28 avril 2023
On croyait que l’exploitant nucléaire avait tout vérifié, mais non. De nouveaux défauts ont été découverts par EDF sur les moteurs diesels de réacteurs nucléaires, avec pour conséquence l’impossibilité de leur fournir l’électricité nécessaire en cas de coupure de courant après un tremblement de terre. L’affaire aura pris 4 ans. Au total, 41 réacteurs sur les 56 en fonctionnement sont touchés. Pour certains, les 2 groupes électrogènes étaient impactés. EDF n’a communiqué les éléments qu’après avoir réparé les supports rongés par la rouille, remis en état les connectiques défectueuses et remonté les pièces convenablement.
Un réacteur nucléaire ne doit jamais être privé d’un apport en électricité, alimentation essentielle pour les différents systèmes et pour garantir un refroidissement continu et ininterrompu du combustible. L’accident nucléaire de Fukushima en 2011 a démontré que les sources électriques de secours des réacteurs doivent absolu être capable de résister à des agressions de fortes intensité (séisme, inondation etc.).
Fin 2018, les diesels d’ultime secours (DUS), des groupes électrogènes à moteur diesel conçus pour résister à ces intempéries ne sont toujours pas en service. L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) impose alors à EDF de vérifier l’ensemble des autres sources électriques de secours qui équipent ses réacteurs (groupes électrogènes à moteur diesels dits "diesels de secours" et des turbines à gaz). Les contrôles vont s’étaler sur plusieurs années.
Après des annonces faites en 2019 et en 2020, on pensait que celle faite au cœur de l’été 2022 clôturait les vérifications : 39 réacteurs différents concernés, seulement 2 centrales nucléaires sur les 18 en fonctionnement épargnées (Bugey et Tricastin). Mais une nouvelle déclaration d’EDF est arrivée à l’Autorité de sûreté au printemps 2023.
Des réacteurs n’avaient pas encore été contrôlés (Cattenom 4, Golfech 1). Et sans grande surprise, de nouveaux défauts ont été découverts sur leurs diesels de secours. Qui plus est, de nouvelles anomalies ont été découvertes sur les diesels des 2 réacteurs de la centrale de Saint-Alban. De quoi laisser dubitatif sur la qualité des vérifications effectuées préalablement sur les diesels de Saint-Alban et interroger les capacités d’EDF a vérifier son parc nucléaire dans une temporalité adaptée aux enjeux de sûreté [1].
Corrosion de portions de tuyauteries et de leurs supports, mauvais montages de raccords, erreurs dans les branchements ... Les groupes électrogènes n’auraient pas fonctionné en cas de tremblement de terre. Or c’est justement le type même de situation où ils sont nécessaires (car le réseau national d’électricité peut être endommagé et inapte à fournir l’alimentation des systèmes les plus importants pour éviter un accident dans l’installation nucléaire). Si les réacteurs ont chacun 2 diesels de secours, dans certains cas, la nature et le nombre des défauts étaient telles que aucun n’aurait pu marcher. Au total, pour 18 réacteurs nucléaires, l’ASN classe les faits au niveau 2 de l’échelle de classement des incidents nucléaires [2] et pour 23 autres au niveau 1 [3].
L’ASN ne dit rien quant aux manquements de l’industriel sur l’entretien de ses équipements pourtant obligatoires. Pas plus qu’elle ne se positionne quant aux moyens alloués par EDF à ces vérifications, à leur qualité et au temps qu’il aura fallu pour aboutir à un état des lieux exhaustif de ses installations. La seule conclusion qu’elle offre au public est que tout est désormais réparé. Mieux vaut tard que jamais. Mais l’affaire des diesels offre un bel exemple de l’incapacité d’EDF à vérifier et à réparer l’ensemble de son parc nucléaire si besoin était. Le parallèle avec l’affaire de la corrosion sous contrainte au cœur de plusieurs réacteurs est tout tracé.
L.B.
Défauts de résistance au séisme de matériels des groupes électrogènes de secours à moteur diesel de réacteurs nucléaires d’EDF
Publié le 28/04/2023
Centrale nucléaire de Golfech Réacteurs de 1300 MWe - EDF Centrale nucléaire du Blayais Réacteurs de 900 MWe - EDF Centrale nucléaire de Civaux Réacteurs de 1450 MWe - EDF Centrale nucléaire de Flamanville Réacteurs de 1300 MWe - EDF Centrale nucléaire de Paluel Réacteurs de 1300 MWe - EDF Centrale nucléaire de Penly Réacteurs de 1300 MWe - EDF Centrale nucléaire de Chooz B Réacteurs de 1450 MWe - EDF Centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine Réacteurs de 1300 MWe - EDF Centrale nucléaire de Gravelines Réacteurs de 900 MWe - EDF Centrale nucléaire de Cruas-Meysse Réacteurs de 900 MWe - EDF Centrale nucléaire de Saint-Laurent Réacteurs de 900 MWe - EDF Centrale nucléaire de Saint-Alban Réacteurs de 1300 MWe - EDF Centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire Réacteurs de 1300 MWe - EDF Centrale nucléaire de Chinon B Réacteurs de 900 MWe - EDF Centrale nucléaire de Dampierre-en-Burly Réacteurs de 900 MWe - EDF Centrale nucléaire de Cattenom Réacteurs de 1300 MWe - EDF
Le 24 mars 2023, EDF a déclaré à l’ASN des nouveaux défauts de résistance au séisme des sources électriques de ses centrales nucléaires. Ces défauts ont été détectés lors de la réalisation de contrôles en 2022 et au début de l’année 2023, faisant suite à la décision de l’ASN du 19 février 2019 prescrivant une vérification de la conformité de ces systèmes. Les contrôles menés depuis 2019 avaient déjà permis de détecter plusieurs écarts. Les contrôles sont maintenant achevés sur l’ensemble des réacteurs nucléaires.
Ces derniers contrôles ont mis en évidence des défauts sur quatre réacteurs, dont deux qui n’étaient jusqu’alors pas concernés, portant à 41 le nombre total de réacteurs affectés.
EDF avait déclaré fin 2019, début 2020 et à l’été 2022 un événement significatif pour la sûreté concernant la détection de défauts de résistance au séisme de certains matériels contribuant au fonctionnement des groupes électrogènes de secours à moteur diesel (diesels de secours) de plusieurs de ses réacteurs. L’ASN avait classé cet événement aux niveaux 1 ou 2 sur l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques, graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité) selon le réacteur concerné, en fonction de la nature des défauts rencontrés et du nombre de diesels de secours affectés.
Les nouveaux défauts détectés concernent les diesels de secours et portent sur :
Les diesels de secours assurent de façon redondante l’alimentation électrique de certains systèmes de sûreté en cas de défaillance des alimentations électriques externes. En cas de séisme conduisant à une perte des alimentations électriques externes, le fonctionnement des diesels de secours pouvait ne plus être assuré en raison de ces défauts.
Cet événement n’a pas eu de conséquence sur les personnes ou l’environnement.
L’événement est classé au niveau 1 de l’échelle INES pour deux réacteurs supplémentaires, compte tenu du fait que les défauts détectés n’auraient pas conduit à la perte des deux diesels de secours en cas de séisme. Il s’agit du réacteur 4 de la centrale nucléaire de Cattenom et du réacteur 1 de la centrale nucléaire de Golfech.
Par ailleurs, les nouveaux défauts détectés sur les deux réacteurs de la centrale nucléaire de Saint-Alban n’ont pas fait évoluer les niveaux sur l’échelle INES précédemment déclarés : niveau 2 pour le réacteur 1 et niveau 1 pour le réacteur 2.
Au final, cet événement est classé :
EDF a procédé aux réparations pour l’ensemble des défauts constatés.
En savoir plus :
Le 17 avril 2020, EDF a déclaré à l’ASN des défauts de résistance au séisme de matériels des groupes électrogènes de secours des réacteurs 1 et 4 de la centrale nucléaire de Cruas, du réacteur 2 de la centrale nucléaire de Chinon B et du réacteur 1 de la centrale nucléaire de Gravelines.
EDF a déclaré, le 31 janvier 2020, un événement significatif pour la sûreté concernant des défauts de résistance au séisme de certains matériels contribuant au fonctionnement des groupes électrogènes de secours à moteur diesel (diesels de secours) de plusieurs de ses réacteurs de 1300 MWe.
Le 14 décembre 2020, EDF a déclaré à l’ASN que de nouveaux défauts de résistance au séisme ont été détectés lors de la poursuite de la réalisation de contrôles prescrits par l’ASN le 19 février 2019 afin de vérifier la conformité des sources électriques de ses centrales nucléaires. Ces défauts concernent 8 réacteurs nucléaires supplémentaires (et 2 réacteurs qui étaient déjà concernés par des écarts), portant à 35 le nombre de réacteurs affectés.
Le 8 juin 2022, EDF a déclaré à l’ASN des défauts de résistance au séisme des sources électriques de ses centrales nucléaires. Ces défauts ont été détectés lors de la réalisation de contrôles faisant suite à la décision de l’ASN du 19 février 2019 prescrivant une vérification de la conformité de ces systèmes. Les contrôles menés depuis 2019 avaient déjà permis de détecter plusieurs écarts.
[1] La sûreté nucléaire est l’ensemble des dispositions techniques et des mesures d’organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base, ainsi qu’au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets. https://www.asn.fr/Lexique/S/Surete-nucleaire
[2] INES : International nuclear and radiological event scale (Échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques) - Description et niveaux ici - https://www.asn.fr/Lexique/I/INES
niveau 2 de l’échelle INES pour les réacteurs suivants : réacteur 1 de Belleville, réacteur 2 de Cattenom, réacteurs 2 et 4 de Chinon, réacteur 2 de Civaux, réacteurs 3 et 4 de Cruas, réacteurs 1 et 2 de Flamanville, réacteur 2 de Golfech, réacteur 1 de Nogent-sur-Seine, réacteurs 1, 2, 3 et 4 de Paluel, réacteurs 1 et 2 de Penly et réacteur 1 de Saint-Alban.
[3] Niveau 1 pour le réacteur 2 de Belleville, réacteurs 1, 2, 3 et 4 du Blayais, réacteurs 1, 3 et 4 de Cattenom, réacteur 1 de Chinon, réacteurs 1 et 2 de Chooz, réacteur 1 de Civaux, réacteurs 1 et 2 de Cruas, réacteurs 1, 2 et 3 de Dampierre-en-Burly, réacteur 1 de Golfech, réacteurs 1 et 2 de Gravelines, réacteur 2 de Nogent-sur-Seine, réacteur 2 de Saint-Alban et réacteur 1 de Saint-Laurent.