Le 1er juillet 2016, le Réseau "Sortir du nucléaire" a déposé un recours devant le Conseil d’Etat à l’encontre de l’arrêté du 30 décembre 2015 relatif aux équipements sous pression nucléaires.
Aux côtés des associations Greenpeace France et FNE, le Réseau "Sortir du nucléaire" a déposé le 3 mars 2016 un recours gracieux à l’encontre de l’arrêté du 30 décembre 2015 relatif aux équipements sous pression nucléaires. Taillé sur mesure pour la cuve de l’EPR de Flamanville, cet arrêté prévoit une procédure dérogatoire pour les équipements ne répondant pas aux exigences de qualité, sur autorisation de l’ASN.
Le 1er juillet 2016, un recours contentieux à l’encontre de cet arrêté a été déposé. Le Conseil d’Etat a examiné ce recours le 25 septembre 2017. Le rapporteur public a pris des conclusions tendant au rejet de la requête. L’affaire a été mise en délibéré. Le 16 octobre 2017, le Conseil d’Etat a finalement rejeté notre recours [1].
[1] Analyse de l’arrêt rendu par Conseil d’Etat le 16 octobre 2017 :
Globalement, le CE insiste sur le fait que l’ensemble des dispositions n’ont pas pour objet de dispenser les appareils à pression nucléaires du respect des exigences de sécurité, mais de permettre, au cas par cas et au terme d’un examen particulier, à certains équipements ne satisfaisant pas à l’ensemble des exigences formelles de conformité d’être mis en service dès lors qu’ils satisfont, sous le contrôle de l’ASN, à des conditions qu’il appartient à cette dernière de fixer afin d’assurer un niveau de sécurité identique. Les exigences essentielles de sécurité fixées par l’arrêté ne seraient pas remises en cause par la dérogation puisque celle-ci est délivrée sous le contrôle de l’ASN qui pourra ainsi assortir son autorisation de conditions, voire même la refuser s’il apparaît, au vu de l’instruction, que « le niveau de sécurité est inférieur à celui du respect des exigences prescrites en matière de conformité ».
Le CE fait clairement peser exclusivement sur une ASN déjà sous pression la responsabilité d’autoriser ou non ces dérogations. A nous ensuite de les attaquer au cas par cas si nous estimons que le niveau de sécurité n’est alors pas identique à celui des exigences prescrites. Mais nous devrons alors rentrer dans des débats techniques pour lesquels les juridictions administratives se rangent en général du côté des autorités publiques, ici de l’ASN qui aura certainement le dernier mot.
Ci-dessous, les autres éléments de l’arrêt du CE :
▸ Tous les moyens tirés de l’incompétence sont rejetés.
▸ La postériorité de la loi sur le décret est sans incidence sur la légalité de l’arrêté qui s’apprécie au jour de l’édiction de celui-ci.
▸ Le fait que l’arrêté du 30 décembre 2015 mentionne dans ses visas la directive 2014/68/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 qui ne s’applique pas aux équipements sous pression nucléaires est inopérant et sans incidence.
▸ Ni les dispositions ou stipulations de textes et conventions de droit interne, européen ou international ni les divers principes ou droits évoqués ne font légalement obstacle à la mise en œuvre d’un tel dispositif.
▸ La faculté d’autoriser des équipements ne satisfaisant pas à l’ensemble des exigences formelles de conformité est ouverte sur demande dûment justifiée du fabricant ou s’ils sont conformes aux exigences des réglementations antérieures ou en vigueur en France ou dans un Etat membre de l’Union européenne ou de l’Association européenne de libre-échange. Dès lors, le moyen tiré du fait que l’article R. 557-1-3 du Code de l’environnement, pour l’application duquel a été pris l’arrêté attaqué, méconnaisse les dispositions de l’article L. 557-6, faute de subordonner l’autorisation d’équipements non conformes au respect des deux conditions cumulatives relatives à l’existence d’une demande justifiée du fabricant et à la conformité de l’équipement à une réglementation de sécurité ne peut qu’être écarté.
▸ Les dispositions de l’article 9 de l’arrêté attaqué n’ont pas pour objet ou pour effet d’exonérer les fabricants des équipements sous pression, les exploitants, l’ASN, ou l’organisme chargé d’attester la conformité de l’équipement aux exigences essentielles de sécurité, de leurs responsabilités respectives.
▸ En vertu de l’article 7 de la Charte de l’environnement, les dispositions relatives à la participation du public à l’élaboration des décisions ayant une incidence sur l’environnement relèvent de la loi. La participation du public pour la procédure en cause est, à défaut d’une procédure spécifique, régie par les dispositions de l’article L. 120-1 du Code de l’environnement. Le moyen tiré de ce que l’arrêté attaqué méconnaîtrait l’article 7 de la Charte de l’environnement ainsi que l’article 6 de la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement faute de prévoir une consultation du public sur les autorisations délivrées par l’ASN ne peut qu’être écarté.
▸ La procédure dérogatoire prévue à l’article 9 de l’arrêté attaqué a pour objet, sans modifier les caractéristiques des installations nucléaires concernées et en garantissant un niveau identique de sécurité, d’autoriser la mise en service ou l’utilisation de certains de leurs équipements ne satisfaisant pas à l’ensemble des exigences formelles de conformité découlant des articles L. 557-4 et L. 557-5. Le moyen tiré de ce qu’en permettant de réduire les exigences de sécurité des installations ou de leurs équipements l’arrêté attaqué méconnaîtrait les dispositions législatives et réglementaires régissant la procédure d’enquête publique doit être écarté.
▸ Eu égard à l’objet et à la portée des dispositions de l’article 9 de l’arrêté, qui font obstacle à la mise en service d’équipements non conformes sans une autorisation délivrée par l’ASN, les requérants ne peuvent utilement soutenir que l’arrêté serait illégal au motif qu’il n’impose pas de délai au fabricant pour informer l’ASN des anomalies révélant une non-conformité.
▸ Il ne ressort, en tout état de cause, pas des pièces des dossiers que l’ASN ne serait pas en mesure d’exercer les missions qui lui ont été confiées par le législateur de façon indépendante.
▸ Les dispositions de l’article 9 de l’arrêté attaqué, qui encadrent strictement les conditions de mise en œuvre de la dérogation prévue à l’article L. 557-6 du code de l’environnement, sont suffisamment précises et ne méconnaissent pas l’objectif à valeur constitutionnelle de clarté et d’intelligibilité de la loi.
▸ Il ne ressort pas des pièces des dossiers que l’arrêté, qui se borne au demeurant à préciser les modalités d’application d’un dispositif institué par la loi, serait étranger à des fins d’intérêt général et serait en conséquence entaché d’un détournement de procédure.