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Dossier spécial : Face aux crises

Covid-19 et nucléaire : quel impact sur la sûreté et les travailleurs ?

Officiellement, EDF a tout prévu pour résister aux pandémies. Mais sur le terrain, la gestion de la crise sanitaire a rajouté des difficultés supplémentaires, à court et à moyen termes.

© Adobe Stock David Pereiras
Risque nucléaire Travailleurs du nucléaire

Des prestataires insuffisamment protégés

Dès le début de la crise du Covid-19, EDF a communiqué sur son plan pandémie, rendant possible un fonctionnement des réacteurs même avec 40 % d’effectifs manquants. Mais si des mesures ont été prises pour protéger le personnel EDF, celui des entreprises sous-traitantes, qui effectuent les travaux les plus dangereux, n’a pas été logé à la même enseigne. Très vite, l’association Ma Zone Contrôlée est montée au créneau, dénonçant l’insuffisance des protections, des équipements non désinfectés et une “coactivité“ empêchant le respect des gestes “barrières“. Ce n’est que le 27 avril que l’ensemble du personnel travaillant en centrale, sous-traitant compris, a pu disposer de masques. Si les sites nucléaires français ne se sont pas transformés en foyers de contamination massifs, cela n’a pas empêché des drames, comme à l’usine Orano de Romans-sur-Isère où un prestataire est décédé du Covid-19, après le rejet par la direction d’un droit d’alerte pour danger grave et imminent.

Des risques de fraude accrus

Cette situation particulière laisse craindre des conséquences pour la sûreté. Outre les erreurs éventuelles engendrées par le stress, Gilles Reynaud, président de Ma Zone Contrôlée, dénonce un risque accru de fraudes et de non-qualités de maintenance. En effet, comment imaginer que la surveillance des opérations de maintenance soit correctement effectuée par des chargé·es d’affaires en télétravail ? Ce risque de fraude a également été accru par la quasi-suspension des inspections sur site par l’Autorité de sûreté nucléaire à partir du 20 mars  [1]. Toutefois, suite à l’interpellation de syndicats et associations (dont le Réseau “Sortir du nucléaire“), celles-ci ont finalement repris afin de vérifier l’application des gestes barrières et la bonne réalisation de gestes techniques.

Une situation tendue dans les mois à venir

Si pour l’ASN, “les contrôles n’ont pas mis en évidence de problème majeur“, elle exprime sa préoccupation pour les mois et années à venir, reconnaissant l’état de stress et de fatigue du personnel d’EDF et des entreprises sous-traitantes. Alors que le printemps et l’été sont habituellement consacrés aux arrêts pour maintenance des réacteurs, nombre d’entre eux ont été reportés pour éviter de concentrer trop de personnes sur les sites. Ceci a entraîné une reprogrammation des arrêts pour 30 réacteurs, étalée sur 2021, voire 2022. Ces changements d’organisation sont susceptibles d’aggraver les risques liés aux facteurs organisationnels et humains. Et alors que la maintenance de certains équipements laissait déjà à désirer, certains travaux devront attendre, entraînant des risques accrus de défaillance. Enfin, l’ASN met en garde contre le risque de devoir choisir entre sécurité d’approvisionnement et sûreté : si un défaut générique grave est découvert sur le parc nucléaire, il n’y aura plus de marge pour arrêter des réacteurs…

Une raison de plus pour enclencher un changement de système énergétique.

Charlotte Mijeon


Notes

[1Quelques rares inspections en présentiel ont eu lieu en réaction à certains incidents, notamment mi-avril après un feu d’hydrogène à Belleville-sur-Loire.

Des prestataires insuffisamment protégés

Dès le début de la crise du Covid-19, EDF a communiqué sur son plan pandémie, rendant possible un fonctionnement des réacteurs même avec 40 % d’effectifs manquants. Mais si des mesures ont été prises pour protéger le personnel EDF, celui des entreprises sous-traitantes, qui effectuent les travaux les plus dangereux, n’a pas été logé à la même enseigne. Très vite, l’association Ma Zone Contrôlée est montée au créneau, dénonçant l’insuffisance des protections, des équipements non désinfectés et une “coactivité“ empêchant le respect des gestes “barrières“. Ce n’est que le 27 avril que l’ensemble du personnel travaillant en centrale, sous-traitant compris, a pu disposer de masques. Si les sites nucléaires français ne se sont pas transformés en foyers de contamination massifs, cela n’a pas empêché des drames, comme à l’usine Orano de Romans-sur-Isère où un prestataire est décédé du Covid-19, après le rejet par la direction d’un droit d’alerte pour danger grave et imminent.

Des risques de fraude accrus

Cette situation particulière laisse craindre des conséquences pour la sûreté. Outre les erreurs éventuelles engendrées par le stress, Gilles Reynaud, président de Ma Zone Contrôlée, dénonce un risque accru de fraudes et de non-qualités de maintenance. En effet, comment imaginer que la surveillance des opérations de maintenance soit correctement effectuée par des chargé·es d’affaires en télétravail ? Ce risque de fraude a également été accru par la quasi-suspension des inspections sur site par l’Autorité de sûreté nucléaire à partir du 20 mars  [1]. Toutefois, suite à l’interpellation de syndicats et associations (dont le Réseau “Sortir du nucléaire“), celles-ci ont finalement repris afin de vérifier l’application des gestes barrières et la bonne réalisation de gestes techniques.

Une situation tendue dans les mois à venir

Si pour l’ASN, “les contrôles n’ont pas mis en évidence de problème majeur“, elle exprime sa préoccupation pour les mois et années à venir, reconnaissant l’état de stress et de fatigue du personnel d’EDF et des entreprises sous-traitantes. Alors que le printemps et l’été sont habituellement consacrés aux arrêts pour maintenance des réacteurs, nombre d’entre eux ont été reportés pour éviter de concentrer trop de personnes sur les sites. Ceci a entraîné une reprogrammation des arrêts pour 30 réacteurs, étalée sur 2021, voire 2022. Ces changements d’organisation sont susceptibles d’aggraver les risques liés aux facteurs organisationnels et humains. Et alors que la maintenance de certains équipements laissait déjà à désirer, certains travaux devront attendre, entraînant des risques accrus de défaillance. Enfin, l’ASN met en garde contre le risque de devoir choisir entre sécurité d’approvisionnement et sûreté : si un défaut générique grave est découvert sur le parc nucléaire, il n’y aura plus de marge pour arrêter des réacteurs…

Une raison de plus pour enclencher un changement de système énergétique.

Charlotte Mijeon



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