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Surveillance citoyenne des installations nucléaires

Alerter

Exercice et entraînement : zéro pointé pour EDF

Publié initialement dans la revue Sortir du nucléaire n°101 le 1er avril 2024, mis en ligne le 17 juillet 2024



Vous auriez vu ça dans un film ou dans un roman, vous vous seriez dit “Nan, c’est pas crédible”. Mais bien souvent la réalité dépasse la fiction. La preuve en est avec plusieurs exercices qui ont été joués dans les centrales nucléaires françaises. Messages d’alerte et consignes d’évacuation inaudibles, matériel non disponible… Les sites nucléaires sont-ils prêts à gérer un accident ?



« Les citoyen·nes doivent être préparé·es à l’accident ». C’est l’une des rengaines préférées des autorités et des exploitants. Plaquettes d’information sur les risques industriels près de chez vous, distribution de pastilles d’iode si vous avez la « chance » d’habiter à quelques kilomètres d’un site nucléaire… Mais les responsables, ceux qui génèrent le risque d’accident (et les provoquent éventuellement), sont-ils préparés, eux ? Pour le savoir rien de tel qu’un petit exercice.

Juin 2023, une inspection est en cours dans la plus grande centrale de France, Gravelines (Nord) [1]. L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a préparé un scenario, une simulation d’accident, et demande à EDF de le mettre en pratique. Rien de radioactif, « juste » un nuage toxique de chlore qui s’est formé suite au malencontreux mélange de produits chimiques. Il y a deux victimes au sol, inconscientes. Mais elles ont eu le temps de donner l’alarme avant de s’évanouir. Allez, c’est parti.

Matériel inexistant, inadapté et messages inaudibles

Premier problème : il n’y a pas de détecteurs de substance toxique dans les endroits à risque. L’alerte repose uniquement sur l’être humain (qui doit être en état d’appeler le 18).

Les agents envoyés sur place n’ont pas de quoi mesurer la teneur en chlore dans l’air. Ils évacuent les victimes mais pas assez loin (30 mètres), et ne disposent ni de brancards ni de bouteilles à oxygène. Casques et masques respiratoires ne sont pas compatibles, ce qui a beaucoup retardé l’équipe d’intervention.

L’alarme et les consignes d’évacuation sont lancées par haut-parleurs, mais il y a un gros problème de sonorisation : à certains endroits du site nucléaire les messages ne sont pas audibles. Au centre d’information du public (CIP), un bâtiment à l’écart, personne ne les a entendus. Et aucun responsable de crise n’a songé à prévenir le CIP. L’ASN avait pourtant bien précisé que le vent soufflait les rejets toxiques dans sa direction. De vrais visiteurs y étaient au moment de l’exercice.

Et pour juguler l’accident, pour faire face au nuage toxique et limiter la casse, rien n’a été fait. L’asperger d’eau aurait pourtant permis de rabattre le chlore au sol.

Un cas qui n’est pas isolé

L’échec à cet exercice n’est malheureusement pas l’apanage de Gravelines. Le même scenario a été joué à Dampierre (Centre – Val de Loire), à Golfech (Occitanie) et à Civaux (Nouvelle Aquitaine) [2]. Et ce fut la même débandade. Partout – ou plutôt nulle part – les alarmes et les consignes d’évacuation ne sont pas audibles, les équipements de protection et de secours ne sont pas disponibles, la détection des fuites repose sur l’humain. Et rien n’est fait pour stopper le nuage toxique.

Un autre exercice a été mis en œuvre à Civaux en janvier 2024, avec cette fois un scénario d’accident nucléaire. Le dernier de cette ampleur remontait à presque 10 ans [3]. Fin février c’était au Bugey (Auvergne Rhône-Alpes) [4], avec mobilisation de la préfecture et messages d’alerte envoyés par textos dans les 5 km à la ronde. Un exercice qui n’est fait que tous les 5 ans… Pas de quoi se fatiguer avec ce rythme d’entraînement.

Alors, à vous de juger : EDF, le responsable des plus dangereux sites industriels, est-il préparé à gérer les accidents qu’il peut provoquer ?

Laure Barthélemy, Chargée de recherche et d’animation de la Surveillance Citoyenne des Installations Nucléaires (SCIN)


Notes

[1Inspection n° INSSN-LIL-2023-0349 des 20 et 21 juin 2023

[2inspections INSSN-OLS-2023-0745, INSSN-BDX-2023-0074 et INSSN-BDX-2023-0053

[3actu CNPE de Civaux 02/02/2024

[4actu CNPE du Bugey 27/02/2024

« Les citoyen·nes doivent être préparé·es à l’accident ». C’est l’une des rengaines préférées des autorités et des exploitants. Plaquettes d’information sur les risques industriels près de chez vous, distribution de pastilles d’iode si vous avez la « chance » d’habiter à quelques kilomètres d’un site nucléaire… Mais les responsables, ceux qui génèrent le risque d’accident (et les provoquent éventuellement), sont-ils préparés, eux ? Pour le savoir rien de tel qu’un petit exercice.

Juin 2023, une inspection est en cours dans la plus grande centrale de France, Gravelines (Nord) [1]. L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a préparé un scenario, une simulation d’accident, et demande à EDF de le mettre en pratique. Rien de radioactif, « juste » un nuage toxique de chlore qui s’est formé suite au malencontreux mélange de produits chimiques. Il y a deux victimes au sol, inconscientes. Mais elles ont eu le temps de donner l’alarme avant de s’évanouir. Allez, c’est parti.

Matériel inexistant, inadapté et messages inaudibles

Premier problème : il n’y a pas de détecteurs de substance toxique dans les endroits à risque. L’alerte repose uniquement sur l’être humain (qui doit être en état d’appeler le 18).

Les agents envoyés sur place n’ont pas de quoi mesurer la teneur en chlore dans l’air. Ils évacuent les victimes mais pas assez loin (30 mètres), et ne disposent ni de brancards ni de bouteilles à oxygène. Casques et masques respiratoires ne sont pas compatibles, ce qui a beaucoup retardé l’équipe d’intervention.

L’alarme et les consignes d’évacuation sont lancées par haut-parleurs, mais il y a un gros problème de sonorisation : à certains endroits du site nucléaire les messages ne sont pas audibles. Au centre d’information du public (CIP), un bâtiment à l’écart, personne ne les a entendus. Et aucun responsable de crise n’a songé à prévenir le CIP. L’ASN avait pourtant bien précisé que le vent soufflait les rejets toxiques dans sa direction. De vrais visiteurs y étaient au moment de l’exercice.

Et pour juguler l’accident, pour faire face au nuage toxique et limiter la casse, rien n’a été fait. L’asperger d’eau aurait pourtant permis de rabattre le chlore au sol.

Un cas qui n’est pas isolé

L’échec à cet exercice n’est malheureusement pas l’apanage de Gravelines. Le même scenario a été joué à Dampierre (Centre – Val de Loire), à Golfech (Occitanie) et à Civaux (Nouvelle Aquitaine) [2]. Et ce fut la même débandade. Partout – ou plutôt nulle part – les alarmes et les consignes d’évacuation ne sont pas audibles, les équipements de protection et de secours ne sont pas disponibles, la détection des fuites repose sur l’humain. Et rien n’est fait pour stopper le nuage toxique.

Un autre exercice a été mis en œuvre à Civaux en janvier 2024, avec cette fois un scénario d’accident nucléaire. Le dernier de cette ampleur remontait à presque 10 ans [3]. Fin février c’était au Bugey (Auvergne Rhône-Alpes) [4], avec mobilisation de la préfecture et messages d’alerte envoyés par textos dans les 5 km à la ronde. Un exercice qui n’est fait que tous les 5 ans… Pas de quoi se fatiguer avec ce rythme d’entraînement.

Alors, à vous de juger : EDF, le responsable des plus dangereux sites industriels, est-il préparé à gérer les accidents qu’il peut provoquer ?

Laure Barthélemy, Chargée de recherche et d’animation de la Surveillance Citoyenne des Installations Nucléaires (SCIN)



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