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Surveillance citoyenne des installations nucléaires

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Collecte de données, attaque en justice, mobilisation de terrain : le Réseau en action

Publié initialement dans la revue Sortir du nucléaire n°101 le 1er avril 2024, mis en ligne le 17 juillet 2024



Au sein du Réseau “Sortir du nucléaire” cohabitent différents champs d’expertise dont la surveillance citoyenne des installations nucléaires, le juridique et les mobilisations de terrain. Mises bout à bout, la collecte et l’analyse de données, les recours en justice et les actions de terrain permettent de dénoncer au mieux les dangers du nucléaire. Exemple avec le cas de l’EPR de Flamanville.



Obtenir des informations et les analyser : le premier pas de toute contestation

Obtenir des éléments, dans le monde du nucléaire, n’est jamais évident. Quand bien même les documents sont disponibles et accessibles sans avoir à mener bataille, encore faut-il pouvoir s’en approprier le contenu et le rendre exploitable.

Illustration parfaite avec le dossier de demande de mise en service de l’EPR de Flamanville : plus de 30 documents différents, à télécharger un par un, des sommaires généraux qui ne sont pas numérotés, des sommaires détaillés qui ne sont présentés qu’en début de chapitre, à trouver en faisant dérouler à la main des milliers de pages, des éléments dispatchés dans les différents documents, des index inexistants, des pages blanches au motif d’occultation d’informations dites sensibles (sans qu’on puisse en vérifier la nature)… Dénicher des informations pourtant censées être accessibles devient un véritable parcours du combattant !

Pour faire face à ce manque de transparence et se saisir du contenu du dossier concocté par EDF, en vue d’en tirer des éléments utiles pour le grand public mais aussi pour intenter une action en justice, un petit collectif de militant·es s’est monté. De réunion en réunion, chacun·e s’est penché·e sur une partie du dossier et a pu partager ses trouvailles, interprétations et questions aux autres. Sans le soutien du collectif, sans faire corps, il y aurait largement eu de quoi se noyer et se décourager. Mais en s’y mettant à plusieurs, même la tâche la plus ardue prend de la saveur. Récolter des informations, les trier, les analyser, les comprendre et les partager, c’est déjà agir et militer !

Vous souhaitez savoir ce qu’il se passe dans les installations nucléaires près de chez vous ? Inscrivez-vous à la newsletter du Réseau consacrée à la Surveillance Citoyenne des Installations Nucléaires en envoyant un mail vide à l’adresse : rezo-scin-subscribe@sortirdunucleaire.org

L’action juridique : comment changer de paradigme

L’obtention et l’analyse d’informations constituent la première étape pour mener une action en justice, il faut ensuite réussir à les traduire juridiquement pour qu’un recours puisse être mené. Mais cela ne suffit pas toujours.

Sur la dizaine d’affaires qui ont été lancées par le Réseau "Sortir du nucléaire" et des associations alliées (Greenpeace France, le CRILAN, STOP EPR ni à Penly ni ailleurs, etc) contre l’EPR de Flamanville, aucune n’a jusqu’à présent abouti. Les juridictions ont estimé qu’il ne leur appartenait pas de remettre en cause ce projet dans lequel l’État a déjà tellement investi, d’autant que l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) a toujours considéré, malgré les nombreux incidents et malfaçons qui ont émaillé le chantier, qu’EDF était en mesure de le mener à bien.

Deux actions en justice pour dénoncer la mise en service précipitée de l’EPR de Flamanville

Le 7 mai 2024, nous dénoncions la décision de mise en service de l’EPR de Flamanville. Aujourd’hui, nous alertons par le biais de deux actions en justice sur cette mise en service hâtive alors que des questionnements restent sans réponse.

Nous déposons un recours devant le Conseil d’État contre cette décision de mise en service, et une plainte contre X afin de faire toute la lumière sur les irrégularités constatées par l’Autorité de sûreté nucléaire sur des pièces de l’EPR.

La décision du juge est en cela influencée par la volonté politique. Il faut donc réfléchir à une manière de convaincre les juridictions, à une manière d’orienter le juge vers une interprétation des textes conforme à celle que portent les militant·es antinucléaires. Pour que les arguments contre le nucléaire et l’EPR de Flamanville soient entendus par les juridictions, il faut réussir à opérer un changement de paradigme.

Le projet d’EPR contre lequel les recours sont portés est encore aujourd’hui considéré comme nécessaire et d’intérêt public. Pour que cela change il faut visibiliser l’opposition au projet. Il est donc nécessaire d’assurer une pression médiatique et une mobilisation en parallèle des recours, en étant présent·es aux audiences par exemple. L’affaire du siècle [1] et celle de la dissolution des Soulèvements de la Terre [2] sont deux exemples de dossiers pour lesquels l’opinion publique a joué un rôle important dans le rendu de la décision. Ainsi, il faut décloisonner l’action juridique de l’action médiatique et assumer que ce qui se joue dans la salle d’audience est aussi le reflet de ce qui se passe dans la société.

(Re)découvrez toutes les victoires juridiques du Réseau "Sortir du nucléaire" !

Organiser des actions de terrain : la lutte antinucléaire dans l’espace public

La manifestation qui s’est déroulée à Caen le 23 mars dernier contre la mise en service de l’EPR de Flamanville vient compléter cette illustration de la diversité des tactiques employées par la lutte antinucléaire.

Organisée par un regroupement d’associations normandes, la manifestation avait pour objet d’exiger de l’ASN qu’elle n’accorde pas l’autorisation de mise en service de l’EPR de Flamanville. Symboliquement, le lancement de la manifestation s’est fait devant les locaux de l’institution de contrôle de la sûreté nucléaire.

Discours du comité local des Soulèvements de la Terre lors de la manifestation, à Caen le 23 mars 2024.
© Marie Liger - Réseau "Sortir du nucléaire"

Cette manifestation a permis de mettre les protestations contre l’EPR de Flamanville au-devant de la scène. Pour établir leurs revendications, les militant·es ont pu s’appuyer sur tout le travail de recherche et de dénonciation construit au long cours par celles et ceux qui ont pris le temps d’explorer les failles du chantier de Flamanville. Les diverses communications en amont et en aval de la manifestation ont également permis d’en amplifier l’écho.

Par le biais des mobilisations, la lutte antinucléaire s’affiche dans l’espace public et sensibilise une nouvelle audience à sa cause. Avec ce type d’action de terrain les militant·es montrent leur détermination à maintenir une lutte ferme et résolue, et imposent un nouveau rapport de force à leurs opposants.

Vous souhaitez agir sur le terrain pour faire connaître la lutte antinucléaire et dénoncer les dangers du nucléaire ? Découvrez comment vous mobiliser par ici !

Correctement articulés, la récolte, le tri, l’analyse d’informations et leur exploitation dans la mise en place de recours juridiques et de mobilisations de terrain permettent de construire une lutte diverse et riche face aux chantiers imposés. Le travail de recherche vient soutenir les actions en justice, quand l’écho donné par la rue offre une voix à la société civile au sein d’un tribunal. Cette complémentarité des tactiques nous rend inarrêtables !

Laure Barthélemy , chargée de recherche de la SCIN, Lisa Pagani, coordinatrice des questions juridiques, et Marie Liger, chargée de la dynamique associative et des mobilisations


Notes

[1Mobilisation lancée en décembre 2018 par Notre Affaire à Tous, la Fondation pour la Nature et l’Homme, Greenpeace France et Oxfam France, qui a permis en 2021 la reconnaissance juridique de l’inaction climatique de l’État français.

[2En juin 2023, quelques mois après les manifestations anti-bassines violemment réprimées de Sainte-Soline, le conseil des ministres prononçait la dissolution des Soulèvements de la Terre. En novembre de la même année le Conseil d’État annulait le décret de dissolution, estimant que « la dissolution des Soulèvements de la Terre ne constituait pas une mesure adaptée, nécessaire et proportionnée à la gravité des troubles susceptibles d’être portés à l’ordre public. »

Obtenir des informations et les analyser : le premier pas de toute contestation

Obtenir des éléments, dans le monde du nucléaire, n’est jamais évident. Quand bien même les documents sont disponibles et accessibles sans avoir à mener bataille, encore faut-il pouvoir s’en approprier le contenu et le rendre exploitable.

Illustration parfaite avec le dossier de demande de mise en service de l’EPR de Flamanville : plus de 30 documents différents, à télécharger un par un, des sommaires généraux qui ne sont pas numérotés, des sommaires détaillés qui ne sont présentés qu’en début de chapitre, à trouver en faisant dérouler à la main des milliers de pages, des éléments dispatchés dans les différents documents, des index inexistants, des pages blanches au motif d’occultation d’informations dites sensibles (sans qu’on puisse en vérifier la nature)… Dénicher des informations pourtant censées être accessibles devient un véritable parcours du combattant !

Pour faire face à ce manque de transparence et se saisir du contenu du dossier concocté par EDF, en vue d’en tirer des éléments utiles pour le grand public mais aussi pour intenter une action en justice, un petit collectif de militant·es s’est monté. De réunion en réunion, chacun·e s’est penché·e sur une partie du dossier et a pu partager ses trouvailles, interprétations et questions aux autres. Sans le soutien du collectif, sans faire corps, il y aurait largement eu de quoi se noyer et se décourager. Mais en s’y mettant à plusieurs, même la tâche la plus ardue prend de la saveur. Récolter des informations, les trier, les analyser, les comprendre et les partager, c’est déjà agir et militer !

Vous souhaitez savoir ce qu’il se passe dans les installations nucléaires près de chez vous ? Inscrivez-vous à la newsletter du Réseau consacrée à la Surveillance Citoyenne des Installations Nucléaires en envoyant un mail vide à l’adresse : rezo-scin-subscribe@sortirdunucleaire.org

L’action juridique : comment changer de paradigme

L’obtention et l’analyse d’informations constituent la première étape pour mener une action en justice, il faut ensuite réussir à les traduire juridiquement pour qu’un recours puisse être mené. Mais cela ne suffit pas toujours.

Sur la dizaine d’affaires qui ont été lancées par le Réseau "Sortir du nucléaire" et des associations alliées (Greenpeace France, le CRILAN, STOP EPR ni à Penly ni ailleurs, etc) contre l’EPR de Flamanville, aucune n’a jusqu’à présent abouti. Les juridictions ont estimé qu’il ne leur appartenait pas de remettre en cause ce projet dans lequel l’État a déjà tellement investi, d’autant que l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) a toujours considéré, malgré les nombreux incidents et malfaçons qui ont émaillé le chantier, qu’EDF était en mesure de le mener à bien.

Deux actions en justice pour dénoncer la mise en service précipitée de l’EPR de Flamanville

Le 7 mai 2024, nous dénoncions la décision de mise en service de l’EPR de Flamanville. Aujourd’hui, nous alertons par le biais de deux actions en justice sur cette mise en service hâtive alors que des questionnements restent sans réponse.

Nous déposons un recours devant le Conseil d’État contre cette décision de mise en service, et une plainte contre X afin de faire toute la lumière sur les irrégularités constatées par l’Autorité de sûreté nucléaire sur des pièces de l’EPR.

La décision du juge est en cela influencée par la volonté politique. Il faut donc réfléchir à une manière de convaincre les juridictions, à une manière d’orienter le juge vers une interprétation des textes conforme à celle que portent les militant·es antinucléaires. Pour que les arguments contre le nucléaire et l’EPR de Flamanville soient entendus par les juridictions, il faut réussir à opérer un changement de paradigme.

Le projet d’EPR contre lequel les recours sont portés est encore aujourd’hui considéré comme nécessaire et d’intérêt public. Pour que cela change il faut visibiliser l’opposition au projet. Il est donc nécessaire d’assurer une pression médiatique et une mobilisation en parallèle des recours, en étant présent·es aux audiences par exemple. L’affaire du siècle [1] et celle de la dissolution des Soulèvements de la Terre [2] sont deux exemples de dossiers pour lesquels l’opinion publique a joué un rôle important dans le rendu de la décision. Ainsi, il faut décloisonner l’action juridique de l’action médiatique et assumer que ce qui se joue dans la salle d’audience est aussi le reflet de ce qui se passe dans la société.

(Re)découvrez toutes les victoires juridiques du Réseau "Sortir du nucléaire" !

Organiser des actions de terrain : la lutte antinucléaire dans l’espace public

La manifestation qui s’est déroulée à Caen le 23 mars dernier contre la mise en service de l’EPR de Flamanville vient compléter cette illustration de la diversité des tactiques employées par la lutte antinucléaire.

Organisée par un regroupement d’associations normandes, la manifestation avait pour objet d’exiger de l’ASN qu’elle n’accorde pas l’autorisation de mise en service de l’EPR de Flamanville. Symboliquement, le lancement de la manifestation s’est fait devant les locaux de l’institution de contrôle de la sûreté nucléaire.

Discours du comité local des Soulèvements de la Terre lors de la manifestation, à Caen le 23 mars 2024.
© Marie Liger - Réseau "Sortir du nucléaire"

Cette manifestation a permis de mettre les protestations contre l’EPR de Flamanville au-devant de la scène. Pour établir leurs revendications, les militant·es ont pu s’appuyer sur tout le travail de recherche et de dénonciation construit au long cours par celles et ceux qui ont pris le temps d’explorer les failles du chantier de Flamanville. Les diverses communications en amont et en aval de la manifestation ont également permis d’en amplifier l’écho.

Par le biais des mobilisations, la lutte antinucléaire s’affiche dans l’espace public et sensibilise une nouvelle audience à sa cause. Avec ce type d’action de terrain les militant·es montrent leur détermination à maintenir une lutte ferme et résolue, et imposent un nouveau rapport de force à leurs opposants.

Vous souhaitez agir sur le terrain pour faire connaître la lutte antinucléaire et dénoncer les dangers du nucléaire ? Découvrez comment vous mobiliser par ici !

Correctement articulés, la récolte, le tri, l’analyse d’informations et leur exploitation dans la mise en place de recours juridiques et de mobilisations de terrain permettent de construire une lutte diverse et riche face aux chantiers imposés. Le travail de recherche vient soutenir les actions en justice, quand l’écho donné par la rue offre une voix à la société civile au sein d’un tribunal. Cette complémentarité des tactiques nous rend inarrêtables !

Laure Barthélemy , chargée de recherche de la SCIN, Lisa Pagani, coordinatrice des questions juridiques, et Marie Liger, chargée de la dynamique associative et des mobilisations



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