Faire un don

Sortir du nucléaire n°85



printemps 2020

Changer : Transition citoyenne

Municipalités à l’appui de la transition énergétique citoyenne

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°85 - printemps 2020

 Alternatives et sortie du nucléaire  Energies renouvelables  Maîtrise de l’énergie  Organisations antinucléaires étrangères


La campagne municipale en France a vu fleurir les initiatives pour inciter les maires et les candidats à s’engager en faveur de la transition énergétique, dont celle du Réseau “Sortir du nucléaire“. Il nous semblait nécessaire d’aller voir ce qui se fait ailleurs en Europe en matière de soutien aux dynamiques citoyennes d’énergie renouvelables par les municipalités.



© Adobe Stock

Les villes sont des laboratoires pour intensifier l’adoption des services et des infrastructures d’énergie renouvelables et la mise en œuvre de programmes d’efficacité énergétique. Elles peuvent, et doivent, également jouer un rôle dans l’évolution des dynamiques de pouvoir sur le marché de l’énergie. Au cours des dernières décennies, les gouvernements locaux ont fait émerger de nouveaux modèles économiques, faisant évoluer la gouvernance des systèmes énergétiques, en encourageant la participation plus directe.

Quel intérêt à agir pour les municipalités ?

En 2016, deux études distinctes portant sur l’énergie éolienne ont conclu que les projets communautaires contribuaient environ huit fois plus au développement local que ceux mis en œuvre par des entreprises traditionnelles. L’une des deux études portant sur des projets menés dans trois groupes d’îles écossaises, a révélé que les possibilités de régénération économique locale étaient plus grandes, car leurs revenus réinvestis dans des infrastructures contribuant à la cohésion sociale et à l’acceptation des énergies renouvelables. Quelques mois plus tard, une étude menée par l’Institut Allemand des Technologies Décentralisées a également conclu que les projets communautaires produisaient entre 8 et 10 fois plus de valeur ajoutée locale que ceux réalisés par des promoteurs externes. Les revenus tirés du projet sont le plus souvent réinvestis dans des mesures visant à aider les consommateurs vulnérables à devenir plus actifs dans la gestion de leur consommation. Quelques exemples européens :

  • Une coopérative d’investissement à Mouscron en Belgique

La ville de Mouscron, en Belgique, a lancé en 2017 la coopérative énergétique “Coopem“. La ville détient 15 % des actions de la coopérative, 55 % appartenant aux habitant·es de Mouscron et les 30 % restants à une entreprise coopérative d’investissement vert.

La Coopem aide les foyers à installer des panneaux solaires photovoltaïques en avançant le versement de subventions solaires régionales, habituellement accordées sur une période de cinq ans. Elle gère l’ensemble du processus technique et administratif, participe à l’achat en commun d’équipements auprès de fournisseurs locaux et suit et valide le processus d’installation. La Coopem propose également aux entreprises locales, un plan de leasing pour l’installation de panneaux solaires photovoltaïques et finance 90 % des investissements initiaux, remboursés sur une période de dix ans.

Les habitant·es et les entreprises bénéficiaires ont pu obtenir un accès financier et technique plus facile aux investissements dans l’énergie solaire et réduire considérablement leur facture énergétique. Cela s’est traduit par une réduction des émissions de CO2, contribuant à l’atteinte des objectifs climat de la ville, tout en stimulant l’emploi et l’activité économique locale. Enfin, l’initiative a permis à la ville d’expérimenter de nouveaux partenariats, cadres et règlementations et de fournir un modèle économique équitable et rentable.

Energy Cities est un réseau de plus de 1 000 villes de 30 pays différents. Energy Cities souhaite une transformation radicale des systèmes et des politiques énergétiques, en donnant aux citoyen·ne·s les moyens de concevoir un futur énergétique décentralisé et renouvelable. Nous encourageons un dialogue basé sur une confiance mutuelle entre les citoyen·ne·s, les leaders locaux et les institutions nationales et européennes pour accélérer la transition énergétique en Europe.

  • Le vent qui souffle près du port profite directement à la ville de Copenhague au Danemark et à ses habitant·es

Le parc éolien de Middelgrunden au Danemark est un exemple de réussite d’un projet énergétique détenu en copropriété par une ville et des citoyen·nes. L’histoire remonte à la fin des années 90, lorsqu’une coopérative énergétique engage des discussions avec la municipalité de Copenhague pour la construction de 20 éoliennes (2 MW chacune) à quelques kilomètres au large du port.

Au cours de la phase d’essai et de construction du parc éolien, les coûts et les revenus des premières turbines en exploitation ont été répartis équitablement entre le service public local et la coopérative. Après l’achèvement du programme en 2000, les copropriétaires ont fonctionné en entités distinctes, les 8 500 membres de la coopérative détenant et gérant 10 turbines et les services publics locaux les 10 autres.

La coopérative fonctionne selon un modèle de gouvernance démocratique, chaque membre disposant d’une voix, indépendamment du nombre d’actions possédées.

La coopération entre les deux parties s’est avérée être un partenariat gagnant-gagnant. Le service public local fournissant une expertise technique et juridique et l’implication de la coopérative suscitant l’enthousiasme et l’engagement de la communauté.

© Adobe Stock
  • Les 30 centrales énergétiques citoyennes à Vienne en Autriche

En 2012, la Stadtwerke WienEnergy a commencé à vendre des modules solaires photovoltaïques aux citoyen·nes. L’intérêt a été immédiat. Les panneaux ont été réservés en une semaine voire, pour la troisième opération du genre, en 24h !

En voici le modèle : les citoyen·nes achètent les panneaux des centrales électriques construites et exploitées par WienEnergy et les relouent ensuite au service public. WienEnergy leur verse une rémunération annuelle sous forme de virement bancaire, ou par le biais de bons de d’achat, auprès d’une chaîne de supermarchés partenaire, ou de bons de réductions sur l’électricité ou le gaz. Les intérêts annuels ont varié de 1,75 % à 3,1 % pour un contrat d’une durée de cinq ans. Quand les panneaux solaires arrivent en fin de vie (environ 25 ans plus tard), WienEnergy les rachète aux citoyen·nes pour la totalité du montant investi. En 2017, 30 centrales ont été installées sur ce modèle, d’une capacité totale de 19 MW, et 35000 euros ont été investis par les 10 000 citoyen·nes participant·es. Les panneaux ont été installés dans des gares, des centres commerciaux, des écoles publiques, des cimetières, des cités de logements sociaux, etc.

Cette solution a permis aux citoyennes et citoyens viennois, dont la majorité vit dans des logements avec des schémas de propriété parfois complexes ou ne possédant pas de toit adéquat, d’investir et de bénéficier de l’énergie solaire.

Ces exemples sont extraits du guide “Comment soutenir les communautés et initiatives citoyennes d’énergie renouvelable, Guide pour les décideurs locaux et régionaux“ édité par Energie cities. Si ces exemples ne sont pas forcément applicables tels quels en France, ils montrent qu’il est possible pour les municipalités de jouer un rôle dans le déploiement des projets d’énergie renouvelables citoyennes...

Anne-Lise Devaux


Comment les villes peuvent-elles soutenir les communautés d’énergie renouvelable ?

En tant que responsable de la réglementation et des politiques

  • Inclure des objectifs de propriété collective dans leurs stratégies énergie-climat
  • Demander aux développeurs d’ouvrir les projets à la participation citoyenne
  • Développer des partenariats urbain-rural
  • Orienter l’aménagement et l’urbanisme vers l’énergie communautaire
  • S’appuyer sur le community-planning et l’engagement
  • Favoriser l’achat groupé d’énergie et réorienter la commande publique
  • Établir un partenariat avec les institutions européennes et nationales

En tant que partenaire ou facilitateur de projet

  • Créer ou mandater un organisme dédié
  • Cartographier le potentiel et rapprocher les personnes
  • Ouvrir l’accès aux sites et infrastructures publics
  • Assurer le financement et la collecte de fonds

En tant qu’opérateur d’infrastructure

  • Offrir une participation dans l’entreprise locale de service énergétique
  • Ouvrir le capital des projets énergétiques municipaux
  • Efforts communs pour les campagnes de remunicipalisation
© Adobe Stock

Les villes sont des laboratoires pour intensifier l’adoption des services et des infrastructures d’énergie renouvelables et la mise en œuvre de programmes d’efficacité énergétique. Elles peuvent, et doivent, également jouer un rôle dans l’évolution des dynamiques de pouvoir sur le marché de l’énergie. Au cours des dernières décennies, les gouvernements locaux ont fait émerger de nouveaux modèles économiques, faisant évoluer la gouvernance des systèmes énergétiques, en encourageant la participation plus directe.

Quel intérêt à agir pour les municipalités ?

En 2016, deux études distinctes portant sur l’énergie éolienne ont conclu que les projets communautaires contribuaient environ huit fois plus au développement local que ceux mis en œuvre par des entreprises traditionnelles. L’une des deux études portant sur des projets menés dans trois groupes d’îles écossaises, a révélé que les possibilités de régénération économique locale étaient plus grandes, car leurs revenus réinvestis dans des infrastructures contribuant à la cohésion sociale et à l’acceptation des énergies renouvelables. Quelques mois plus tard, une étude menée par l’Institut Allemand des Technologies Décentralisées a également conclu que les projets communautaires produisaient entre 8 et 10 fois plus de valeur ajoutée locale que ceux réalisés par des promoteurs externes. Les revenus tirés du projet sont le plus souvent réinvestis dans des mesures visant à aider les consommateurs vulnérables à devenir plus actifs dans la gestion de leur consommation. Quelques exemples européens :

  • Une coopérative d’investissement à Mouscron en Belgique

La ville de Mouscron, en Belgique, a lancé en 2017 la coopérative énergétique “Coopem“. La ville détient 15 % des actions de la coopérative, 55 % appartenant aux habitant·es de Mouscron et les 30 % restants à une entreprise coopérative d’investissement vert.

La Coopem aide les foyers à installer des panneaux solaires photovoltaïques en avançant le versement de subventions solaires régionales, habituellement accordées sur une période de cinq ans. Elle gère l’ensemble du processus technique et administratif, participe à l’achat en commun d’équipements auprès de fournisseurs locaux et suit et valide le processus d’installation. La Coopem propose également aux entreprises locales, un plan de leasing pour l’installation de panneaux solaires photovoltaïques et finance 90 % des investissements initiaux, remboursés sur une période de dix ans.

Les habitant·es et les entreprises bénéficiaires ont pu obtenir un accès financier et technique plus facile aux investissements dans l’énergie solaire et réduire considérablement leur facture énergétique. Cela s’est traduit par une réduction des émissions de CO2, contribuant à l’atteinte des objectifs climat de la ville, tout en stimulant l’emploi et l’activité économique locale. Enfin, l’initiative a permis à la ville d’expérimenter de nouveaux partenariats, cadres et règlementations et de fournir un modèle économique équitable et rentable.

Energy Cities est un réseau de plus de 1 000 villes de 30 pays différents. Energy Cities souhaite une transformation radicale des systèmes et des politiques énergétiques, en donnant aux citoyen·ne·s les moyens de concevoir un futur énergétique décentralisé et renouvelable. Nous encourageons un dialogue basé sur une confiance mutuelle entre les citoyen·ne·s, les leaders locaux et les institutions nationales et européennes pour accélérer la transition énergétique en Europe.

  • Le vent qui souffle près du port profite directement à la ville de Copenhague au Danemark et à ses habitant·es

Le parc éolien de Middelgrunden au Danemark est un exemple de réussite d’un projet énergétique détenu en copropriété par une ville et des citoyen·nes. L’histoire remonte à la fin des années 90, lorsqu’une coopérative énergétique engage des discussions avec la municipalité de Copenhague pour la construction de 20 éoliennes (2 MW chacune) à quelques kilomètres au large du port.

Au cours de la phase d’essai et de construction du parc éolien, les coûts et les revenus des premières turbines en exploitation ont été répartis équitablement entre le service public local et la coopérative. Après l’achèvement du programme en 2000, les copropriétaires ont fonctionné en entités distinctes, les 8 500 membres de la coopérative détenant et gérant 10 turbines et les services publics locaux les 10 autres.

La coopérative fonctionne selon un modèle de gouvernance démocratique, chaque membre disposant d’une voix, indépendamment du nombre d’actions possédées.

La coopération entre les deux parties s’est avérée être un partenariat gagnant-gagnant. Le service public local fournissant une expertise technique et juridique et l’implication de la coopérative suscitant l’enthousiasme et l’engagement de la communauté.

© Adobe Stock
  • Les 30 centrales énergétiques citoyennes à Vienne en Autriche

En 2012, la Stadtwerke WienEnergy a commencé à vendre des modules solaires photovoltaïques aux citoyen·nes. L’intérêt a été immédiat. Les panneaux ont été réservés en une semaine voire, pour la troisième opération du genre, en 24h !

En voici le modèle : les citoyen·nes achètent les panneaux des centrales électriques construites et exploitées par WienEnergy et les relouent ensuite au service public. WienEnergy leur verse une rémunération annuelle sous forme de virement bancaire, ou par le biais de bons de d’achat, auprès d’une chaîne de supermarchés partenaire, ou de bons de réductions sur l’électricité ou le gaz. Les intérêts annuels ont varié de 1,75 % à 3,1 % pour un contrat d’une durée de cinq ans. Quand les panneaux solaires arrivent en fin de vie (environ 25 ans plus tard), WienEnergy les rachète aux citoyen·nes pour la totalité du montant investi. En 2017, 30 centrales ont été installées sur ce modèle, d’une capacité totale de 19 MW, et 35000 euros ont été investis par les 10 000 citoyen·nes participant·es. Les panneaux ont été installés dans des gares, des centres commerciaux, des écoles publiques, des cimetières, des cités de logements sociaux, etc.

Cette solution a permis aux citoyennes et citoyens viennois, dont la majorité vit dans des logements avec des schémas de propriété parfois complexes ou ne possédant pas de toit adéquat, d’investir et de bénéficier de l’énergie solaire.

Ces exemples sont extraits du guide “Comment soutenir les communautés et initiatives citoyennes d’énergie renouvelable, Guide pour les décideurs locaux et régionaux“ édité par Energie cities. Si ces exemples ne sont pas forcément applicables tels quels en France, ils montrent qu’il est possible pour les municipalités de jouer un rôle dans le déploiement des projets d’énergie renouvelables citoyennes...

Anne-Lise Devaux


Comment les villes peuvent-elles soutenir les communautés d’énergie renouvelable ?

En tant que responsable de la réglementation et des politiques

  • Inclure des objectifs de propriété collective dans leurs stratégies énergie-climat
  • Demander aux développeurs d’ouvrir les projets à la participation citoyenne
  • Développer des partenariats urbain-rural
  • Orienter l’aménagement et l’urbanisme vers l’énergie communautaire
  • S’appuyer sur le community-planning et l’engagement
  • Favoriser l’achat groupé d’énergie et réorienter la commande publique
  • Établir un partenariat avec les institutions européennes et nationales

En tant que partenaire ou facilitateur de projet

  • Créer ou mandater un organisme dédié
  • Cartographier le potentiel et rapprocher les personnes
  • Ouvrir l’accès aux sites et infrastructures publics
  • Assurer le financement et la collecte de fonds

En tant qu’opérateur d’infrastructure

  • Offrir une participation dans l’entreprise locale de service énergétique
  • Ouvrir le capital des projets énergétiques municipaux
  • Efforts communs pour les campagnes de remunicipalisation


Soyez au coeur de l'information !

Tous les 3 mois, retrouvez 36 pages (en couleur) de brèves, interviews, articles, BD, alternatives concrètes, actions originales, luttes antinucléaires à l’étranger, décryptages, etc.

Je m'abonne à la revue du Réseau