Le Réseau "Sortir du nucléaire" a pris la décision de participer au débat public sur le projet de construction de nouveaux réacteurs. Cette participation, à l’issue d’une longue période historique de refus de cautionner un débat biaisé d’avance, est pourtant sans naïveté. Le Réseau n’est pas dupe sur l’instrumentalisation de ce débat mais étant donné l’enjeu monumental nous avons cru bon de défendre haut et fort notre opinion à propos de ces projets complètement insensés.
Discours de nos porte-paroles qui ont expliqué ce 2 février à Lyon pourquoi le Réseau "Sortir du nucléaire" a décidé de sortir de ce débat fantoche, dans un contexte où le gouvernement multiplie déjà les actions et déclarations pour la relance du nucléaire avant même d’attendre la fin du débat public.
Face au passage en force d’un projet de loi d’accélération du nucléaire présenté par le gouvernement et actuellement voté au Sénat, Greenpeace France et le Réseau "Sortir du nucléaire" annoncent quitter le débat public sur l’éventuelle relance de la filière nucléaire française et le projet de construction de nouveaux réacteurs nucléaires. Les associations dénoncent une mascarade démocratique et un sabotage en règle du débat public par le gouvernement.
"Que s’est-il passé à Flamanville et quels enseignements en a-t-on tirés ?". Telle est la question posée le 1er décembre 2022, lors de la 4ème séance du débat public sur le projet de construction de nouveaux réacteurs EPR à Penly et ailleurs.
De fait, alors qu’EDF compte se lancer dans la construction de 6 nouveaux réacteurs, dont deux à Penly, un bilan doit s’imposer. Avec ses 11 années de retard, sa litanie de malfaçons et ses coûts multipliés par 6, l’EPR de Flamanville illustre de façon criante l’état calamiteux d’une filière nucléaire qui ne s’est jamais si mal portée - et dont les turpitudes n’appartiennent pas au passé, quoi qu’en disent ses partisans.
À l’attention des membres de la CPDP en charge de l’organisation du débat public "Nouveaux réacteurs nucléaires et projet Penly"
Mesdames, Messieurs,
Suite aux premières séances du débat public sur les projets de nouveaux réacteurs nucléaires à Penly et ailleurs, nos organisations souhaitent revenir vers vous pour vous faire part de nos constats.
Relevant la prise de conscience de la CPDP quant à la spécificité des débats sur le nucléaire, et prenant note de votre intention de questionner pleinement l’opportunité du projet tout en refusant d’entretenir le mythe d’un débat "décisionnel", nous avons fait le choix - qui pour certaines de nos organisations n’allait pas de soi - de participer à cette procédure. Nous étions tout à fait conscients des limites de l’exercice, qui ont déjà mené certains d’entre nous à boycotter de précédentes consultations et ont d’ailleurs encore été soulignées par plusieurs composantes du mouvement antinucléaire récemment. Nous nous interrogions fortement sur la portée de ce débat, dans un contexte où le gouvernement affirme clairement sa volonté d’un développement à "marche forcée" du nucléaire et où une délégation interministérielle au nouveau nucléaire a déjà été nommée. Mais au regard même de ce contexte, il nous a paru pertinent d’appuyer une démarche qui permettait de questionner ouvertement la pertinence de ce programme.
Toutefois, les conditions dans lesquelles se sont déroulées les premières séances n’ont fait que confirmer nos craintes.
Ce débat porte sur un sujet d’envergure nationale. Le choix d’une politique énergétique est un choix sociétal pour le siècle à venir, avec plusieurs voies possibles identifiées, dont la plupart sont largement ignorées. La voie privilégiée dans ce débat par le porteur de projet engagerait lourdement notre pays tant en ce qui concerne les conséquences environnementales que les implications financières ou les choix sociétaux énergétiques pour le siècle à venir. Or nous relevons que les moyens mis à disposition pour débattre de ces choix cruciaux sont sans rapport avec l’ampleur de l’enjeu.
Nous faisons d’abord le constat d’une publicité officielle pour promouvoir la participation au débat faible voire inexistante : alors que la présidence et le gouvernement annoncent un plan de relance du nucléaire et une concertation sur le mix énergétique, aucune mention ou presque n’est faite du débat public qui, au-delà de Penly, s’élargit pourtant à l’ensemble des réacteurs en projet et concerne donc profondément les choix énergétiques de la France sur le long terme. Pour une participation de toute la société civile et a fortiori de la population française, on pourrait attendre que la publicité autour de ce débat soit dotée de moyens bien plus conséquents, permettant une médiatisation large, à même de permettre une information préalable à la hauteur de ces enjeux.
De plus, certains manquements logistiques et organisationnels doivent être soulignés. Outre la piètre qualité technique du son lors de la première séance pour les personnes qui tentaient de suivre en ligne, nous nous étonnons de la capacité très réduite des salles mises à disposition pour les deux séances parisiennes, dont la première était initialement censée se tenir au Sénat. Ce repli dans de petits espaces est d’autant plus surprenant qu’en 2010, la séance parisienne du débat sur un premier projet de réacteur EPR à Penly avait pu se tenir dans un auditorium vaste à l’Institut du Monde Arabe. En raison de cette faible capacité d’accueil, la jauge a été si vite atteinte que beaucoup de nos sympathisant·e·s n’ont pu s’inscrire pour participer aux ateliers de la seconde séance ni en présentiel, ni même par zoom (dès le 4 novembre, cela n’était plus possible).
Sans pour autant questionner votre bonne volonté, nous nous interrogeons fortement sur les raisons de ces dysfonctionnements et manque de moyens, surprenants pour une institution comme la vôtre, habituée à organiser de tels événements. S’agit-il d’une dotation insuffisante du maître d’ouvrage pour réaliser le débat dans des conditions suffisantes, révélatrice du peu de cas que celui-ci fait de l’avis des citoyen·ne·s ?
Ces considérations logistiques ont en effet un impact très concret sur la possibilité de participer au débat. Loin d’un débat inclusif ouvert au grand public, seules des personnes initiées ont pu participer.
Surtout, nos quelques membres et sympathisant·e·s qui ont pu être présent·e·s dans la salle ou dans les ateliers via Zoom ont fait le constat unanime de la surreprésentation écrasante de personnes liées à l’industrie nucléaire, travaillant ou ayant travaillé dans la filière, ou représentant des lobbies comme les Voix du nucléaire, qui se succédaient pour répéter les mêmes éléments de langage. Plusieurs personnes sont parties avant la fin, désespérées par la perspective d’une non-discussion stérile.
Les personnes qui tentaient de suivre la séance sur Youtube et d’intervenir dans le chat ont également été confrontées à l’attitude insultante et méprisante des partisan·e·s de la filière nucléaire, qui se sont livré·e·s à un phénomène de "trollage" en règle. Si cette posture ne nous surprend malheureusement plus, tant les soutiens de l’industrie nucléaire en sont coutumiers sur les réseaux sociaux, nous avons fait le constat de l’impuissance de la CPDP non seulement à modérer, mais aussi à faire remonter les questions posées dans leur diversité, sans donner toujours la parole aux mêmes.
Le format contraint et la surreprésentation de l’industrie nucléaire, qui très visiblement avait pris d’assaut les inscriptions à leur ouverture, n’a donc pas ou peu laissé de possibilité de rebondir publiquement sur les propos exprimés, notamment certaines affirmations du maître d’ouvrage extrêmement discutables (postulat d’une augmentation de 50% de la consommation électrique d’ici à 2050 alors que la sobriété est sur toutes les lèvres, scénario sans nucléaire forcément plus "risqué" que le renouvellement du parc, en décalage total avec le fiasco de Flamanville et les dynamiques de développement comparées du nucléaire et des renouvelables dans le monde) assénées comme des évidences, sans possibilité d’un véritable échange factuel sur le sujet.
Malgré la volonté affichée de pluralisme de la CPDP dans le choix des intervenant·e·s, nous constatons que, comme nous le craignions, le débat est en train de se transformer en une énième tribune utilisée par une industrie nucléaire à la fois maître d’ouvrage et participante pour marteler ses messages et obtenir à tout prix leur inscription dans le compte-rendu du débat ; et ce alors que l’industrie nucléaire dispose par ailleurs de moyens de communication conséquents sans avoir besoin d’empiéter sur cette procédure.
Enfin, nous nous interrogeons sur l’intervention de Mme Sophie Mourlon, représentante de la Direction Générale de l’Énergie et du Climat, qui n’était d’ailleurs pas prévue dans le déroulé. L’administration est soumise au principe de neutralité (art L 100-2 du Code des relations entre le public et l’administration) et doit donc, à ce titre, se tenir en retrait dans ce type de procédure pour laisser la place au débat. Or, dans une séquence censée permettre de discuter ouvertement de l’opportunité de relancer un programme nucléaire, et alors que différents intervenants venaient de rappeler la faisabilité technique de scénarios sans nouveaux réacteurs compatibles avec nos objectifs climatiques, celle-ci, tout en prétendant que ce n’était pas l’administration qui décidait la politique énergétique, est venue insister sur le fait que les travaux de l’administration étaient en cours, présentant la perpétuation du nucléaire comme une évidence qui s’imposerait et n’aurait pas vocation à être discutée. Cette prise de parole revient à court-circuiter le débat public, sans même parler de la publicité faite à la concertation organisée par le gouvernement (laquelle n’offre pas de possibilité de refuser de nouveaux réacteurs).
Force est donc de constater, que les conditions d’un débat serein, constructif et éclairé ne sont à ce stade pas remplies. Nous nous interrogeons donc sur la poursuite de notre participation à ce processus dans de pareilles conditions et resterons extrêmement attentifs aux conditions dans lesquelles se dérouleront les prochaines sessions du débat public.
Recevez, Mesdames, Messieurs, nos salutations respectueuses,
Elisabeth Laporte, pour le Conseil d’administration du Réseau "Sortir du nucléaire"
Pauline Boyer, Chargée de campagne Transition énergétique et nucléaire à Greenpeace France
Téléchargez le courrier à la CPDP
La question posée aujourd’hui était « avons-nous besoin d’un nouveau programme nucléaire ? ». Montrant le peu de cas qu’il fait de ce débat, le gouvernement avait déjà créé la veille une délégation interministérielle au nouveau nucléaire : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000046534037
Le jour J, la participation à l’intérieur et même par internet a été restreinte par une jauge basse, (révélatrice du peu de moyens alloués à la CPDP ?), avec des partisans du nucléaire venus en force dans les ateliers.
À l’extérieur, la mobilisation bat son plein. En plus des collectifs antinucléaires parisiens, de nombreuses personnes sont venues de La Hague ou de Bure pour clamer leur refus des déchets que générerait un nouveau programme nucléaire !
La diversité des scénarios énergétiques présentés montre qu’un avenir énergétique sans nouveau nucléaire. Pourtant, EDF comme le gouvernement se refusent à envisager d’autres choix. Dans ce cas, à quoi sert ce débat ?
Contraste criant entre les discours présentant la construction de nouveaux réacteurs comme le choix le moins risqué pour atteindre nos objectifs climatiques, et la réalité des faits : 11 ans de retard pour l’EPR de Flamanville, des malfaçons et retards sur tous les EPR dans le monde !
Tous les scénarios de relance du #nucléaire partent du principe que les nouveaux réacteurs seront disponibles vers 2035, un postulat complètement irréaliste au regard des difficultés de la filière.
Nous le rappelons : tabler sur de nouveaux réacteurs, lents à construire et susceptibles de connaître retards et malfaçons, pour produire l’électricité "bas-carbone" de demain, c’est mettre en danger nos objectifs climatiques ! Au final, nous constatons une prise de contrôle sur le débat de la part d’une industrie nucléaire omniprésente et méprisante, qui fait preuve d’une agressivité inouïe sur les réseaux sociaux et assume le fait accompli.
Ce mardi 8 novembre se tiendra la 2ème séance du débat public, dédiée à la question "Avons-nous besoin d’un nouveau programme de réacteurs nucléaires ?".
Il sera proposé aux participant·es (sur place à Paris et en virtuel) d’échanger d’abord par petits groupes, puis de faire remonter leurs questions et observations, suite à quoi différents scénarios énergétiques seront présentés par RTE, l’ADEME et l’association négaWatt (retrouvez le déroulé).
Pour nous, la réponse à la question posée est claire : non, nous n’avons absolument pas besoin d’un nouveau programme nucléaire !
Plusieurs scénarios (négaWatt, ADEME, trois scénarios élaborés par RTE...) démontrent que se passer du nucléaire est techniquement réalisable et parfaitement compatible avec nos objectifs climatiques.
Pourtant, dans son dossier versé au débat, EDF présente la construction de nouveaux réacteurs comme le seul choix rationnel possible pour répondre aux défis climatiques et énergétiques. Elle s’appuie pour cela sur le scénario le plus nucléarisé élaboré par RTE, présenté comme le plus sûr et le moins coûteux.
Nous considérons que cette approche est profondément biaisée, pour plusieurs raisons.
Si l’on en croit le dossier d’EDF, les nouveaux réacteurs seraient construits encore plus rapidement que les réacteurs EPR chinois. Quelle est la crédibilité d’un tel scénario, au regard de l’état de la filière nucléaire française et des 11 ans de retard de l’EPR de Flamanville ? Qui peut croire que ces nouveaux réacteurs sortiraient de terre dans les temps, sans retard ni surcoût ni malfaçon ?
Non seulement nous n’avons pas besoin de ces nouveaux réacteurs pour atteindre nos objectifs climatiques, mais miser sur ce programme nucléaire, susceptible de connaître retards et malfaçons, revient à les mettre en péril !
Les sites d’entreposage de déchets radioactifs approchent déjà de la saturation. Le projet Cigéo, à Bure, dans la Meuse, où seraient enfouis les déchets les plus dangereux, présente d’importantes failles en terme de sûreté et les provisions constituées seront insuffisantes pour le financer. Surtout, il n’a pas été conçu pour accueillir d’autres déchets que ceux du parc nucléaire actuel. Il faudrait donc l’étendre encore pour accueillir ceux d’un nouveaux programme !
Les générations futures seront déjà confrontées à des défis suffisamment lourds, elle n’ont pas besoin de ce fardeau supplémentaire de nouveaux déchets à gérer !
Le monde actuel est marqué par la montée des tensions géopolitiques et par la multiplication des phénomènes climatiques extrêmes. Dans ce contexte, ce dont nous avons besoin, c’est d’un système énergétique qui soit sûr, sobre, décentralisé, résilient, non-polluant et renouvelable. À l’inverse, miser sur la poursuite d’une technologie complexe, dangereuse, vulnérable aux actes de malveillance et conflits (comme la centrale de Zaporijjia, en Ukraine, en fournit l’exemple) est un choix qui met en danger les générations futures et actuelles.
La montée des eaux, l’accroissement des tempêtes, canicules... constituent autant de phénomènes susceptibles d’affecter la sûreté nucléaire. Construite sur un polder, la centrale de Penly est vulnérable à la montée des eaux (tout comme celle de Gravelines, dans le Nord, elle aussi censée accueillir deux réacteurs).
Ce nouveau programme ne concernerait pas seulement les nouveaux réacteurs, à Penly et ailleurs, mais aussi toute l’infrastructure technique et organisationnelle que doit maintenir l’industrie nucléaire pour perdurer : transports de matières radioactives, bon fonctionnement des usines, sécurité des infrastructures de transport électrique... Autant de points de vulnérabilité dans un monde de plus en plus incertain.
Lors de la séance inaugurale du débat public, le Réseau "Sortir du nucléaire" a été invité à répondre à la question "À quoi sert ce débat ?", et plus précisément à exprimer ses doutes quant à l’écoute que pourraient recevoir ses arguments.
Aujourd’hui se tient la première séance du débat public relatif à la construction de nouveaux réacteurs à Penly et ailleurs. Il nous semble capital d’en profiter pour mettre en lumière les mensonges de l’industrie nucléaire, même si nous ne sommes absolument pas dupes sur l’issue de cette procédure.
📢 Notre porte parole, Charlotte Mijeon, interviendra d’ailleurs pour dénoncer la politique du fait accompli menée par EDF et le gouvernement depuis des années. Comment espérer que l’avis des citoyen·nes soit entendu si, dans le même temps, Emmanuel Macron assume un "développement à marche forcée" du nucléaire ?
#DebattonsDesVraiesQuestions et non pas de comment imposer à la société un programme de relance du nucléaire déjà ficelé, coûteux, dangereux et anti-écologique, qui nous engagerait pour plus d’un siècle !
Pour suivre la séance, inscrivez-vous par ici : https://www.debatpublic.fr/nouveaux-reacteurs-nucleaires-et-projet-penly/quoi-sert-ce-debat-3374
Le débat public sur les nouveaux réacteurs nucléaires à Penly et ailleurs va s’ouvrir ce jeudi pour une durée de 4 mois. Nous sommes lucides sur l’absence de volonté du gouvernement de prendre vraiment en compte l’avis des citoyens en matière énergétique, tant tout semble déjà écrit d’avance pour lui ! Mais, même si nous ne sommes pas dupes, nous avons décidé de porter une vision antinucléaire au sein de ce débat public. Contrairement à la « concertation sur le mix énergétique » lancée par le gouvernement en parallèle, qui nous propose juste d’approuver les orientations du gouvernement, ce débat public, lui, questionne ouvertement le fait de construire de nouveaux réacteurs. D’où notre choix d’y participer.
Notre position sera ferme et intransigeante : nous ne voulons pas de nouveaux réacteurs dans notre pays – ni de la prolongation des réacteurs existants ! Débattons des vraies questions : celle d’un avenir énergétique sûr, sobre, démocratique et renouvelable. Bref d’un avenir énergétique SANS nucléaire.
Le Conseil d’administration du Réseau "Sortir du nucléaire" a pris la décision de participer à la séance d’ouverture du débat public sur le projet de construction de nouveaux réacteurs à Penly, qui aura lieu le jeudi 27 octobre. Nous serons à la tribune, pour répondre à la question posée : "À quoi sert ce débat ?"