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Projet Cigéo à Bure : non à l’enfouissement des déchets radioactifs !

Bure : c’est dans ce petit village de la Meuse que l’industrie nucléaire veut enfouir ses déchets les plus dangereux, qui resteront radioactifs pendant des centaines de milliers d’années.


Un potentiel géothermique caché

17 décembre 2012 |




Le site de Bure renferme un potentiel géothermique non négligeable. Pour cacher ce potentiel et favoriser la réalisation de CIGEO, l’Andra a fait réaliser un forage en 2008 sans respecter les règles de l’art et a manipulé la présentation des résultats. Le Réseau "Sortir du nucléaire"et cinq associations locales ont assigné l’Andra en responsabilité pour faute.

 

Modélisation de la zone du futur site principal de Cigéo, vue en surface ©ANDRA


L’Andra s’arrange avec ce qui la dérange

Après avoir conclu en 2005 à la faisabilité du stockage profond pour les déchets HA et MA-VL sur le site Meuse/Hte Marne, l’Andra a été chargée par la loi n° 2006-739 du 28 juin 2006, aujourd’hui codifiée, de choisir le lieu pour l’implantation d’un centre industriel de stockage géologique pour les déchets radioactifs de haute activité et de moyenne activité à vie longue, dit CIGEO.

Parmi les différents critères à prendre en compte pour le choix du site, figure celui de l’absence de ressource géothermique potentiellement exploitable (voir point A2-­2.2.1 de l’annexe 2 du Guide de sûreté relatif au stockage définitif des déchets en formation géologique profonde du 12 février 2008).

Depuis 1999, l’Andra n’a plus qu’un seul site : celui de Bure dans la Meuse. En décembre 2002, un géophysicien haut-marnais, A. Mourot (aujourd’hui décédé) révèle pour la première fois que ce site choisi est situé juste au-dessus d’une ressource géothermique estimée importante. En effet, lors des grands inventaires de cette ressource qui ont suivi les chocs pétroliers fin 1973 et fin 1979, le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) avait décrit cette ressource, localement confirmée par un forage pétrolier en 1989.

Ce n’est qu’en juin 2008, que l’Andra décide de faire prolonger un forage (EST433) jusqu’à cet aquifère géothermique. Elle choisit le groupement d’opérateurs Saunier & Associés - Solexperts – Intera (SIS) pour réaliser les tests. Le rapport définitif des opérateurs SIS est rendu en janvier 2009. Six mois plus tard, l’Andra émet une synthèse du programme de reconnaissance de la zone de transposition 2007-2008. Il est indiqué notamment que « la production mesurée en test dans EST433 (5 m3/h) est nettement inférieure à la gamme de débits des exploitations géothermiques (150 à 400 m3/h) » et que « l’ensemble des résultats indique, en référence à des installations géothermiques existant dans le bassin de Paris dans les mêmes gammes de température, que la ressource géothermique à l’échelle de la zone de transposition est faible ».

Or, la lecture du rapport final des opérateurs SIS révèle qu’ils ont réalisé les tests dans le forage alors que celui-ci était toujours rempli de boue polymère. L’appareillage était donc affecté de multiples obstructions, à l’inverse des bonnes pratiques et des règles de l’art.

D’après les opérateurs SIS, la transmissivité/perméabilité, seule grandeur recherchée, est bonne. Le Trias est donc un bon aquifère géothermique en dépit du débit de 5 m3/h présenté par l’Andra qui s’explique par l’obstruction massive de plusieurs points de l’outil de test par la boue polymère ainsi que par l’utilisation d’une petite pompe de forage de recherche.

L’Andra utilise avec insistance la mesure de 5 m3/h pour avancer la faiblesse de la ressource géothermique du site de Bure. Au regard des préconisations du guide relatif au stockage définitif des déchets radioactifs en formation géologique profonde du 12 février 2008, écarter la potentialité géothermique du site lui permet ainsi de favoriser la réalisation du projet CIGEO.

A partir des analyses du docteur en géologie Antoine Godinot, les associations Réseau "Sortir du nucléaire", Bure Stop 55, le CEDRA, l’ASODEDRA, Les Habitants Vigilants de Gondrecourt et MIRABEL LNE ont adressé, le 17 décembre 2012, un courrier de mise en demeure à l’Andra de s’expliquer sur la dissimulation du potentiel géothermique à Bure. Cette dernière a finalement répondu à cette mise en demeure : selon elle, la ressource géothermique du sous-sol autour de Bure n’est pas exceptionnelle...

 

Explications techniques à propos de la géothermie par Antoine Godinot, docteur en géologie

Les associations ont saisi la justice

Le 3 mai 2013, alors que le débat public sur le projet CIGEO s’apprêtait à commencer, les associations ont assigné l’Andra en responsabilité pour faute en justice, afin qu’elle réponde de ses manipulations.

En octobre 2013, une étude réalisée par le cabinet suisse GEOWATT, expert en géothermie, à la demande du CLIS de Bure, montre clairement qu’il y a de la géothermie économiquement exploitable sous Bure, et vient ainsi confirmer le bien-fondé de l’action en justice des associations.

Cette affaire a été examinée par le Tribunal de grande instance de Nanterre le 5 janvier 2015 [1] (voir toutes les pièces de la procédure, en documents joints). Elle a été mise en délibéré. Le jugement a été rendu le 26 mars 2015 (voir le jugement, en document joint).

Le Tribunal de grande instance de Nanterre a refusé de prendre acte de la faute commise par l’Andra dans sa mission d’information, en déclarant que les associations n’avaient pas d’intérêt à agir [2]...

Quoi qu’il en soit, ce jugement ne remet pas en cause l’existence de la ressource géothermique qui, grâce à la procédure lancée par les associations, est désormais communément admise. Le périmètre d’implantation de Cigéo a donc été déterminé sur des bases erronées. Les associations ont écrit à l’Élysée, au Ministère de l’Écologie et à l’Andra pour leur demander d’invalider ce périmètre et de stopper au plus vite le projet Cigéo (voir les courriers et réponses, en documents joints).

Les associations ont décidé de faire appel (voir nos conclusions d’appel, en documents joints). L’audience a eu lieu à la Cour d’appel de Versailles, le 2 février 2017 [3]. L’affaire a été mise en délibéré et l’arrêt a été rendu le 23 mars 2017.

La cour d’appel de Versailles a refusé de prendre acte de la faute commise par l’Andra (voir l’arrêt, en document joint). Les associations ont décidé de saisir la Cour de cassation, qui a examiné l’affaire le 9 mai 2018 (voir nos mémoires, en documents joints).

Le 24 mai 2018, celle-ci a finalement décidé de rejeter le pourvoi des associations aux motifs qu’ayant relevé que les travaux de l’Andra avaient été validés par tous ses partenaires, que les manquements à son obligation de délivrer une information exacte et les inexactitudes alléguées n’étaient pas établis avec une certitude suffisante et que l’existence d’une divergence d’appréciation sur les éléments techniques et l’éventualité d’une exploitation géothermique dans le futur ne suffisait pas à démontrer qu’elle aurait fait preuve d’incompétence, de négligence ou de partialité, la cour d’appel, qui n’a pas inversé la charge de la preuve et qui n’était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu, par ces seuls motifs, en déduire qu’aucune faute de l’Andra n’était caractérisée et a légalement justifié sa décision.

Les associations ont saisi la CEDH le 20 novembre 2018. Le 1er juillet 2021, la CEDH a condamné la France pour avoir restreint de manière « disproportionnée » l’accès à la justice à Mirabel-LNE, ses demandes ayant été rejetée devant les juridictions internes pour défaut d’intérêt à agir. Elle a considéré que la France avait violé l’article 6.1 de la Convention européenne des droits de l’Homme qui garantit "le droit d’accès à un tribunal". Elle devra verser 3 000 euros à Mirabel-LNE pour dommage moral. Elle a, en revanche, estimé que cinq des six associations requérantes avaient pu saisir les juridictions internes d’un recours qui avait permis l’exercice d’un contrôle effectif du respect par l’Andra de son obligation légale de mettre à la disposition du public des informations relatives à la gestion des déchets radioactifs et portant sur le contenu et la qualité de l’information diffusée par l’agence quant au potentiel géothermique du site de Bure.

 

Téléchargez l’arrêt de la CEDH
Potentiel Bure - Arrêt CEDH 01/07/21

 

Téléchargez notre recours CEDH
Potentiel Bure - Recours CEDH 20/11/18

 

Téléchargez l’arrêt de la Cour de cassation
Potentiel Bure - Arrêt Cour de cassation 24/05/18

 

Téléchargez le commentaire par Gilles J. Martin de l’arrêt de la Cour de cassation
Potentiel Bure - Commentaire de l’arrêt Cour de cassation 24/05/18

 

L’Andra s’arrange avec ce qui la dérange

Après avoir conclu en 2005 à la faisabilité du stockage profond pour les déchets HA et MA-VL sur le site Meuse/Hte Marne, l’Andra a été chargée par la loi n° 2006-739 du 28 juin 2006, aujourd’hui codifiée, de choisir le lieu pour l’implantation d’un centre industriel de stockage géologique pour les déchets radioactifs de haute activité et de moyenne activité à vie longue, dit CIGEO.

Parmi les différents critères à prendre en compte pour le choix du site, figure celui de l’absence de ressource géothermique potentiellement exploitable (voir point A2-­2.2.1 de l’annexe 2 du Guide de sûreté relatif au stockage définitif des déchets en formation géologique profonde du 12 février 2008).

Depuis 1999, l’Andra n’a plus qu’un seul site : celui de Bure dans la Meuse. En décembre 2002, un géophysicien haut-marnais, A. Mourot (aujourd’hui décédé) révèle pour la première fois que ce site choisi est situé juste au-dessus d’une ressource géothermique estimée importante. En effet, lors des grands inventaires de cette ressource qui ont suivi les chocs pétroliers fin 1973 et fin 1979, le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) avait décrit cette ressource, localement confirmée par un forage pétrolier en 1989.

Ce n’est qu’en juin 2008, que l’Andra décide de faire prolonger un forage (EST433) jusqu’à cet aquifère géothermique. Elle choisit le groupement d’opérateurs Saunier & Associés - Solexperts – Intera (SIS) pour réaliser les tests. Le rapport définitif des opérateurs SIS est rendu en janvier 2009. Six mois plus tard, l’Andra émet une synthèse du programme de reconnaissance de la zone de transposition 2007-2008. Il est indiqué notamment que « la production mesurée en test dans EST433 (5 m3/h) est nettement inférieure à la gamme de débits des exploitations géothermiques (150 à 400 m3/h) » et que « l’ensemble des résultats indique, en référence à des installations géothermiques existant dans le bassin de Paris dans les mêmes gammes de température, que la ressource géothermique à l’échelle de la zone de transposition est faible ».

Or, la lecture du rapport final des opérateurs SIS révèle qu’ils ont réalisé les tests dans le forage alors que celui-ci était toujours rempli de boue polymère. L’appareillage était donc affecté de multiples obstructions, à l’inverse des bonnes pratiques et des règles de l’art.

D’après les opérateurs SIS, la transmissivité/perméabilité, seule grandeur recherchée, est bonne. Le Trias est donc un bon aquifère géothermique en dépit du débit de 5 m3/h présenté par l’Andra qui s’explique par l’obstruction massive de plusieurs points de l’outil de test par la boue polymère ainsi que par l’utilisation d’une petite pompe de forage de recherche.

L’Andra utilise avec insistance la mesure de 5 m3/h pour avancer la faiblesse de la ressource géothermique du site de Bure. Au regard des préconisations du guide relatif au stockage définitif des déchets radioactifs en formation géologique profonde du 12 février 2008, écarter la potentialité géothermique du site lui permet ainsi de favoriser la réalisation du projet CIGEO.

A partir des analyses du docteur en géologie Antoine Godinot, les associations Réseau "Sortir du nucléaire", Bure Stop 55, le CEDRA, l’ASODEDRA, Les Habitants Vigilants de Gondrecourt et MIRABEL LNE ont adressé, le 17 décembre 2012, un courrier de mise en demeure à l’Andra de s’expliquer sur la dissimulation du potentiel géothermique à Bure. Cette dernière a finalement répondu à cette mise en demeure : selon elle, la ressource géothermique du sous-sol autour de Bure n’est pas exceptionnelle...

 

Explications techniques à propos de la géothermie par Antoine Godinot, docteur en géologie

Les associations ont saisi la justice

Le 3 mai 2013, alors que le débat public sur le projet CIGEO s’apprêtait à commencer, les associations ont assigné l’Andra en responsabilité pour faute en justice, afin qu’elle réponde de ses manipulations.

En octobre 2013, une étude réalisée par le cabinet suisse GEOWATT, expert en géothermie, à la demande du CLIS de Bure, montre clairement qu’il y a de la géothermie économiquement exploitable sous Bure, et vient ainsi confirmer le bien-fondé de l’action en justice des associations.

Cette affaire a été examinée par le Tribunal de grande instance de Nanterre le 5 janvier 2015 [1] (voir toutes les pièces de la procédure, en documents joints). Elle a été mise en délibéré. Le jugement a été rendu le 26 mars 2015 (voir le jugement, en document joint).

Le Tribunal de grande instance de Nanterre a refusé de prendre acte de la faute commise par l’Andra dans sa mission d’information, en déclarant que les associations n’avaient pas d’intérêt à agir [2]...

Quoi qu’il en soit, ce jugement ne remet pas en cause l’existence de la ressource géothermique qui, grâce à la procédure lancée par les associations, est désormais communément admise. Le périmètre d’implantation de Cigéo a donc été déterminé sur des bases erronées. Les associations ont écrit à l’Élysée, au Ministère de l’Écologie et à l’Andra pour leur demander d’invalider ce périmètre et de stopper au plus vite le projet Cigéo (voir les courriers et réponses, en documents joints).

Les associations ont décidé de faire appel (voir nos conclusions d’appel, en documents joints). L’audience a eu lieu à la Cour d’appel de Versailles, le 2 février 2017 [3]. L’affaire a été mise en délibéré et l’arrêt a été rendu le 23 mars 2017.

La cour d’appel de Versailles a refusé de prendre acte de la faute commise par l’Andra (voir l’arrêt, en document joint). Les associations ont décidé de saisir la Cour de cassation, qui a examiné l’affaire le 9 mai 2018 (voir nos mémoires, en documents joints).

Le 24 mai 2018, celle-ci a finalement décidé de rejeter le pourvoi des associations aux motifs qu’ayant relevé que les travaux de l’Andra avaient été validés par tous ses partenaires, que les manquements à son obligation de délivrer une information exacte et les inexactitudes alléguées n’étaient pas établis avec une certitude suffisante et que l’existence d’une divergence d’appréciation sur les éléments techniques et l’éventualité d’une exploitation géothermique dans le futur ne suffisait pas à démontrer qu’elle aurait fait preuve d’incompétence, de négligence ou de partialité, la cour d’appel, qui n’a pas inversé la charge de la preuve et qui n’était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu, par ces seuls motifs, en déduire qu’aucune faute de l’Andra n’était caractérisée et a légalement justifié sa décision.

Les associations ont saisi la CEDH le 20 novembre 2018. Le 1er juillet 2021, la CEDH a condamné la France pour avoir restreint de manière « disproportionnée » l’accès à la justice à Mirabel-LNE, ses demandes ayant été rejetée devant les juridictions internes pour défaut d’intérêt à agir. Elle a considéré que la France avait violé l’article 6.1 de la Convention européenne des droits de l’Homme qui garantit "le droit d’accès à un tribunal". Elle devra verser 3 000 euros à Mirabel-LNE pour dommage moral. Elle a, en revanche, estimé que cinq des six associations requérantes avaient pu saisir les juridictions internes d’un recours qui avait permis l’exercice d’un contrôle effectif du respect par l’Andra de son obligation légale de mettre à la disposition du public des informations relatives à la gestion des déchets radioactifs et portant sur le contenu et la qualité de l’information diffusée par l’agence quant au potentiel géothermique du site de Bure.

 

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Potentiel Bure - Arrêt Cour de cassation 24/05/18

 

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