Gestion désastreuse du défaut de résistance au séisme de la digue du Tricastin
Communiqué du 25 janvier 2024
INVITATION PRESSE
Audience au tribunal de Valence jeudi 1er février à 15h30
Rendez-vous devant le tribunal à 15h00
Les séismes font partie des risques naturels auxquels les installations nucléaires doivent pouvoir résister. Pourtant, malgré les demandes de l’Autorité de sûreté nucléaire et pendant de nombreuses années, EDF a négligé de se préoccuper réellement de la tenue au séisme de la digue censée protéger le site nucléaire du Tricastin de l’inondation. Après une plainte classée sans suite, le Réseau "Sortir du nucléaire" engage des poursuites contre EDF, l’audience aura lieu le 1er février à 15h30 devant le tribunal de Valence.
Risque de rupture d’une digue face à un séisme important
Le site du Tricastin est situé depuis 2011 en zone sismique modérée [1]. Il a par ailleurs été édifié le long du canal de Donzère-Mondragon, qui est un canal de dérivation du Rhône. Le canal assure, entre autres, le refroidissement des réacteurs de la centrale nucléaire du Tricastin. Les digues situées à l’entrée du canal permettent de protéger le site contre le risque d’inondation.
En effet, la plateforme de la centrale du Tricastin est située six mètres en-dessous du niveau d’eau. La rupture d’une portion de digue entraînerait une inondation importante du site nucléaire, et pourrait conduire à une fusion du combustible sur l’ensemble des réacteurs de la centrale nucléaire du Tricastin, avec une capacité limitée d’intervention sur le site, et un impact sanitaire à grande échelle [2].
Au regard des enjeux en matière de sûreté et des intérêts protégés par ces digues, ces dernières devaient être conçues pour résister aux aléas sismiques d’une certaine ampleur [3].
Or, les études conduites par EDF sur ce sujet ont révélé que ce n’était pas le cas pour l’une d’entre elles. Cette négligence est d’autant plus grave qu’elle s’étale sur près de dix ans entre 2007 et 2017.
Une confirmation du risque et une déclaration à l’ASN beaucoup trop tardives
Le rapport d’inspection de l’ASN du 25 juin 2018 nous apprend en effet que l’ASN a demandé dès 1999 de réévaluer la sûreté de l’ensemble des centrales nucléaires françaises face au risque d’inondation. En ce qui concerne la centrale du Tricastin, l’ASN avait également demandé à EDF de s’assurer de la stabilité au séisme d’une des digues du canal de Donzère-Mondragon.
En 2007, une expertise de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) suggère des investigations afin de vérifier la tenue au séisme d’une portion de digue. EDF s’engage alors à effectuer des travaux de reconnaissance. Elle le fait, mais seulement en 2013 et sans effectuer de carottages sur la portion de digue concernée.
En 2015, EDF réalise enfin quatre carottages sur la portion de digue concernée et constate la présence de couches sableuses susceptibles de perdre leur résistance en cas de séisme. En 2016, des experts d’EDF identifient des incertitudes très fortes sur la résistance de la digue. Ce n’est qu’en 2017 que le défaut de résistance de la digue est caractérisé.
Par ailleurs, alors qu’une question aussi grave doit faire l’objet d’une déclaration dans les meilleurs délais, EDF s’est gardée d’évoquer, dans ses échanges avec l’ASN début 2017, ses suspicions de non-tenue au séisme de la digue. Une fois le problème caractérisé, elle a encore attendu plusieurs mois pour avertir l’Autorité de sûreté nucléaire. Et alors que l’ASN lui impose enfin la mise à l’arrêt provisoire des quatre réacteurs de la centrale nucléaire du Tricastin, après avoir constaté un risque "significatif pour la sûreté", l’exploitant a encore le culot de répondre qu’il "est convaincu que la sûreté des installations est garantie et considère que l’arrêt des réacteurs est injustifié".
Dans cette affaire, nous voulons voir condamner la gestion négligente d’un évènement qui aurait pu conduire à une catastrophe nucléaire majeure et qui a fait peser un risque supplémentaire sur des milliers de personnes. Nous nous retrouverons donc devant le tribunal de Valence le jeudi 1er février 2024, à 15h30.
Lisa Pagani - juriste du réseau "Sortir du nucléaire" : 07 62 58 01 23
Image de couverture : Sancio83 - Wikimedia Commons - Domaine public
Notes
[1] À ce sujet : https://www.sortirdunucleaire.org/Surete-des-installations-francaises-et-si-la. Le 11 novembre 2019, un séisme s’est par ailleurs produit à proximité de la centrale du Tricastin. Son épicentre n’en était distant que de 23 km. Si la centrale n’a pas été directement affectée, la situation pourrait se reproduire. L’activité d’extraction minière du Teil avait par ailleurs été soupçonnée d’avoir joué un rôle dans le déclenchement de ce séisme. De quoi questionner les scénarios de sismicité naturelle pris comme référentiel de sûreté dans les ouvrages https://planet-terre.ens-lyon.fr/ressource/seisme-Le-Teil-novembre-2019.xml.
[3] En France, la caractérisation de l’aléa sismique auquel chaque installation nucléaire de base (INB) doit pouvoir faire face est fondée sur une approche déterministe, détaillée dans la règle fondamentale de sûreté 2001-01. La méthode consiste à :
déterminer d’abord le « séisme maximal historiquement vraisemblable » (SMHV) qui correspond à une période de retour d’environ 1 000 ans. Ce niveau de séisme peut être considéré comme le plus intense « de mémoire d’homme » recensé dans la région considérée ;
définir ensuite le « séisme majoré de sécurité » (SMS) qui correspond à une augmentation de la magnitude du SMHV de 0,5 sur l’échelle de Richter.
Après l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima, l’ASN a demandé à EDF de vérifier la robustesse de ses centrales nucléaires à un niveau de séisme encore plus important, le « séisme noyau dur » (SND), pour lequel les principales fonctions de sûreté doivent pouvoir être assurées. Les mouvements du sol (accélérations) correspondant au SND doivent être plus importants que ceux du SMS majorés de 50 % et plus importants que ceux des séismes ayant une période de retour de 20 000 ans. À ce sujet : https://www.asn.fr/l-asn-informe/actualites/seisme-du-teil-du-11-novembre-2019-l-asn-fait-le-point-sur-la-resistance-des-centrales-nucleaires.
INVITATION PRESSE
Audience au tribunal de Valence jeudi 1er février à 15h30
Rendez-vous devant le tribunal à 15h00
Les séismes font partie des risques naturels auxquels les installations nucléaires doivent pouvoir résister. Pourtant, malgré les demandes de l’Autorité de sûreté nucléaire et pendant de nombreuses années, EDF a négligé de se préoccuper réellement de la tenue au séisme de la digue censée protéger le site nucléaire du Tricastin de l’inondation. Après une plainte classée sans suite, le Réseau "Sortir du nucléaire" engage des poursuites contre EDF, l’audience aura lieu le 1er février à 15h30 devant le tribunal de Valence.
Risque de rupture d’une digue face à un séisme important
Le site du Tricastin est situé depuis 2011 en zone sismique modérée [1]. Il a par ailleurs été édifié le long du canal de Donzère-Mondragon, qui est un canal de dérivation du Rhône. Le canal assure, entre autres, le refroidissement des réacteurs de la centrale nucléaire du Tricastin. Les digues situées à l’entrée du canal permettent de protéger le site contre le risque d’inondation.
En effet, la plateforme de la centrale du Tricastin est située six mètres en-dessous du niveau d’eau. La rupture d’une portion de digue entraînerait une inondation importante du site nucléaire, et pourrait conduire à une fusion du combustible sur l’ensemble des réacteurs de la centrale nucléaire du Tricastin, avec une capacité limitée d’intervention sur le site, et un impact sanitaire à grande échelle [2].
Au regard des enjeux en matière de sûreté et des intérêts protégés par ces digues, ces dernières devaient être conçues pour résister aux aléas sismiques d’une certaine ampleur [3].
Or, les études conduites par EDF sur ce sujet ont révélé que ce n’était pas le cas pour l’une d’entre elles. Cette négligence est d’autant plus grave qu’elle s’étale sur près de dix ans entre 2007 et 2017.
Une confirmation du risque et une déclaration à l’ASN beaucoup trop tardives
Le rapport d’inspection de l’ASN du 25 juin 2018 nous apprend en effet que l’ASN a demandé dès 1999 de réévaluer la sûreté de l’ensemble des centrales nucléaires françaises face au risque d’inondation. En ce qui concerne la centrale du Tricastin, l’ASN avait également demandé à EDF de s’assurer de la stabilité au séisme d’une des digues du canal de Donzère-Mondragon.
En 2007, une expertise de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) suggère des investigations afin de vérifier la tenue au séisme d’une portion de digue. EDF s’engage alors à effectuer des travaux de reconnaissance. Elle le fait, mais seulement en 2013 et sans effectuer de carottages sur la portion de digue concernée.
En 2015, EDF réalise enfin quatre carottages sur la portion de digue concernée et constate la présence de couches sableuses susceptibles de perdre leur résistance en cas de séisme. En 2016, des experts d’EDF identifient des incertitudes très fortes sur la résistance de la digue. Ce n’est qu’en 2017 que le défaut de résistance de la digue est caractérisé.
Par ailleurs, alors qu’une question aussi grave doit faire l’objet d’une déclaration dans les meilleurs délais, EDF s’est gardée d’évoquer, dans ses échanges avec l’ASN début 2017, ses suspicions de non-tenue au séisme de la digue. Une fois le problème caractérisé, elle a encore attendu plusieurs mois pour avertir l’Autorité de sûreté nucléaire. Et alors que l’ASN lui impose enfin la mise à l’arrêt provisoire des quatre réacteurs de la centrale nucléaire du Tricastin, après avoir constaté un risque "significatif pour la sûreté", l’exploitant a encore le culot de répondre qu’il "est convaincu que la sûreté des installations est garantie et considère que l’arrêt des réacteurs est injustifié".
Dans cette affaire, nous voulons voir condamner la gestion négligente d’un évènement qui aurait pu conduire à une catastrophe nucléaire majeure et qui a fait peser un risque supplémentaire sur des milliers de personnes. Nous nous retrouverons donc devant le tribunal de Valence le jeudi 1er février 2024, à 15h30.
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