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Plaidoyer

Lettre d’interpellation des députés

Article publié le 12 juin 2019



Ce mercredi 12 juin 2019, nous avons envoyé un courrier aux 577 députés de l’Assemblée nationale pour les interpeller sur la "petite loi énergie" qui repousserait de 10 ans l’échéance initialement prévue pour la réduction de la part du nucléaire à 50%.



À l’attention des membres de l’Assemblée Nationale

Lyon, le 12 juin 2019

Madame, Monsieur,

Le Réseau “Sortir du nucléaire“ fédère de nombreuses associations et plus de 60 000 personnes autour d’une demande de décision politique de sortie en urgence du nucléaire. Bien que notre pays soit le plus nucléarisé au monde par nombre d’habitants, plusieurs scénarios (ADEME, NégaWatt) ont démontré qu’une production d’électricité 100% renouvelable était possible. Face au changement climatique, le nucléaire est une fausse solution pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre.

À la fin du mois de juin, vous serez appelés à vous prononcer sur la Loi Énergie Climat, dite « Petite loi énergie ». Dans ce cadre, nous souhaitons porter à votre connaissance certains enjeux et en appelons à votre responsabilité.

Comme vous le savez, cette loi a principalement été motivée par l’objectif de « régulariser » la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE), qui fixerait à 2035 l’échéance pour atteindre les 50% de nucléaire dans le mix électrique. En effet, cette PPE est contraire aux objectifs fixés par la loi dite « Transition énergétique pour la croissance verte », qui fixe « l’horizon 2025 ».

Sur le principe, nous considérons que la méthode du gouvernement consistant à changer la loi pour repousser une échéance, sans même se soucier de concrétiser l’objectif visé, n’est pas acceptable. Procéder ainsi, ce n’est pas se montrer pragmatique, mais valider l’inaction. C’est aller à l’encontre non seulement des objectifs votés par les parlementaires à l’issue de longues discussions il y a à peine 5 ans, mais aussi des souhaits des citoyennes et citoyens. À l’occasion du débat public organisé l’an passé sur la PPE, ceux-ci s’étaient massivement prononcés contre ce report à 2035.

La trajectoire ainsi suggérée par l’article 1 de cette loi revient à prolonger le fonctionnement de 44 réacteurs jusqu’à 50, voire 60 ans. Et si 14 réacteurs sont censés être arrêtés d’ici 2035, une bonne partie d’entre eux également seraient censés fonctionner jusqu’à leur 5ème visite décennale ! Choisir cette orientation revient là encore à ignorer délibérément ce qu’avaient exprimé les 400 citoyennes et citoyens sollicités lors du débat public, qui s’étaient prononcés à 62% contre la prolongation de nombreux réacteurs au-delà de 50 ans.

Nous souhaitons attirer votre attention sur les conséquences de cette trajectoire, tant en termes de démocratie et de politique énergétique que de sûreté.

En effet, celle-ci n’est justifiée ni par des considérations de sécurité d’approvisionnement, ni de lutte contre le changement climatique. Nous attirons votre attention sur le fait que les scénarios produits par RTE (Ampère et surtout Volt) ayant abouti à présenter cette trajectoire comme « incontournable » tablent sur des objectifs démesurés d’exportation d’électricité (et ce, tandis que les déchets produits resteront en France). En renonçant à ces objectifs irréalistes et en accentuant l’effort sur les économies d’électricité, il aurait été tout à fait possible de conserver l’horizon initial – déjà peu ambitieux au regard de l’état de vieillissement du parc – et de commencer rapidement à fermer un grand nombre de réacteurs tout en remplissant nos objectifs climatiques. Au lieu de cela, le maintien en fonctionnement de 44 réacteurs, couplé au développement des énergies renouvelables et à la baisse des consommations, aboutirait à une situation de surproduction. La France serait ainsi conduite à exporter un quart de sa production à ses voisins européens, qui ne voudront sans doute pas acheter une électricité d’origine nucléaire au coût prohibitif.

Sur le plan de la sûreté, tabler sur la prolongation de la presque totalité du parc jusqu’à 50 ans et plus constitue un pari extrêmement dangereux, et revient à ignorer les mises en gardes – voire les prérogatives - de l’Autorité de sûreté nucléaire. Comme l’a récemment rappelé son président devant les membres de l’Office Parlementaire des Choix Scientifiques et Techniques, « personne ne peut présager aujourd’hui des conclusions du réexamen de sûreté  » concernant la poursuite du fonctionnement de chaque réacteur au-delà de 40 ans.

Nous souhaitons porter à votre connaissance certains éléments qui plaident pour ne pas laisser fonctionner les réacteurs au-delà de cette échéance fatidique :

En effet, les cuves des réacteurs, qui ne sont ni réparables ni remplaçables, ont été conçues pour une durée d’utilisation de 40 ans. Les porter au-delà reviendrait à rogner sur les marges de sûreté et accroître les risques de rupture brutale. La volonté de prolonger massivement le parc au-delà de 40 ans interroge d’autant plus au regard de l’existence de fissures sur certaines cuves (notamment au Tricastin). Des défauts ont également été recensés sur certaines tuyauteries difficilement remplaçables du circuit primaire. Dans une note récente, l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire considère qu’EDF n’a toujours pas apporté de démonstration convaincante de leur tenue au-delà de 40 ans, les calculs effectués excluant les pièces comportant le plus de défauts.

En outre, si certaines anomalies sont connues depuis la fabrication, d’autres n’ont été mis au jour que récemment... ou restent encore à découvrir ! Depuis 2016, la découverte d’un système massif de falsification de dossiers de fabrication à l’usine Creusot Forges jette le doute sur la connaissance réelle par EDF de l’état du parc nucléaire. Le dernier décompte effectué par EDF fait état de 2982 anomalies sur l’ensemble du parc. En outre, depuis novembre 2018, l’ASN a reçu pas moins de 22 signalements de lanceurs d’alertes concernant des fraudes. Alors que tout laisse supposer qu’un grand nombre de pièces ne présentent pas les caractéristiques initialement requises en termes de sûreté, envisager de prolonger leur durée de fonctionnement va à l’encontre de toute prudence.

Par ailleurs, indépendamment de la question de la conformité des pièces, nous sommes extrêmement inquiets des conditions dans lesquelles pourraient se dérouler les travaux destinés à prolonger la durée de fonctionnement des installations. Pointant un déficit de compétences, l’ASN elle-même exprime un « doute sérieux quant à la capacité d’EDF à effectuer de gros travaux ». De notre côté, nous sommes sensibles aux informations que nous transmettent régulièrement des travailleurs et travailleuses du nucléaire, notamment des sous-traitants, qui dénoncent des conditions de travail insoutenables et une véritable course à la rentabilité au détriment de la sûreté. Si EDF néglige déjà d’effectuer la maintenance préventive de certains équipements, comment compte-t-elle se lancer dans des travaux lourds et inédits ? Et avec quels moyens compte-t-elle financer ces travaux au coût sans doute exponentiel (45 milliards d’euros pour l’ensemble du parc selon EDF, 100 milliards selon la Cour des Comptes, voire 4 milliards par réacteur selon Greenpeace pour atteindre le plus haut niveau de sûreté existant) ?

Enfin, nous souhaitons vous exprimer notre vive inquiétude quant aux conditions dans lesquelles se dérouleront les 4ème visites décennales. En effet, s’en remettre à l’avis de l’ASN ne constituera pas une garantie suffisante, sachant que le calendrier des réexamens de sûreté, taillé sur mesure pour les besoins d’EDF, dessine d’ores et déjà une prolongation de fait accompli [1].

  • Tout d’abord, en raison d’un décalage, les réacteurs aborderont leur 4ème visite décennale alors qu’ils auront quasiment tous déjà dépassé l’échéance des 40 ans (42,7 ans en moyenne). Suite à cette visite, ils seront autorisés à redémarrer et à fonctionner en attente de la publication de l’avis de l’ASN définissant pour chacun d’entre eux les conditions nécessaires pour la poursuite de leur fonctionnement (ils auront alors en moyenne 44 ans). Et surtout, EDF a pu obtenir que les travaux censés être réalisés suite au 4ème réexamen de sûreté soient fractionnés en deux lots, le deuxième commençant alors que les réacteurs auront en moyenne déjà… 47 ans, voire déjà 50 ans pour certains !
  • Comme le suggère ce calendrier, la prolongation au-delà de 40 ans aura donc déjà lieu de fait, quelle que soit l’état réel des installations. En outre, il existe une probabilité importante qu’EDF obtienne une autorisation de poursuite de fonctionnement en échange d’une promesse de travaux dans la dernière période, travaux qui pourraient être sans cesse ajournés et finalement non réalisés. Il y aurait donc un risque très important de relâchement et de dégradation de la sûreté.
  • Ces risques sont d’autant plus importants qu’il n’existe pas, à l’heure actuelle, de dispositif qui permette à l’ASN de contrôler l’avancement en temps réel des travaux auxquels s’engage EDF, ni de sanctions en cas de non-respect. Une telle situation permet à EDF de placer l’ASN devant le fait accompli, comme cela fut le cas récemment pour la mise en place de certaines exigences de sûreté post-Fukushima. En juin 2012, l’ASN avait ordonné à EDF d’installer des diesels d’ultime secours sur toutes ses centrales. Or celle-ci a attendu mi-2017 pour avertir qu’elle ne tiendrait pas le délai, et demandé carrément à en être dispensée pour la centrale de Fessenheim, qui en avait pourtant d’autant plus besoin au vu de sa situation en zone sismique, et ce même après sa fermeture !

Au vu de ces éléments, nous en appelons donc à votre responsabilité personnelle pour éviter que cette loi acte une dangereuse prolongation du parc nucléaire français, et pour mettre un terme à une situation de fait accompli qui menace notre sûreté.

Nous vous adressons donc les demandes suivantes, déjà exprimées dans une pétition adressée au gouvernement français signée par plus de 26 000 personnes :

  • Ne pas voter le report à 2035 de l’échéance de réduction à 50% de la part du nucléaire, mais maintenir a minima cet horizon à 2025, tel que le prescrivait la loi.
  • Intégrer dans cette loi le principe d’une fermeture au plus tard à 40 ans de fonctionnement des réacteurs et installations nucléaires
  • Faire preuve de courage et d’ambition, en inscrivant dans cette loi une planification de la fermeture en urgence de l’ensemble du parc nucléaire français.
  • Au vu de l’inertie engendrée par le système actuel et de l’absence de moyens à disposition du politique, l’inscription dans la loi de la possibilité pour un gouvernement et pour le Parlement de décider de la fermeture de réacteurs pour raison de politique énergétique. Une telle disposition est indispensable pour mettre en cohérence la politique énergétique de notre pays avec les droits fondamentaux. Il s’agit en l’occurrence de faire passer la protection des populations, et plus généralement de l’environnement, avant les intérêts à court terme des exploitants.
  • Enfin, au vu de l’accumulation des déchets radioactifs générée par la poursuite du nucléaire, des réserves exprimées par les autorités sur le projet Cigéo et des controverses légitimes autour du projet d’EDF de piscine centralisée d’entreposage de combustible usé, la remise à plat de la politique de gestion des déchets et dans cette attente, l’arrêt de tous les projets de stockage et d’entreposage.

Nous espérons que vous prêterez attention à nos préoccupations, et nous tenons à votre disposition pour vous fournir des informations supplémentaires si vous le désirez.

Veuillez recevoir, Mesdames, Messieurs, nos salutations respectueuses.

Le Conseil d’Administration du Réseau “Sortir du nucléaire“


Notes

[1Voir à ce sujet le calendrier établi par la CRIIRAD sur la base des informations disponibles

À l’attention des membres de l’Assemblée Nationale

Lyon, le 12 juin 2019

Madame, Monsieur,

Le Réseau “Sortir du nucléaire“ fédère de nombreuses associations et plus de 60 000 personnes autour d’une demande de décision politique de sortie en urgence du nucléaire. Bien que notre pays soit le plus nucléarisé au monde par nombre d’habitants, plusieurs scénarios (ADEME, NégaWatt) ont démontré qu’une production d’électricité 100% renouvelable était possible. Face au changement climatique, le nucléaire est une fausse solution pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre.

À la fin du mois de juin, vous serez appelés à vous prononcer sur la Loi Énergie Climat, dite « Petite loi énergie ». Dans ce cadre, nous souhaitons porter à votre connaissance certains enjeux et en appelons à votre responsabilité.

Comme vous le savez, cette loi a principalement été motivée par l’objectif de « régulariser » la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE), qui fixerait à 2035 l’échéance pour atteindre les 50% de nucléaire dans le mix électrique. En effet, cette PPE est contraire aux objectifs fixés par la loi dite « Transition énergétique pour la croissance verte », qui fixe « l’horizon 2025 ».

Sur le principe, nous considérons que la méthode du gouvernement consistant à changer la loi pour repousser une échéance, sans même se soucier de concrétiser l’objectif visé, n’est pas acceptable. Procéder ainsi, ce n’est pas se montrer pragmatique, mais valider l’inaction. C’est aller à l’encontre non seulement des objectifs votés par les parlementaires à l’issue de longues discussions il y a à peine 5 ans, mais aussi des souhaits des citoyennes et citoyens. À l’occasion du débat public organisé l’an passé sur la PPE, ceux-ci s’étaient massivement prononcés contre ce report à 2035.

La trajectoire ainsi suggérée par l’article 1 de cette loi revient à prolonger le fonctionnement de 44 réacteurs jusqu’à 50, voire 60 ans. Et si 14 réacteurs sont censés être arrêtés d’ici 2035, une bonne partie d’entre eux également seraient censés fonctionner jusqu’à leur 5ème visite décennale ! Choisir cette orientation revient là encore à ignorer délibérément ce qu’avaient exprimé les 400 citoyennes et citoyens sollicités lors du débat public, qui s’étaient prononcés à 62% contre la prolongation de nombreux réacteurs au-delà de 50 ans.

Nous souhaitons attirer votre attention sur les conséquences de cette trajectoire, tant en termes de démocratie et de politique énergétique que de sûreté.

En effet, celle-ci n’est justifiée ni par des considérations de sécurité d’approvisionnement, ni de lutte contre le changement climatique. Nous attirons votre attention sur le fait que les scénarios produits par RTE (Ampère et surtout Volt) ayant abouti à présenter cette trajectoire comme « incontournable » tablent sur des objectifs démesurés d’exportation d’électricité (et ce, tandis que les déchets produits resteront en France). En renonçant à ces objectifs irréalistes et en accentuant l’effort sur les économies d’électricité, il aurait été tout à fait possible de conserver l’horizon initial – déjà peu ambitieux au regard de l’état de vieillissement du parc – et de commencer rapidement à fermer un grand nombre de réacteurs tout en remplissant nos objectifs climatiques. Au lieu de cela, le maintien en fonctionnement de 44 réacteurs, couplé au développement des énergies renouvelables et à la baisse des consommations, aboutirait à une situation de surproduction. La France serait ainsi conduite à exporter un quart de sa production à ses voisins européens, qui ne voudront sans doute pas acheter une électricité d’origine nucléaire au coût prohibitif.

Sur le plan de la sûreté, tabler sur la prolongation de la presque totalité du parc jusqu’à 50 ans et plus constitue un pari extrêmement dangereux, et revient à ignorer les mises en gardes – voire les prérogatives - de l’Autorité de sûreté nucléaire. Comme l’a récemment rappelé son président devant les membres de l’Office Parlementaire des Choix Scientifiques et Techniques, « personne ne peut présager aujourd’hui des conclusions du réexamen de sûreté  » concernant la poursuite du fonctionnement de chaque réacteur au-delà de 40 ans.

Nous souhaitons porter à votre connaissance certains éléments qui plaident pour ne pas laisser fonctionner les réacteurs au-delà de cette échéance fatidique :

En effet, les cuves des réacteurs, qui ne sont ni réparables ni remplaçables, ont été conçues pour une durée d’utilisation de 40 ans. Les porter au-delà reviendrait à rogner sur les marges de sûreté et accroître les risques de rupture brutale. La volonté de prolonger massivement le parc au-delà de 40 ans interroge d’autant plus au regard de l’existence de fissures sur certaines cuves (notamment au Tricastin). Des défauts ont également été recensés sur certaines tuyauteries difficilement remplaçables du circuit primaire. Dans une note récente, l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire considère qu’EDF n’a toujours pas apporté de démonstration convaincante de leur tenue au-delà de 40 ans, les calculs effectués excluant les pièces comportant le plus de défauts.

En outre, si certaines anomalies sont connues depuis la fabrication, d’autres n’ont été mis au jour que récemment... ou restent encore à découvrir ! Depuis 2016, la découverte d’un système massif de falsification de dossiers de fabrication à l’usine Creusot Forges jette le doute sur la connaissance réelle par EDF de l’état du parc nucléaire. Le dernier décompte effectué par EDF fait état de 2982 anomalies sur l’ensemble du parc. En outre, depuis novembre 2018, l’ASN a reçu pas moins de 22 signalements de lanceurs d’alertes concernant des fraudes. Alors que tout laisse supposer qu’un grand nombre de pièces ne présentent pas les caractéristiques initialement requises en termes de sûreté, envisager de prolonger leur durée de fonctionnement va à l’encontre de toute prudence.

Par ailleurs, indépendamment de la question de la conformité des pièces, nous sommes extrêmement inquiets des conditions dans lesquelles pourraient se dérouler les travaux destinés à prolonger la durée de fonctionnement des installations. Pointant un déficit de compétences, l’ASN elle-même exprime un « doute sérieux quant à la capacité d’EDF à effectuer de gros travaux ». De notre côté, nous sommes sensibles aux informations que nous transmettent régulièrement des travailleurs et travailleuses du nucléaire, notamment des sous-traitants, qui dénoncent des conditions de travail insoutenables et une véritable course à la rentabilité au détriment de la sûreté. Si EDF néglige déjà d’effectuer la maintenance préventive de certains équipements, comment compte-t-elle se lancer dans des travaux lourds et inédits ? Et avec quels moyens compte-t-elle financer ces travaux au coût sans doute exponentiel (45 milliards d’euros pour l’ensemble du parc selon EDF, 100 milliards selon la Cour des Comptes, voire 4 milliards par réacteur selon Greenpeace pour atteindre le plus haut niveau de sûreté existant) ?

Enfin, nous souhaitons vous exprimer notre vive inquiétude quant aux conditions dans lesquelles se dérouleront les 4ème visites décennales. En effet, s’en remettre à l’avis de l’ASN ne constituera pas une garantie suffisante, sachant que le calendrier des réexamens de sûreté, taillé sur mesure pour les besoins d’EDF, dessine d’ores et déjà une prolongation de fait accompli [1].

  • Tout d’abord, en raison d’un décalage, les réacteurs aborderont leur 4ème visite décennale alors qu’ils auront quasiment tous déjà dépassé l’échéance des 40 ans (42,7 ans en moyenne). Suite à cette visite, ils seront autorisés à redémarrer et à fonctionner en attente de la publication de l’avis de l’ASN définissant pour chacun d’entre eux les conditions nécessaires pour la poursuite de leur fonctionnement (ils auront alors en moyenne 44 ans). Et surtout, EDF a pu obtenir que les travaux censés être réalisés suite au 4ème réexamen de sûreté soient fractionnés en deux lots, le deuxième commençant alors que les réacteurs auront en moyenne déjà… 47 ans, voire déjà 50 ans pour certains !
  • Comme le suggère ce calendrier, la prolongation au-delà de 40 ans aura donc déjà lieu de fait, quelle que soit l’état réel des installations. En outre, il existe une probabilité importante qu’EDF obtienne une autorisation de poursuite de fonctionnement en échange d’une promesse de travaux dans la dernière période, travaux qui pourraient être sans cesse ajournés et finalement non réalisés. Il y aurait donc un risque très important de relâchement et de dégradation de la sûreté.
  • Ces risques sont d’autant plus importants qu’il n’existe pas, à l’heure actuelle, de dispositif qui permette à l’ASN de contrôler l’avancement en temps réel des travaux auxquels s’engage EDF, ni de sanctions en cas de non-respect. Une telle situation permet à EDF de placer l’ASN devant le fait accompli, comme cela fut le cas récemment pour la mise en place de certaines exigences de sûreté post-Fukushima. En juin 2012, l’ASN avait ordonné à EDF d’installer des diesels d’ultime secours sur toutes ses centrales. Or celle-ci a attendu mi-2017 pour avertir qu’elle ne tiendrait pas le délai, et demandé carrément à en être dispensée pour la centrale de Fessenheim, qui en avait pourtant d’autant plus besoin au vu de sa situation en zone sismique, et ce même après sa fermeture !

Au vu de ces éléments, nous en appelons donc à votre responsabilité personnelle pour éviter que cette loi acte une dangereuse prolongation du parc nucléaire français, et pour mettre un terme à une situation de fait accompli qui menace notre sûreté.

Nous vous adressons donc les demandes suivantes, déjà exprimées dans une pétition adressée au gouvernement français signée par plus de 26 000 personnes :

  • Ne pas voter le report à 2035 de l’échéance de réduction à 50% de la part du nucléaire, mais maintenir a minima cet horizon à 2025, tel que le prescrivait la loi.
  • Intégrer dans cette loi le principe d’une fermeture au plus tard à 40 ans de fonctionnement des réacteurs et installations nucléaires
  • Faire preuve de courage et d’ambition, en inscrivant dans cette loi une planification de la fermeture en urgence de l’ensemble du parc nucléaire français.
  • Au vu de l’inertie engendrée par le système actuel et de l’absence de moyens à disposition du politique, l’inscription dans la loi de la possibilité pour un gouvernement et pour le Parlement de décider de la fermeture de réacteurs pour raison de politique énergétique. Une telle disposition est indispensable pour mettre en cohérence la politique énergétique de notre pays avec les droits fondamentaux. Il s’agit en l’occurrence de faire passer la protection des populations, et plus généralement de l’environnement, avant les intérêts à court terme des exploitants.
  • Enfin, au vu de l’accumulation des déchets radioactifs générée par la poursuite du nucléaire, des réserves exprimées par les autorités sur le projet Cigéo et des controverses légitimes autour du projet d’EDF de piscine centralisée d’entreposage de combustible usé, la remise à plat de la politique de gestion des déchets et dans cette attente, l’arrêt de tous les projets de stockage et d’entreposage.

Nous espérons que vous prêterez attention à nos préoccupations, et nous tenons à votre disposition pour vous fournir des informations supplémentaires si vous le désirez.

Veuillez recevoir, Mesdames, Messieurs, nos salutations respectueuses.

Le Conseil d’Administration du Réseau “Sortir du nucléaire“




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