Le Réseau "Sortir du nucléaire", Stop EPR ni à Penly ni Ailleurs et Greenpeace France ont saisi le Conseil d’État le 7 octobre 2024 pour contester le décret n° 2024-505 du 3 juin 2024 portant autorisation environnementale relative à la réalisation de travaux préparatoires nécessaires à l’implantation d’une paire d’unités de production nucléaire de type EPR2, sur le site de Penly et la commune de Petit-Caux.
Cette autorisation permet à EDF de démarrer des travaux d’ampleur dans un contexte politique et industriel encore bien incertain.
Depuis la loi accélération du nucléaire du 22 juin 2023, EDF a simplement besoin d’une autorisation environnementale pour entamer les travaux préparatoires nécessaires à la construction de ses réacteurs EPR2. Pourtant, à ce stade rien ne prouve la faisabilité technique et financière de ce projet. Cette situation est d’autant plus problématique qu’aucun plan de remise en état des lieux n’est prévu à Penly si le projet n’aboutit finalement pas et que nous attendons encore l’adoption d’une stratégie énergétique pour les dix prochaines années.
Le Réseau "Sortir du nucléaire", Stop EPR ni à Penly ni Ailleurs et Greenpeace France ont donc saisi le Conseil d’État le 7 octobre 2024 pour contester le démarrage des travaux.
Le 31 octobre 2024 nous avons appris par un article des Échos que le recours a déjà produit un effet puisque l’ordre des travaux préparatoires a été modifié ! Eiffage attend l’issue de notre recours pour entamer les travaux irréversibles. Le déroctage de la falaise est donc maintenant suspendu à la décision de la plus haute juridiction.
Les travaux d’ores et déjà autorisés
Les travaux préparatoires
Ils consistent à aménager la zone : débroussaillage et déboisement, destruction d’une partie de la falaise, artificialisation de fonds marins, modification des installations existantes (plateforme de front de mer et canal d’amenée), terrassement et construction des premiers ouvrages souterrains (galeries, collecteurs d’eau, etc.), puis création des installations de chantier.
Les travaux de génie civil principaux
Ils sont localisés dans la zone des futures unités de production, impliquant notamment la construction d’une centrale à béton et d’ateliers de préfabrication des cages d’armature.
Les travaux de voiries et réseaux divers
Agrandissement de routes, réhabilitation de voies ferrées...
Les travaux relatifs aux ouvrages de prise d’eau
Ces travaux comprennent notamment le redimensionnement du réseau de collecte des eaux pluviales existant et le reprofilage d’un bassin d’orage.
Les travaux relatifs aux ouvrages de rejet
Ces travaux comprennent notamment l’installation d’une station d’épuration provisoire, la création de nouveaux exutoires en mer, la construction de trois nouveaux émissaires de rejet en mer, et la réalisation des puits de rejet principaux.
Des travaux qui démarrent trop rapidement
L’avis rendu par l’autorité environnementale est irrégulier
L’autorité environnementale a rendu un avis irrégulier, puisqu’elle s’est positionnée sur un dossier lacunaire. La liste des observations de l’autorité environnementale permet de rendre compte de l’ensemble des inconnus qui existaient au moment où elle a dû rendre son avis.
Elle a notamment demandé à EDF de compléter l’étude d’impact par l’étude de la sécurisation et de la remise en état du site après réalisation des travaux de construction ; de détailler les effets spécifiques des deux nouvelles unités EPR2 ; de démontrer l’existence d’une raison impérative d’intérêt public majeur, etc.
Le dossier complété n’a lui, pas fait l’objet d’un nouvel avis de l’autorité environnementale qui n’a pas pu rendre un avis éclairé sur le dossier, mais simplement relever ses lacunes initiales. Le public n’a pas pu bénéficier de l’avis de l’autorité environnementale suite aux éléments complémentaires versés par EDF.
Les réponses fournies par EDF à l’issue du débat public sont incomplètes
Du 27 octobre 2022 au 27 février 2023, la Commission Nationale du Débat Public (CNDP) a décidé d’organiser un débat public sur le programme proposé par EDF de construire 6 réacteurs nucléaires de type "EPR2", dont les deux premiers seraient situés à Penly. À l’issue de ce débat, la Commission Particulière du Débat Public (CPDP) a dressé le bilan des questions et interventions, en demandant à EDF de répondre à certaines demandes du public. Non seulement l’acte fourni par EDF à la suite du bilan n’a pas permis d’éclaircir les questions soulevées, mais pire encore, les incertitudes perdurent aujourd’hui. En effet, dans un nouvel avis du 4 septembre 2024, la CNDP réitère ses critiques et indique que "Les réponses complètes et argumentées des maîtres d’ouvrage et de l’État aux questions posées en fin de débat public sur le programme nouveau nucléaire et le projet EPR2 Penly sont toujours attendues."
Les éléments qui restent sans réponse concernent par exemple le cadre général proposé par le gouvernement pour la politique énergétique à venir (révision des objectifs de la PPE d’avril 2020), dans laquelle devrait s’insérer le programme nouveau nucléaire proposé par EDF ; ou l’économie générale, le financement du projet et ses perspectives de coût de production ; ou enfin les éléments relatifs à la maîtrise des risques de dérives des coûts d’investissement et de fonctionnement, via notamment les retours d’expérience des EPR actuels.
L’étude d’impact est insuffisante en plusieurs points
L’état initial du milieu marin se base sur des inventaires réalisés pour l’essentiel entre les années 2000 et 2010. Les inventaires plus récents ont été réalisés sur des zones spatialement inappropriées.
Le volet sur la vulnérabilité au changement climatique est à rebours des analyses produites par d’autres experts. S’agissant, par exemple, des températures et des facteurs climatiques, l’étude d’impact commandée par EDF mentionne une « évolution [probable] des précipitations moyennes annuelles de l’ordre de + 3 % à + 5 % à l’horizon 2050 ». Cependant, ce chiffre n’apparaît pas cohérent avec les conclusions du GIEC Normand, indiquant que :
« L’évolution des cumuls annuels de précipitations, à l’horizon 2100, tendrait vers une diminution de l’ordre de 10 % dans le cas du scénario pessimiste, avec une diminution nette à partir des années 2070. […] Le scénario optimiste présente une certaine stabilité de ce cumul annuel de précipitations ». Ces incohérences se répercutent sur les modélisations du débit de l’Yères [fleuve côtier de Seine-Maritime]. Les résultats montrent une évolution des débits moyens annuels de l’Yères qui serait de l’ordre de + 5% à + 6 % à horizon 2050 pour EDF alors que les travaux du GIEC Normand prévoient une diminution de 10 à 30% des débits moyens des cours d’eau des bassins de la Seine à horizon 2100.
Enfin EDF n’a pas jugé utile d’inclure dans l’étude d’impact un examen de la remise en état du site à l’issue des travaux préparatoires, en cas d’abandon du projet.
Normalement, s’agissant des installations nucléaires de base, les travaux de démolition font l’objet d’une évaluation environnementale spécifique au stade du démantèlement conformément aux dispositions de l’article L. 593-27 du code de l’environnement. Néanmoins, la loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 dissocie désormais l’exécution des travaux préparatoires liés à la construction de nouvelles installations nucléaires, de ceux portant sur l’îlot nucléaire proprement dit. Les travaux nécessaires à la réalisation d’un réacteur électronucléaire – et, notamment, les travaux préparatoires – peuvent débuter avant la délivrance de l’autorisation de création, alors que la construction de l’installation nucléaire de base demeure encore incertaine.
Or, en dissociant la réalisation des travaux préparatoires de la délivrance de l’autorisation de création, le législateur fait naître un risque : celui que les travaux préparatoires soient exécutés, sans que l’installation nucléaire de base ne soit finalement autorisée.
La présomption dont bénéficient les travaux préparatoires reconnus automatiquement comme Raison Impérative d’Intérêt Public Majeur est inconventionnelle
La destruction ou la perturbation des espèces animales protégées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont, en principe, interdites. Le code de l’environnement prévoit la possibilité de déroger à cette interdiction si, notamment, un projet répond à une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM), mais encore faut-il le justifier. Une fois n’est pas coutume, l’État français a accordé une nouvelle faveur à l’industrie nucléaire en introduisant une présomption permettant pour les projets de construction de nouveaux réacteurs de répondre automatiquement au qualificatif de RIIPM, sans avoir à le motiver. Cette présomption semble aussi concerner les travaux préparatoires puisque cette autorisation environnementale tient lieu de « dérogation aux interdictions édictées pour la conservation de sites d’intérêt géologique, d’habitats naturels, d’espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats. »
Or, les travaux préparatoires liés à la réalisation d’une paire d’unités EPR2 sur le site de Penly ne répondent pas, en tant que tels, à une raison impérative d’intérêt public majeur, dès lors qu’ils pourraient être réalisés en vain, la construction des réacteurs n’étant pas à ce jour autorisée.
Pour toutes ces raisons, les associations Stop EPR ni à Penly ni Ailleurs, Greenpeace France et le Réseau "Sortir du nucléaire" ont déposé un recours auprès du Conseil d’État le 7 octobre 2024.
Téléchargez notre requête
Requête CE 7/10/2024 AE Penly
Depuis la loi accélération du nucléaire du 22 juin 2023, EDF a simplement besoin d’une autorisation environnementale pour entamer les travaux préparatoires nécessaires à la construction de ses réacteurs EPR2. Pourtant, à ce stade rien ne prouve la faisabilité technique et financière de ce projet. Cette situation est d’autant plus problématique qu’aucun plan de remise en état des lieux n’est prévu à Penly si le projet n’aboutit finalement pas et que nous attendons encore l’adoption d’une stratégie énergétique pour les dix prochaines années.
Le Réseau "Sortir du nucléaire", Stop EPR ni à Penly ni Ailleurs et Greenpeace France ont donc saisi le Conseil d’État le 7 octobre 2024 pour contester le démarrage des travaux.
Le 31 octobre 2024 nous avons appris par un article des Échos que le recours a déjà produit un effet puisque l’ordre des travaux préparatoires a été modifié ! Eiffage attend l’issue de notre recours pour entamer les travaux irréversibles. Le déroctage de la falaise est donc maintenant suspendu à la décision de la plus haute juridiction.
Les travaux d’ores et déjà autorisés
Les travaux préparatoires
Ils consistent à aménager la zone : débroussaillage et déboisement, destruction d’une partie de la falaise, artificialisation de fonds marins, modification des installations existantes (plateforme de front de mer et canal d’amenée), terrassement et construction des premiers ouvrages souterrains (galeries, collecteurs d’eau, etc.), puis création des installations de chantier.
Les travaux de génie civil principaux
Ils sont localisés dans la zone des futures unités de production, impliquant notamment la construction d’une centrale à béton et d’ateliers de préfabrication des cages d’armature.
Les travaux de voiries et réseaux divers
Agrandissement de routes, réhabilitation de voies ferrées...
Les travaux relatifs aux ouvrages de prise d’eau
Ces travaux comprennent notamment le redimensionnement du réseau de collecte des eaux pluviales existant et le reprofilage d’un bassin d’orage.
Les travaux relatifs aux ouvrages de rejet
Ces travaux comprennent notamment l’installation d’une station d’épuration provisoire, la création de nouveaux exutoires en mer, la construction de trois nouveaux émissaires de rejet en mer, et la réalisation des puits de rejet principaux.
Des travaux qui démarrent trop rapidement
L’avis rendu par l’autorité environnementale est irrégulier
L’autorité environnementale a rendu un avis irrégulier, puisqu’elle s’est positionnée sur un dossier lacunaire. La liste des observations de l’autorité environnementale permet de rendre compte de l’ensemble des inconnus qui existaient au moment où elle a dû rendre son avis.
Elle a notamment demandé à EDF de compléter l’étude d’impact par l’étude de la sécurisation et de la remise en état du site après réalisation des travaux de construction ; de détailler les effets spécifiques des deux nouvelles unités EPR2 ; de démontrer l’existence d’une raison impérative d’intérêt public majeur, etc.
Le dossier complété n’a lui, pas fait l’objet d’un nouvel avis de l’autorité environnementale qui n’a pas pu rendre un avis éclairé sur le dossier, mais simplement relever ses lacunes initiales. Le public n’a pas pu bénéficier de l’avis de l’autorité environnementale suite aux éléments complémentaires versés par EDF.
Les réponses fournies par EDF à l’issue du débat public sont incomplètes
Du 27 octobre 2022 au 27 février 2023, la Commission Nationale du Débat Public (CNDP) a décidé d’organiser un débat public sur le programme proposé par EDF de construire 6 réacteurs nucléaires de type "EPR2", dont les deux premiers seraient situés à Penly. À l’issue de ce débat, la Commission Particulière du Débat Public (CPDP) a dressé le bilan des questions et interventions, en demandant à EDF de répondre à certaines demandes du public. Non seulement l’acte fourni par EDF à la suite du bilan n’a pas permis d’éclaircir les questions soulevées, mais pire encore, les incertitudes perdurent aujourd’hui. En effet, dans un nouvel avis du 4 septembre 2024, la CNDP réitère ses critiques et indique que "Les réponses complètes et argumentées des maîtres d’ouvrage et de l’État aux questions posées en fin de débat public sur le programme nouveau nucléaire et le projet EPR2 Penly sont toujours attendues."
Les éléments qui restent sans réponse concernent par exemple le cadre général proposé par le gouvernement pour la politique énergétique à venir (révision des objectifs de la PPE d’avril 2020), dans laquelle devrait s’insérer le programme nouveau nucléaire proposé par EDF ; ou l’économie générale, le financement du projet et ses perspectives de coût de production ; ou enfin les éléments relatifs à la maîtrise des risques de dérives des coûts d’investissement et de fonctionnement, via notamment les retours d’expérience des EPR actuels.
L’étude d’impact est insuffisante en plusieurs points
L’état initial du milieu marin se base sur des inventaires réalisés pour l’essentiel entre les années 2000 et 2010. Les inventaires plus récents ont été réalisés sur des zones spatialement inappropriées.
Le volet sur la vulnérabilité au changement climatique est à rebours des analyses produites par d’autres experts. S’agissant, par exemple, des températures et des facteurs climatiques, l’étude d’impact commandée par EDF mentionne une « évolution [probable] des précipitations moyennes annuelles de l’ordre de + 3 % à + 5 % à l’horizon 2050 ». Cependant, ce chiffre n’apparaît pas cohérent avec les conclusions du GIEC Normand, indiquant que :
« L’évolution des cumuls annuels de précipitations, à l’horizon 2100, tendrait vers une diminution de l’ordre de 10 % dans le cas du scénario pessimiste, avec une diminution nette à partir des années 2070. […] Le scénario optimiste présente une certaine stabilité de ce cumul annuel de précipitations ». Ces incohérences se répercutent sur les modélisations du débit de l’Yères [fleuve côtier de Seine-Maritime]. Les résultats montrent une évolution des débits moyens annuels de l’Yères qui serait de l’ordre de + 5% à + 6 % à horizon 2050 pour EDF alors que les travaux du GIEC Normand prévoient une diminution de 10 à 30% des débits moyens des cours d’eau des bassins de la Seine à horizon 2100.
Enfin EDF n’a pas jugé utile d’inclure dans l’étude d’impact un examen de la remise en état du site à l’issue des travaux préparatoires, en cas d’abandon du projet.
Normalement, s’agissant des installations nucléaires de base, les travaux de démolition font l’objet d’une évaluation environnementale spécifique au stade du démantèlement conformément aux dispositions de l’article L. 593-27 du code de l’environnement. Néanmoins, la loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 dissocie désormais l’exécution des travaux préparatoires liés à la construction de nouvelles installations nucléaires, de ceux portant sur l’îlot nucléaire proprement dit. Les travaux nécessaires à la réalisation d’un réacteur électronucléaire – et, notamment, les travaux préparatoires – peuvent débuter avant la délivrance de l’autorisation de création, alors que la construction de l’installation nucléaire de base demeure encore incertaine.
Or, en dissociant la réalisation des travaux préparatoires de la délivrance de l’autorisation de création, le législateur fait naître un risque : celui que les travaux préparatoires soient exécutés, sans que l’installation nucléaire de base ne soit finalement autorisée.
La présomption dont bénéficient les travaux préparatoires reconnus automatiquement comme Raison Impérative d’Intérêt Public Majeur est inconventionnelle
La destruction ou la perturbation des espèces animales protégées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont, en principe, interdites. Le code de l’environnement prévoit la possibilité de déroger à cette interdiction si, notamment, un projet répond à une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM), mais encore faut-il le justifier. Une fois n’est pas coutume, l’État français a accordé une nouvelle faveur à l’industrie nucléaire en introduisant une présomption permettant pour les projets de construction de nouveaux réacteurs de répondre automatiquement au qualificatif de RIIPM, sans avoir à le motiver. Cette présomption semble aussi concerner les travaux préparatoires puisque cette autorisation environnementale tient lieu de « dérogation aux interdictions édictées pour la conservation de sites d’intérêt géologique, d’habitats naturels, d’espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats. »
Or, les travaux préparatoires liés à la réalisation d’une paire d’unités EPR2 sur le site de Penly ne répondent pas, en tant que tels, à une raison impérative d’intérêt public majeur, dès lors qu’ils pourraient être réalisés en vain, la construction des réacteurs n’étant pas à ce jour autorisée.
Pour toutes ces raisons, les associations Stop EPR ni à Penly ni Ailleurs, Greenpeace France et le Réseau "Sortir du nucléaire" ont déposé un recours auprès du Conseil d’État le 7 octobre 2024.
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Requête CE 7/10/2024 AE Penly
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