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Nouveaux réacteurs : ni ici, ni ailleurs !

STOP aux projets d’Emmanuel Macron de construction de nouveaux réacteurs nucléaires !


Lettre du Réseau "Sortir du nucléaire" et de Greenpeace France aux membres de la Commission Particulière du Débat Public




À l’attention des membres de la CPDP en charge de l’organisation du débat public "Nouveaux réacteurs nucléaires et projet Penly"

Mesdames, Messieurs,

Suite aux premières séances du débat public sur les projets de nouveaux réacteurs nucléaires à Penly et ailleurs, nos organisations souhaitent revenir vers vous pour vous faire part de nos constats.

Relevant la prise de conscience de la CPDP quant à la spécificité des débats sur le nucléaire, et prenant note de votre intention de questionner pleinement l’opportunité du projet tout en refusant d’entretenir le mythe d’un débat "décisionnel", nous avons fait le choix - qui pour certaines de nos organisations n’allait pas de soi - de participer à cette procédure. Nous étions tout à fait conscients des limites de l’exercice, qui ont déjà mené certains d’entre nous à boycotter de précédentes consultations et ont d’ailleurs encore été soulignées par plusieurs composantes du mouvement antinucléaire récemment. Nous nous interrogions fortement sur la portée de ce débat, dans un contexte où le gouvernement affirme clairement sa volonté d’un développement à "marche forcée" du nucléaire et où une délégation interministérielle au nouveau nucléaire a déjà été nommée. Mais au regard même de ce contexte, il nous a paru pertinent d’appuyer une démarche qui permettait de questionner ouvertement la pertinence de ce programme.

Toutefois, les conditions dans lesquelles se sont déroulées les premières séances n’ont fait que confirmer nos craintes.

Ce débat porte sur un sujet d’envergure nationale. Le choix d’une politique énergétique est un choix sociétal pour le siècle à venir, avec plusieurs voies possibles identifiées, dont la plupart sont largement ignorées. La voie privilégiée dans ce débat par le porteur de projet engagerait lourdement notre pays tant en ce qui concerne les conséquences environnementales que les implications financières ou les choix sociétaux énergétiques pour le siècle à venir. Or nous relevons que les moyens mis à disposition pour débattre de ces choix cruciaux sont sans rapport avec l’ampleur de l’enjeu.

Nous faisons d’abord le constat d’une publicité officielle pour promouvoir la participation au débat faible voire inexistante : alors que la présidence et le gouvernement annoncent un plan de relance du nucléaire et une concertation sur le mix énergétique, aucune mention ou presque n’est faite du débat public qui, au-delà de Penly, s’élargit pourtant à l’ensemble des réacteurs en projet et concerne donc profondément les choix énergétiques de la France sur le long terme. Pour une participation de toute la société civile et a fortiori de la population française, on pourrait attendre que la publicité autour de ce débat soit dotée de moyens bien plus conséquents, permettant une médiatisation large, à même de permettre une information préalable à la hauteur de ces enjeux.

De plus, certains manquements logistiques et organisationnels doivent être soulignés. Outre la piètre qualité technique du son lors de la première séance pour les personnes qui tentaient de suivre en ligne, nous nous étonnons de la capacité très réduite des salles mises à disposition pour les deux séances parisiennes, dont la première était initialement censée se tenir au Sénat. Ce repli dans de petits espaces est d’autant plus surprenant qu’en 2010, la séance parisienne du débat sur un premier projet de réacteur EPR à Penly avait pu se tenir dans un auditorium vaste à l’Institut du Monde Arabe. En raison de cette faible capacité d’accueil, la jauge a été si vite atteinte que beaucoup de nos sympathisant·e·s n’ont pu s’inscrire pour participer aux ateliers de la seconde séance ni en présentiel, ni même par zoom (dès le 4 novembre, cela n’était plus possible).

Sans pour autant questionner votre bonne volonté, nous nous interrogeons fortement sur les raisons de ces dysfonctionnements et manque de moyens, surprenants pour une institution comme la vôtre, habituée à organiser de tels événements. S’agit-il d’une dotation insuffisante du maître d’ouvrage pour réaliser le débat dans des conditions suffisantes, révélatrice du peu de cas que celui-ci fait de l’avis des citoyen·ne·s ?

Ces considérations logistiques ont en effet un impact très concret sur la possibilité de participer au débat. Loin d’un débat inclusif ouvert au grand public, seules des personnes initiées ont pu participer.

Surtout, nos quelques membres et sympathisant·e·s qui ont pu être présent·e·s dans la salle ou dans les ateliers via Zoom ont fait le constat unanime de la surreprésentation écrasante de personnes liées à l’industrie nucléaire, travaillant ou ayant travaillé dans la filière, ou représentant des lobbies comme les Voix du nucléaire, qui se succédaient pour répéter les mêmes éléments de langage. Plusieurs personnes sont parties avant la fin, désespérées par la perspective d’une non-discussion stérile.

Les personnes qui tentaient de suivre la séance sur Youtube et d’intervenir dans le chat ont également été confrontées à l’attitude insultante et méprisante des partisan·e·s de la filière nucléaire, qui se sont livré·e·s à un phénomène de "trollage" en règle. Si cette posture ne nous surprend malheureusement plus, tant les soutiens de l’industrie nucléaire en sont coutumiers sur les réseaux sociaux, nous avons fait le constat de l’impuissance de la CPDP non seulement à modérer, mais aussi à faire remonter les questions posées dans leur diversité, sans donner toujours la parole aux mêmes.

Le format contraint et la surreprésentation de l’industrie nucléaire, qui très visiblement avait pris d’assaut les inscriptions à leur ouverture, n’a donc pas ou peu laissé de possibilité de rebondir publiquement sur les propos exprimés, notamment certaines affirmations du maître d’ouvrage extrêmement discutables (postulat d’une augmentation de 50% de la consommation électrique d’ici à 2050 alors que la sobriété est sur toutes les lèvres, scénario sans nucléaire forcément plus "risqué" que le renouvellement du parc, en décalage total avec le fiasco de Flamanville et les dynamiques de développement comparées du nucléaire et des renouvelables dans le monde) assénées comme des évidences, sans possibilité d’un véritable échange factuel sur le sujet.

Malgré la volonté affichée de pluralisme de la CPDP dans le choix des intervenant·e·s, nous constatons que, comme nous le craignions, le débat est en train de se transformer en une énième tribune utilisée par une industrie nucléaire à la fois maître d’ouvrage et participante pour marteler ses messages et obtenir à tout prix leur inscription dans le compte-rendu du débat ; et ce alors que l’industrie nucléaire dispose par ailleurs de moyens de communication conséquents sans avoir besoin d’empiéter sur cette procédure.

Enfin, nous nous interrogeons sur l’intervention de Mme Sophie Mourlon, représentante de la Direction Générale de l’Énergie et du Climat, qui n’était d’ailleurs pas prévue dans le déroulé. L’administration est soumise au principe de neutralité (art L 100-2 du Code des relations entre le public et l’administration) et doit donc, à ce titre, se tenir en retrait dans ce type de procédure pour laisser la place au débat. Or, dans une séquence censée permettre de discuter ouvertement de l’opportunité de relancer un programme nucléaire, et alors que différents intervenants venaient de rappeler la faisabilité technique de scénarios sans nouveaux réacteurs compatibles avec nos objectifs climatiques, celle-ci, tout en prétendant que ce n’était pas l’administration qui décidait la politique énergétique, est venue insister sur le fait que les travaux de l’administration étaient en cours, présentant la perpétuation du nucléaire comme une évidence qui s’imposerait et n’aurait pas vocation à être discutée. Cette prise de parole revient à court-circuiter le débat public, sans même parler de la publicité faite à la concertation organisée par le gouvernement (laquelle n’offre pas de possibilité de refuser de nouveaux réacteurs).

Force est donc de constater, que les conditions d’un débat serein, constructif et éclairé ne sont à ce stade pas remplies. Nous nous interrogeons donc sur la poursuite de notre participation à ce processus dans de pareilles conditions et resterons extrêmement attentifs aux conditions dans lesquelles se dérouleront les prochaines sessions du débat public.

Recevez, Mesdames, Messieurs, nos salutations respectueuses,

Elisabeth Laporte, pour le Conseil d’administration du Réseau "Sortir du nucléaire"

Pauline Boyer, Chargée de campagne Transition énergétique et nucléaire à Greenpeace France

 

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