25 avril 2024
L’affaire dure depuis 2 années : en raison d’erreurs lors d’un changement de matériel, les sondes de températures implantées dans le cœur de 9 réacteurs nucléaires n’auraient pas fonctionné ou auraient envoyé des informations erronées en cas d’accident. La température est pourtant un critère essentiel pour qui veut surveiller et contrôler une réaction nucléaire.
Le problème vient du serrage (insuffisant) des adaptateurs posés sur les câbles des sondes de température qui sont dans la cuve. Ces poses d’adaptateurs inadaptés sont le résultat d’une modification qui a été implantée sur les réacteurs nucléaires d’EDF. On ne sait pas quand ont été exécutées ces modifications de l’instrumentation qui permet de surveiller la puissance des réacteurs concernés.
On ne savait pas non plus quels réacteurs étaient touchés, puisque c’est uniquement lors du changement du combustible nucléaire que les appareils peuvent être examinés. Les vérifications ont donc été faites au compte-goutte. En octobre 2022, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) annonçait que 6 réacteurs, à Belleville (Centre - Val de Loire), Cattenom (Grand Est), Flamanville (Normandie), Nogent-sur-Seine (Grand Est) et Paluel (Normandie) étaient concernés (voir notre article en ligne). EDF ayant depuis avancé dans son planning d’arrêts de réacteur pour rechargement du combustible, l’ASN annonce fin avril 2024 que 3 autres réacteurs étaient affectés des mêmes défauts : le réacteur 1 de la centrale nucléaire de Saint-Alban (Rhône-Alpes), le réacteur 2 de la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine et le réacteur 3 de la centrale nucléaire de Cattenom. 6 centrales nucléaires différentes, réparties sur tout le territoire, sont impactées, pour un compte de 9 réacteurs au total (sur 20 du même modèle, soit presque la moitié des réacteurs de 1300 MWe).
Les données transmises par ces sondes (dites thermocouples) permettent de surveiller notamment que l’eau du circuit primaire [1], le principal circuit qui refroidit le combustible nucléaire lorsqu’il est dans la cuve, ne va pas se mettre à bouillir et s’évaporer. On comprend donc l’importance d’avoir ces données, et qu’elles soient fiables. Ce qui rend d’autant plus incompréhensible le fait qu’une erreur aussi basique ait été commise lors de la conception de la modification du système d’instrumentation. Manque de préparation de l’intervention qui a aboutit à des matériels inadaptés ? Manque de vérifications ou contrôles techniques incomplets après l’exécution des modifications ? Est-ce que les problèmes de serrage de l’adaptateur ont été identifiés lors de leur pose mais laissés en l’état, faute d’analyse et de diagnostic technique ?
Quelle qu’en soit l’origine, ces adaptateurs inadaptés, ce défaut générique (identique dans plusieurs réacteurs), et les possibles conséquences démontrent un manque de rigueur et d’application de l’exploitant nucléaire, même lorsqu’il s’agit de toucher au cœur de ses réacteurs et aux instruments de mesure les plus fondamentaux.
Le communiqué de l’ASN annonce que EDF a enfin terminé de contrôler tous les réacteurs de 1300 MWe qui ont subi cette modification. L’affaire aura donc pris au bas mot 2 années avant d’être mise à jour dans toute son ampleur et résolue. Quoique...Résolue, pas vraiment. L’affaire n’est pas encore tout à fait terminée, puisque tous les adaptateurs n’ont pas été changés. Ils le seront, par des nouveaux modèles permettant un serrage adapté d’ici... une durée indéterminée. Est-ce que EDF va faire plus de contrôles de l’état des câbles en attendant ? Ça, le communiqué de l’ASN ne le dit pas. Combien aura coûté cette petite erreur de conception d’une modification, en argent mais aussi en doses de radiations pour les intervenants ? Là-dessus non plus, pas un mot.
L.B.
Défaut de serrage d’adaptateurs de connexion de câbles du système d’instrumentation du cœur des réacteurs nucléaires de 1300 MWe d’EDF
Publié le 25/04/2024
Centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire Réacteurs de 1300 MWe - EDF
Le 26 mars 2024, EDF a déclaré à l’ASN un événement significatif pour la sûreté portant sur des défauts de serrage d’adaptateurs permettant la connexion de câbles des thermocouples (sondes de température) du système d’instrumentation du cœur [2] . Ces défauts concernent le réacteur 1 de la centrale nucléaire de Saint-Alban, le réacteur 2 de la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine et le réacteur 3 de la centrale nucléaire de Cattenom.
La déclaration d’EDF constitue une mise à jour de celle du 21 octobre 2022. Les trois nouveaux réacteurs s’ajoutent au six déjà concernés par cet événement significatif.
EDF a détecté ces défauts de serrage lors des opérations de déconnexion de ces thermocouples, qui sont réalisées lors de chaque arrêt de réacteur pour renouvellement du combustible. Les adaptateurs dont le serrage était défectueux avaient été mis en place dans le cadre d’une modification du câblage de ces thermocouples.
Ces défauts de serrage auraient pu entraîner une inétanchéité des adaptateurs et remettre en cause la disponibilité ou la validité des mesures réalisées par les thermocouples concernés en situation accidentelle.
L’ensemble des réacteurs pour lesquels une modification du câblage des thermocouples a été mise en œuvre ont fait l’objet de contrôles. Pour ces réacteurs, EDF a procédé au remplacement des adaptateurs concernés par des adaptateurs de nouvelle génération, ou les a temporairement sécurisés en appliquant une nouvelle méthodologie de montage. Tous les adaptateurs pour lesquels des anomalies ont été détectées seront à terme remplacés par des adaptateurs de nouvelle génération.
Cet événement n’a pas eu de conséquence sur les personnes et l’environnement. Compte tenu de ses conséquences potentielles pour la sûreté de ces réacteurs, cet événement est classé au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité).
[1] Le circuit primaire est un circuit fermé, contenant de l’eau sous pression. Cette eau s’échauffe dans la cuve du réacteur au contact des éléments combustibles. Dans les générateurs de vapeur, elle cède la chaleur acquise à l’eau du circuit secondaire pour produire la vapeur destinée à entraîner le groupe turboalternateur. Le circuit primaire permet de refroidir le combustible contenu dans la cuve du réacteur en cédant sa chaleur par l’intermédiaire des générateurs de vapeur lorsqu’il produit de l’électricité ou par l’intermédiaire du circuit de refroidissement à l’arrêt lorsqu’il est en cours de redémarrage après rechargement en combustible. La température du circuit primaire principal est encadrée par des limites afin de garantir le maintien dans un état sûr des installations en cas d’accident. https://www.asn.fr/Lexique/C/Circuit-primaire
[2] Le système d’instrumentation du cœur (RIC) est constitué d’une série de thermocouples (sondes de températures), qui sont implantés dans le cœur du réacteur.