19 février 2024
C’est en travaillant sur un chantier du bâtiment du réacteur 2 de la centrale de Paluel (Normandie) que l’accident de (non)radioprotection est arrivé. Un prestataire a été contaminé au bras et à la jambe, c’est à dire que son corps a été irradié, il a été au contact de particules émettant des rayonnements ionisants. On ne sait ni comment, ni pourquoi, ni combien de temps il y a été exposé. La dose qu’il a reçue lors de cette intervention n’est pas précisée par EDF, qui s’en tient à une communication minimale.
Crédit photo : André Paris
Le communiqué d’EDF ne donne que très peu d’informations. Quel chantier était en cours dans le bâtiment du réacteur 2 de Paluel ? Combien de temps a duré l’intervention du travailleur contaminé ? Quel type de rayonnement son corps a-t-il reçu [1] [2] ? Autant d’éléments essentiels pour prendre la mesure de l’accident, en comprendre les tenants et aboutissants.
Car il s’agit bien d’un accident de non-radioprotection : ce travailleur n’a pas été protégé des radiations, un danger inhérent à son activité professionnelle. Il est de la responsabilité d’EDF de protéger tout·es les intervenant·es contre les risques auxquels ils et elles sont exposée·es dans ses installations nucléaires, qu’ils et elles soient ses salarié·es ou des prestataires. Le chantier était-il correctement préparé et balisé ? Les travailleurs correctement formés et équipés ? Dans quel état de "propreté radiologique" était la zone d’intervention ?
Dans son communiqué, l’exploitant nucléaire précise toutefois que la limite de dose annuelle n’a pas été dépassée
[3]. Mais le quart de cette dose a été atteint. Là encore, EDF ne livre pas d’information précise, et c’est d’ailleurs toujours le cas dans les déclarations d’incidents de radioprotection : la dose exacte reçue lors de l’intervention n’est jamais mentionnée, pas plus que le type de rayonnement. Des facteurs pourtant essentiels à la caractérisation de l’incident et à ses conséquences. Mais cette déclaration n’a pas pour objectif de donner au public des clés de compréhension, il s’agit pour EDF de respecter une procédure réglementaire : lorsque le quart de la limite annuelle est dépassé, l’industriel doit déclarer un évènement significatif aux autorités [4], classé au niveau 1 de l’échelle des accident nucléaires [5]. Si la limite annuelle est dépassée, l’incident sera classé au niveau 2.
EDF s’en tient donc au minimum réglementaire, sans donner les détails qui permettraient au public de prendre la mesure des faits survenus le 14 février à la centrale de Paluel. En dire le moins possible et rester en surface, une manière de minimiser ?
L.B.
Déclaration d’un événement significatif de radioprotection de niveau 1, relatif à la contamination corporelle d’un intervenant
Publié le 19/02/2024
Le 14 février 2024, lors des contrôles systématiques réalisés en sortie de chantier, il a été détecté une contamination corporelle externe au niveau de l’avant-bras et d’un membre inférieur d’un salarié d’une entreprise partenaire [6] . Cet intervenant travaillait dans le bâtiment réacteur de l’unité de production n°2, en arrêt programmé pour maintenance depuis le 2 février.
Le salarié a été pris en charge par les équipes compétentes sur place, qui ont appliqué les procédures spécifiques pour retirer la totalité de la contamination. Le salarié a pu reprendre l’ensemble de ses activités. Les analyses, réalisées par les médecins du travail, établissent que la dose reçue par l’intervenant est supérieure au quart de la limite réglementaire annuelle, sans toutefois dépasser cette limite.
La direction de la centrale nucléaire de Paluel a déclaré cet événement significatif de radioprotection au niveau 1 de l’échelle INES qui en compte 7, le 16 février à l’Autorité de Sûreté Nucléaire.
Contamination externe d’un intervenant conduisant au dépassement du quart de la limite annuelle réglementaire pour la dose équivalente reçue sur la peau
Publié le 27/02/2024
Centrale nucléaire de Paluel Réacteurs de 1300 MWe - EDF
Le 16 février 2024, l’exploitant de la centrale nucléaire de Paluel a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire un évènement significatif relatif à la radioprotection concernant le dépassement, pour un intervenant prestataire, du quart de la limite réglementaire de dose individuelle annuelle reçue sur la peau.
Le 14 février 2024, une équipe de deux intervenants réalisait une activité de décontamination de l’arbre d’un groupe moto-pompe primaire, située dans le bâtiment réacteur. Cette activité consistait à nettoyer l’arbre à l’aide de lingettes et de produits décontaminants. Pour cette intervention, les intervenants étaient équipés d’une sur-tenue respirante complète, d’une charlotte et de gants adaptés. Ces équipements étaient en adéquation avec les conditions d’intervention qui leur avaient été communiquées.
Lors du contrôle réalisé à la sortie du chantier, une contamination a été détectée au niveau d’un membre inférieur et de manière moins significative au niveau de l’avant-bras de l’un des intervenants. Il a alors été pris en charge successivement par le responsable de zone, l’assistant radioprotection du vestiaire chaud, puis par le service médical d’EDF. Après deux douches, les mesures réalisées ne relevaient plus aucune trace de contamination.
Pour les travailleurs susceptibles d’être exposés aux rayonnements ionisants lors de leur activité professionnelle, les limites réglementaires annuelles de doses sont, pour douze mois consécutifs, de 20 milliSieverts pour le corps entier et de 500 milliSieverts pour une surface de 1 cm² de peau.
La dose susceptible d’avoir été reçue par l’intervenant a été estimée inférieure à la limite annuelle de dose autorisée au niveau de la peau, mais supérieure au quart de la limite réglementaire annuelle d’exposition des travailleurs.
En raison du dépassement du quart de la limite réglementaire annuelle d’exposition pour un travailleur, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale de classement des événements nucléaires et radiologiques).
L’exploitant a engagé un contrôle de la zone de chantier et mis en place par prévention le port de tenues spécifiques pour poursuive l’activité de décontamination des groupes moto-pompes primaires. L’ASN sera vigilante quant à l’analyse des causes profondes de cet évènement et aux actions correctives mises en œuvre pour éviter leur renouvellement.
[1] Rayonnement ionisant : Processus de transmission d’énergie sous forme d’ondes électromagnétiques (photons gamma) ou de particules (alpha, bêta, neutrons) capable de produire directement ou indirectement des ions en traversant la matière. Les rayonnements ionisants sont produits par des sources radioactives. En traversant les tissus vivants, les ions provoquent des phénomènes biologiques pouvant entraîner des lésions dans les cellules de l’organisme. https://www.asn.fr/lexique/R/Rayonnement-ionisant
[2] Il existe différents types de rayonnements qui ont des impacts différents. Le rayonnement alpha, émis par un atome radioactif, est un faisceau de noyaux d’hélium composé de deux protons et deux neutrons. Le rayonnement béta, émis par un atome radioactif, est un faisceau d’électrons. Le rayonnement bêta cause plus de dégâts que le rayonnement alpha car il est chargé électriquement. Le rayonnement gamma est composé de photons de haute énergie. Ce rayonnement va pénétrer davantage dans l’organisme que les rayonnements alpha et bêta, mais il modifie moins les particules qu’il rencontre. https://www.irsn.fr/FR/connaissances/Sante/rayonnements-ionisants-effets-radioprotection-sante/effets-rayonnements-ionisants/Pages/2-differents-rayonnements-ionisants.aspx#.YugMGPc6-Uk
[3] La dose est la quantité d’énergie communiquée à un milieu par un rayonnement ionisant. La dose équivalente est le produit de la dose absorbée dans un tissu ou un organe par un facteur de pondération tenant compte de l’effet biologique lié à la nature et à l’énergie du rayonnement. Elle s’exprime en Sievert (Sv). C’est pourquoi il est fondamental de connaître, en plus de la zone du corps exposée, le type de rayonnement et la durée d’exposition pour estimer l’impact sanitaire de l’irradiation.
La dose efficace est la somme des doses équivalentes délivrées par exposition interne et externe aux différents tissus et organes du corps mentionnés dans l’arrêté du 1er septembre 2003 définissant les modalités de calcul des doses efficaces et des doses équivalentes résultant de l’exposition des personnes aux rayonnements ionisants prévu à l’article R. 4451-16. (Source : lexique ASN). La limite annuelle de cette dose efficace est fixée à 20 mSv pour les travailleurs et travailleuses du nucléaire par le code de la santé publique et le code du travail. Voir ici les différentes limites fixées pour les différents types de population (civils, travailleurs du nucléaire adultes, femmes enceintes, moins de 18 ans)
[4] Événements significatifs : incidents ou accidents présentant une importance particulière en matière, notamment, de conséquences réelles ou potentielles sur les travailleurs, le public, les patients ou l’environnement. https://www.asn.fr/Lexique/E/Evenement-significatif En dessous des évènements significatifs, il y a les évènements dits « intéressants », et encore en dessous les « signaux faibles ». Un évènement catégorisé « significatif » est donc déjà « en haut de l’échelle » d’importance des évènements
[5] INES : International nuclear and radiological event scale (Échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques) - Description et niveaux ici - https://www.asn.fr/Lexique/I/INES
[6] Il y a contamination externe lorsque des particules radioactives sont déposées sur la peau ou sur les vêtements sans avoir pénétré dans le corps. Elle est éliminée par déshabillage et par nettoyage à l’eau (douche) de la zone exposée.