y a les évènements dits « intéressants », et encore en dessous les « signaux faibles ». Un évènement catégorisé « significatif » est donc déjà « en haut de l’échelle » d’importance des évènements
[3] La sûreté nucléaire est l’ensemble des dispositions techniques et des mesures d’organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base, ainsi qu’au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets. https://www.asn.fr/Lexique/S/Surete-nucleaire