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Ni prolongation, ni nouvelle installation, en 2019 le nucléaire c’est toujours non !

Article publié le 13 mars 2019



Le 27 novembre 2018, Emmanuel Macron a exposé les grandes orientations de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Loin d’être ambitieuses et pragmatiques, elles actent un retour en arrière, qui fait fi du risque nucléaire comme des réalités économiques. Entre la prolongation de nombreux réacteurs au-delà de leur durée de fonctionnement initialement prévue, l’appel à des projets de “nouveau nucléaire” et les tentatives de rachats de terre en catimini par EDF, la relance du nucléaire en France semble malheureusement aujourd’hui d’actualité.

En 2019, un sursaut est plus que jamais nécessaire pour empêcher ce funeste projet : nous lançons une nouvelle campagne, à laquelle vous serez pleinement associés. Le premier rendez-vous sur le terrain sera celui des évènements que nous organiserons ensemble partout en France entre le 11 mars et le 26 avril !



Une programmation de l’énergie qui enferme la France dans l’impasse nucléaire

Dans son discours d’annonce sur la PPE, Emmanuel Macron a été clair : “je n’ai pas été élu sur un programme de sortie du nucléaire mais sur une réduction dans le mix énergétique. J’aurais aimé le faire dès 2025. Nous maintenons le cap des 50% mais repoussons l’échéance à 2035. Pour cela, 14 réacteurs de 900 mégawatt seront arrêtés en 2035, dont les deux de Fessenheim qui le seront à l’été 2020. Deux réacteurs pourraient être arrêtés durant le prochain quinquennat, en 2025-2026, si la sécurité d’approvisionnement est assurée et si nos voisins européens accélèrent leur transition énergétique. Deux réacteurs seront arrêtés en 2027-2028, et quatre à six réacteurs seront fermés avant 2030, selon l’évolution des marchés de l’électricité et des systèmes électriques de nos voisins. Je fixe d’emblée à EDF une règle : aucune fermeture complète des sites. Réduire la part du nucléaire, ce n’est pas renoncer au nucléaire”. Et d’ajouter “Je demande à EDF de travailler à l’élaboration d’un programme de ’nouveau nucléaire’ en prenant des engagements fermes sur le prix, pour qu’ils soient plus compétitifs.”.

Après un discours recyclant de nombreux clichés sur les bienfaits supposés du nucléaire et appelant à développer massivement l’électrification, la fermeture de 14 réacteurs d’ici à 2035 a donc été annoncée. Mais celle-ci – à part celle de Fessenheim – étant repoussée après son quinquennat, ça ne l’engage en rien. C’est acter dix ans de retard sur les objectifs de la loi votée en 2015, qui n’était déjà pas très ambitieuse. Pire, en appelant un “nouveau nucléaire”, Macron va à l’encontre de toute véritable transition.

Tout laisse à penser que la politique du gouvernement vise une exportation massive d’électricitéà nos voisins européens : les experts de l’association NégaWatt estiment que les scénarios proposés reviendraient à des niveaux d’exportations trois à quatre fois plus élevés qu’actuellement !

Et la lutte contre le réchauffement climatique a bon dos pour justifier une relance de la filière. Alors qu’on le sait, pour sauver le climat, le nucléaire c’est trop tard, trop cher et trop risqué.

Une prolongation coûteuse au mépris des risques

Et le Président s’est bien gardé de mentionner ce qui se cachait derrière ces annonces de fermetures : la prolongation d’une vingtaine de réacteurs à 50 ans de fonctionnement et plus, qui viendra alourdir la facture. Le ministre de la Transition écologique et solidaire l’a lui-même redit dernièrement dans Le Parisien : "Les coûts de production de l’électricité augmentent car les centrales nucléaires sont vieillissantes et qu’on est obligés de faire des travaux".

Il s’agit d’un déni effrayant des problèmes de sûreté qui touchent le parc nucléaire français. Plus de deux tiers des réacteurs ont déjà dépassé la durée de fonctionnement de 30 ans initialement prévue. Or, certains équipements cruciaux pour la sûreté et particulièrement vulnérables au vieillissement – cuve et enceinte de confinement en particulier – ne peuvent être remplacés. Le "grand carénage" prévu pour allonger la durée de vie des centrales ne pourra jamais remédier à ces problèmes et ne sera qu’un rafistolage inutile.

Comme l’illustrent les problèmes répétés qui surviennent quotidiennement sur le parc nucléaire français, EDF n’est manifestement pas en mesure d’assurer une maintenance correcte de ses réacteurs [1]. Dans ces conditions, l’entreprise s’avèrera encore moins capable d’effectuer des travaux lourds et inédits en vue de leur prolongation.

À partir de 2019, une échéance importante pour les plus vieux réacteurs va arriver. L’exploitant d’une installation nucléaire doit en effet réaliser tous les dix ans un réexamen de la sûreté de son installation, à l’issue duquel l’Autorité de sûreté nucléaire prend position sur la poursuite du fonctionnement de l’installation. Ces réexamens débuteront par le réacteur 1 de la centrale nucléaire de Tricastin en juin 2019. C’est un moment crucial pour mettre en lumière les dangers de la prolongation.

EDF tente de racheter des terres en catimini

C’est dans ce contexte qu’EDF cherche, en toute discrétion, à acquérir pas moins de 30 000 hectares de réserve foncière situés autour de 17 sites nucléaires. Sans la vigilance des militants du Réseau “Sortir du nucléaire“, aucune information n’aurait filtré. Des terres agricoles, des zones inondables et d’anciens sites industriels sont concernés selon les endroits. L’exploitant ”souhaite appréhender le contexte foncier d’un ensemble de parcelles situées en périphérie deses Centres nationaux de production d’électricité (CNPE) ”, d’après un courrier de la SAFER [2] aux agriculteurs. Cette société est chargée d’aménager le territoire rural et a été missionnée pour les approcher. Les communes sont aussi dans le coup, au Bugey par exemple, les mairies de Saint-Vulbas et de Loyettes accueillent des réunions organisées par la SAFER.

Un flou est volontairement entretenu sur la destination des achats. D’après Alban Verbecke, le délégué régional d’EDF en Haute Normandie, "En fonction de ce que décidera le gouvernement, cela pourra concerner le nucléaire avec de nouvelles constructions, des carénages ou des démantèlements. Mais cela pourrait être aussi pour les énergies renouvelables.".

En clair, l’électricien souhaite sonder et contourner les oppositions en faisant le vide autour de ces installations pour d’éventuels futurs projets - ou en cas d’accident ?

Et des prix de rachat battant toute concurrence auraient même été proposés, allant jusqu’à cinq fois les prix du marché. Au Bugey on parle de 20 000 € l’hectare, soit 2 € du mètre carré, alors qu’en général, les prix tournent plutôt autour de 4 000 €/ha (0,40 €/m2). Ce dont se défend la SAFER, qui prétend ne réaliser pour le moment qu’une photographie des terrains agricoles situés à proximité des centrales. Quand on connaît l’implication de la SAFER dans la facilitation d’achat et d’échange de terre avec l’ANDRA pour le projet Cigéo, on peut grandement douter.

L’industrie nucléaire est aux abois : l’année 2019 sera cruciale

La France ne pourra pas "en même temps" développer les énergies renouvelables, maintenir en fonctionnement des centrales à bout de souffle et se lancer dans un "nouveau nucléaire", dont il est illusoire de croire qu’il sera peu coûteux. S’entêter dans cette voie, c’est faire peser sur les Français un risque démesuré et une facture écrasante. Face à la menace d’une relance de la filière, l’heure est plus que jamais à l’action !

Laura Hameaux

Sans attendre vous pouvez signer la pétition des collectifs concernés par le rachat de terre par EDF https://frama.link/12RTcznC


Notes

[1Voir à ce sujet les différents procès gagnés par les antinucléaires concernant les centrales de Fessenheim, Bugey, Cruas et ceux en cours pour les centrales de Tricastin, Golfech, Belleville, Chinon et Gravelines ainsi que la rubrique Des accidents nucléaires partout

[2SAFER : Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, elles sont régionales. Elles agissent pour un aménagement équilibré et durable des territoires ruraux et périurbains et à ce titre se donnent trois missions : dynamiser l’agriculture et les espaces forestiers, favoriser l’installation des jeunes, protéger l’environnement, les paysages et les ressources naturelles et accompagner le développement de l’économie locale.

Une programmation de l’énergie qui enferme la France dans l’impasse nucléaire

Dans son discours d’annonce sur la PPE, Emmanuel Macron a été clair : “je n’ai pas été élu sur un programme de sortie du nucléaire mais sur une réduction dans le mix énergétique. J’aurais aimé le faire dès 2025. Nous maintenons le cap des 50% mais repoussons l’échéance à 2035. Pour cela, 14 réacteurs de 900 mégawatt seront arrêtés en 2035, dont les deux de Fessenheim qui le seront à l’été 2020. Deux réacteurs pourraient être arrêtés durant le prochain quinquennat, en 2025-2026, si la sécurité d’approvisionnement est assurée et si nos voisins européens accélèrent leur transition énergétique. Deux réacteurs seront arrêtés en 2027-2028, et quatre à six réacteurs seront fermés avant 2030, selon l’évolution des marchés de l’électricité et des systèmes électriques de nos voisins. Je fixe d’emblée à EDF une règle : aucune fermeture complète des sites. Réduire la part du nucléaire, ce n’est pas renoncer au nucléaire”. Et d’ajouter “Je demande à EDF de travailler à l’élaboration d’un programme de ’nouveau nucléaire’ en prenant des engagements fermes sur le prix, pour qu’ils soient plus compétitifs.”.

Après un discours recyclant de nombreux clichés sur les bienfaits supposés du nucléaire et appelant à développer massivement l’électrification, la fermeture de 14 réacteurs d’ici à 2035 a donc été annoncée. Mais celle-ci – à part celle de Fessenheim – étant repoussée après son quinquennat, ça ne l’engage en rien. C’est acter dix ans de retard sur les objectifs de la loi votée en 2015, qui n’était déjà pas très ambitieuse. Pire, en appelant un “nouveau nucléaire”, Macron va à l’encontre de toute véritable transition.

Tout laisse à penser que la politique du gouvernement vise une exportation massive d’électricitéà nos voisins européens : les experts de l’association NégaWatt estiment que les scénarios proposés reviendraient à des niveaux d’exportations trois à quatre fois plus élevés qu’actuellement !

Et la lutte contre le réchauffement climatique a bon dos pour justifier une relance de la filière. Alors qu’on le sait, pour sauver le climat, le nucléaire c’est trop tard, trop cher et trop risqué.

Une prolongation coûteuse au mépris des risques

Et le Président s’est bien gardé de mentionner ce qui se cachait derrière ces annonces de fermetures : la prolongation d’une vingtaine de réacteurs à 50 ans de fonctionnement et plus, qui viendra alourdir la facture. Le ministre de la Transition écologique et solidaire l’a lui-même redit dernièrement dans Le Parisien : "Les coûts de production de l’électricité augmentent car les centrales nucléaires sont vieillissantes et qu’on est obligés de faire des travaux".

Il s’agit d’un déni effrayant des problèmes de sûreté qui touchent le parc nucléaire français. Plus de deux tiers des réacteurs ont déjà dépassé la durée de fonctionnement de 30 ans initialement prévue. Or, certains équipements cruciaux pour la sûreté et particulièrement vulnérables au vieillissement – cuve et enceinte de confinement en particulier – ne peuvent être remplacés. Le "grand carénage" prévu pour allonger la durée de vie des centrales ne pourra jamais remédier à ces problèmes et ne sera qu’un rafistolage inutile.

Comme l’illustrent les problèmes répétés qui surviennent quotidiennement sur le parc nucléaire français, EDF n’est manifestement pas en mesure d’assurer une maintenance correcte de ses réacteurs [1]. Dans ces conditions, l’entreprise s’avèrera encore moins capable d’effectuer des travaux lourds et inédits en vue de leur prolongation.

À partir de 2019, une échéance importante pour les plus vieux réacteurs va arriver. L’exploitant d’une installation nucléaire doit en effet réaliser tous les dix ans un réexamen de la sûreté de son installation, à l’issue duquel l’Autorité de sûreté nucléaire prend position sur la poursuite du fonctionnement de l’installation. Ces réexamens débuteront par le réacteur 1 de la centrale nucléaire de Tricastin en juin 2019. C’est un moment crucial pour mettre en lumière les dangers de la prolongation.

EDF tente de racheter des terres en catimini

C’est dans ce contexte qu’EDF cherche, en toute discrétion, à acquérir pas moins de 30 000 hectares de réserve foncière situés autour de 17 sites nucléaires. Sans la vigilance des militants du Réseau “Sortir du nucléaire“, aucune information n’aurait filtré. Des terres agricoles, des zones inondables et d’anciens sites industriels sont concernés selon les endroits. L’exploitant ”souhaite appréhender le contexte foncier d’un ensemble de parcelles situées en périphérie deses Centres nationaux de production d’électricité (CNPE) ”, d’après un courrier de la SAFER [2] aux agriculteurs. Cette société est chargée d’aménager le territoire rural et a été missionnée pour les approcher. Les communes sont aussi dans le coup, au Bugey par exemple, les mairies de Saint-Vulbas et de Loyettes accueillent des réunions organisées par la SAFER.

Un flou est volontairement entretenu sur la destination des achats. D’après Alban Verbecke, le délégué régional d’EDF en Haute Normandie, "En fonction de ce que décidera le gouvernement, cela pourra concerner le nucléaire avec de nouvelles constructions, des carénages ou des démantèlements. Mais cela pourrait être aussi pour les énergies renouvelables.".

En clair, l’électricien souhaite sonder et contourner les oppositions en faisant le vide autour de ces installations pour d’éventuels futurs projets - ou en cas d’accident ?

Et des prix de rachat battant toute concurrence auraient même été proposés, allant jusqu’à cinq fois les prix du marché. Au Bugey on parle de 20 000 € l’hectare, soit 2 € du mètre carré, alors qu’en général, les prix tournent plutôt autour de 4 000 €/ha (0,40 €/m2). Ce dont se défend la SAFER, qui prétend ne réaliser pour le moment qu’une photographie des terrains agricoles situés à proximité des centrales. Quand on connaît l’implication de la SAFER dans la facilitation d’achat et d’échange de terre avec l’ANDRA pour le projet Cigéo, on peut grandement douter.

L’industrie nucléaire est aux abois : l’année 2019 sera cruciale

La France ne pourra pas "en même temps" développer les énergies renouvelables, maintenir en fonctionnement des centrales à bout de souffle et se lancer dans un "nouveau nucléaire", dont il est illusoire de croire qu’il sera peu coûteux. S’entêter dans cette voie, c’est faire peser sur les Français un risque démesuré et une facture écrasante. Face à la menace d’une relance de la filière, l’heure est plus que jamais à l’action !

Laura Hameaux

Sans attendre vous pouvez signer la pétition des collectifs concernés par le rachat de terre par EDF https://frama.link/12RTcznC