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Consultation de l’ASN sur la mise en service de l’EPR de Flamanville : simple formalité pour un rafiot nucléaire qui prend l’eau ?

Communiqué du 29 mars 2024



Mercredi 27 mars, l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) a ouvert à la consultation du public son projet de décision d’autorisation de la mise en service de l’EPR de Flamanville. Le véritable démarrage du réacteur est loin d’être effectif : le début de la réaction de fission (la "divergence" du réacteur) n’a pas encore de date. Mais l’ouverture de cette consultation est un pas de plus vers la possibilité d’une prochaine mise en service, c’est-à-dire du chargement du combustible dans la cuve du réacteur. Seulement, les documents mis à disposition par l’ASN mettent en évidence que des problèmes doivent encore être résolus avant celle-ci. Sans que cela ne semble aucunement entraver la perspective de la mise à l’eau d’un rafiot radioactif dont nous n’avons eu de cesse de pointer les défaillances.



Mobilisation à Caen le 23 mars 2024 pour demander à l’ASN de ne pas autoriser la mise en service de l’EPR de Flamanville

Des enjeux liés à la sûreté qui restent sans réponse

Le 31 août 2023, nous saisissions le parquet de Paris pour dénoncer des irrégularités dans la fabrication, via des sous-traitants, de pièces destinées à l’industrie nucléaire. Après avoir longtemps laissé planer le suspens, l’ASN confirme enfin, dans un courrier le 26 mars 2024, que certains matériels concernés sont destinés à l’EPR de Flamanville et demande donc des comptes à EDF, notamment "d’analyser les conséquences potentielles pour la sûreté" de ces irrégularités. Mais, dans son rapport d’instruction fourni dans le cadre de la consultation publique, l’ASN ne semble toujours pas avoir reçu ces analyses. Elle ne les a en tous cas pas encore instruites [1]. Elle n’a pas non plus en main les résultats d’essais que doit produire Framatome pour attester que des soupapes situées au cœur du réacteur, et donc fondamentales pour la sûreté, sont conformes aux normes de sûreté [2]. Nous avions déjà alerté sur le sujet.

En 2021, l’EPR de Taishan, construit en Chine sur le même modèle que l’EPR de Flamanville, avait fait parler de lui à cause de fuites radioactives. Alors que EDF se tait sur les raisons de ce problème et l’éventualité qu’il se retrouve sur l’EPR français, le laboratoire indépendant de la CRIIRAD en révèle l’origine. Le fond de la cuve des réacteurs EPR a été mal conçu. Les mouvements de l’eau dans laquelle sont immergées les gaines de combustible sont trop violents, ce qui les abîme et détruit du même coup la première barrière censée limiter la dispersion des produits radioactifs dans l’environnement [3]. Dans son rapport d’instruction, l’ASN demande à EDF d’installer un nouveau dispositif pour le limiter. Mais EDF n’est tenu d’en fournir la conception ainsi que le calendrier d’installation que pour le 31 décembre 2026 [4], soit bien après une éventuelle mise en service si on s’en tient aux récentes annonces gouvernementales. La date d’installation, elle, n’est pas précisée. L’ASN consulte donc le public sur un dossier encore incomplet. Et le rafiot n’a pas encore fait la preuve d’être capable de naviguer en toute sécurité.

Nouveau retard pour l’EPR de Flamanville : le nucléaire flotte au-dessus des lois ?

"Ça fait douze ans qu’on l’attend, on n’est pas à deux semaines près". C’est ainsi que Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’industrie, balaie d’un revers de main le nouveau retard pour la mise en service de l’EPR de Flamanville. L’ASN a en effet annoncé que le chargement de combustible est repoussé à la mi-avril au lieu du 31 mars comme initialement prévu. C’est ce que confirment les dates de consultation du public sur son projet de décision d’autorisation qui se tient du 27 mars au 17 avril 2024. Cela implique donc que le délai maximal "pour réaliser un premier chargement en combustible nucléaire", fixé au 10 avril 2024 par le Décret d’Autorisation de Création (DAC) du 10 avril 2007, ne sera pas respecté. Que se passe-t-il alors si ce délai n’est pas respecté ? Rien, et c’est tout le problème. Le Code de l’environnement prévoit bien que si ce délai n’est pas respecté, il peut être mis fin à l’autorisation de l’installation [5]. Si cela était le cas, l’exploitant devrait reprendre toute la procédure pour obtenir le DAC : fournir une nouvelle étude d’impact, une étude de maîtrise de risques, faire la preuve de ses capacités techniques et financières.... Cette date limite a en effet une véritable utilité, n’en déplaise à ceux qui n’en tiennent pas compte : celle de servir de garde fou pour éviter que ne soient mis en service des projets qui n’auraient plus grand chose à voir avec le projet initial. Les dernières fois où l’EPR avait accusé un retard, le DAC avait par ailleurs au moins été modifié suite à une demande d’EDF et une autorisation de l’ASN. Mais cette fois-ci, les attestations fournies par le pilote EDF il y a parfois de nombreuses années suffisent. L’ASN envisage d’autoriser la mise à flot d’un rafiot qui prend l’eau alors même que certaines de ses pièces radioactives devront bientôt être changées.

L’ASN assume de créer un nouveau déchet radioactif dans la précipitation

Il est connu depuis 2015 que le couvercle de la cuve de l’EPR de Flamanville présente une anomalie dans sa composition qui ne lui permet pas de remplir les caractéristiques de sûreté initialement exigées. En 2017, l’ASN autorise pourtant son utilisation mais sous couvert qu’il soit changé avant le 31 décembre 2024. Le 16 mai 2023, nouveau coup de théâtre : face à l’accumulation de retards de l’EPR, l’ASN autorise l’utilisation du couvercle jusqu’au premier arrêt pour rechargement du réacteur, soit entre 15 et 18 mois après avoir commencé à fonctionner. Mais l’Autorité "considère que dans le cas où le projet subirait à nouveau un retard important, l’exploitant devra réexaminer la possibilité de remplacer le couvercle avant la mise en service du réacteur." Il est prévu que le couvercle soit livré en octobre 2024. Il serait donc légitime de penser que, puisque le chantier n’en est pas "à deux semaines près", l’EPR puisse attendre l’installation de cette pièce avant toute opération de divergence et donc d’irradiation de tout le circuit primaire. Mais l’ASN assume au contraire de créer un nouveau déchet radioactif alors même qu’aujourd’hui rien n’est prévu pour le traiter [6]. Il sera donc stocké sur place. Mais qu’on se rassure, dans un bâtiment dédié répondant aux exigences de radioprotection. Certaines pièces du rafiot de Flamanville se transformeront donc bientôt en épaves radioactives dont les générations futures assumeront la charge durant de nombreuses décennies.

Encore une fois, l’industrie nucléaire avance avec le vent en poupe au détriment de la sûreté et des citoyens. Encore une fois, l’ASN, loin d’être une "autorité" et, encore moins de "sûreté" ne contrôle pas cette industrie moribonde et irresponsable. Pendant ce temps, le gouvernement, véritable capitaine à la manœuvre, hisse les voiles. Raz-de-marée radioactif à l’horizon !

Contact presse :

Marion Rivet - chargée des relations médias du Réseau "Sortir du nucléaire" : 06 64 66 01 23


Notes

[1"EDF [...] s’est engagé à réaliser des analyses de sûreté afin d’étudier les conséquences de leur défaillance pour la sûreté de l’installation. L’ASN instruira ces analyses préalablement à l’autorisation de mise en service de l’installation", Rapport d’instruction de l’ASN, p.32.

[2"Framatome a lancé une campagne d’essais approfondies. Les résultats de ces essais sont nécessaires à la délivrance de l’attestation de conformité de l’ensemble chaudière, qui est requise pour la mise en service du réacteur". Rapport d’instruction de l’ASN, p.33.

[4Page 3 de son projet de décision d’autorisation, l’ASN le formule de manière beaucoup plus sybilline : "Le retour d’expérience des premiers EPR mis en service a mis en évidence des fluctuations de débit en entrée de coeur. EDF a tenu compte de ce phénomène dans la démonstration de sûreté. Il convient toutefois de prescrire la remise d’un rapport présentant la conception détaillée ainsi que le calendrier d’installation d’un dispositif permettant de limiter les fluctuations de débit en entrée de coeur". La date du 31 décembre 2026 est indiquée p.9.

[6"Ainsi, le couvercle qui aura été retiré sera considéré comme un déchet radioactif qui, en attente d’une filière de traitement appropriée, sera entreposé sur le site dans un bâtiment dédié dont les dispositions constructives répondront notamment aux exgigences de radioprotection vis-à-vis des travailleurs et de l’environnement." Rapport d’instruction de l’ASN, p.106.

Mobilisation à Caen le 23 mars 2024 pour demander à l’ASN de ne pas autoriser la mise en service de l’EPR de Flamanville

Des enjeux liés à la sûreté qui restent sans réponse

Le 31 août 2023, nous saisissions le parquet de Paris pour dénoncer des irrégularités dans la fabrication, via des sous-traitants, de pièces destinées à l’industrie nucléaire. Après avoir longtemps laissé planer le suspens, l’ASN confirme enfin, dans un courrier le 26 mars 2024, que certains matériels concernés sont destinés à l’EPR de Flamanville et demande donc des comptes à EDF, notamment "d’analyser les conséquences potentielles pour la sûreté" de ces irrégularités. Mais, dans son rapport d’instruction fourni dans le cadre de la consultation publique, l’ASN ne semble toujours pas avoir reçu ces analyses. Elle ne les a en tous cas pas encore instruites [1]. Elle n’a pas non plus en main les résultats d’essais que doit produire Framatome pour attester que des soupapes situées au cœur du réacteur, et donc fondamentales pour la sûreté, sont conformes aux normes de sûreté [2]. Nous avions déjà alerté sur le sujet.

En 2021, l’EPR de Taishan, construit en Chine sur le même modèle que l’EPR de Flamanville, avait fait parler de lui à cause de fuites radioactives. Alors que EDF se tait sur les raisons de ce problème et l’éventualité qu’il se retrouve sur l’EPR français, le laboratoire indépendant de la CRIIRAD en révèle l’origine. Le fond de la cuve des réacteurs EPR a été mal conçu. Les mouvements de l’eau dans laquelle sont immergées les gaines de combustible sont trop violents, ce qui les abîme et détruit du même coup la première barrière censée limiter la dispersion des produits radioactifs dans l’environnement [3]. Dans son rapport d’instruction, l’ASN demande à EDF d’installer un nouveau dispositif pour le limiter. Mais EDF n’est tenu d’en fournir la conception ainsi que le calendrier d’installation que pour le 31 décembre 2026 [4], soit bien après une éventuelle mise en service si on s’en tient aux récentes annonces gouvernementales. La date d’installation, elle, n’est pas précisée. L’ASN consulte donc le public sur un dossier encore incomplet. Et le rafiot n’a pas encore fait la preuve d’être capable de naviguer en toute sécurité.

Nouveau retard pour l’EPR de Flamanville : le nucléaire flotte au-dessus des lois ?

"Ça fait douze ans qu’on l’attend, on n’est pas à deux semaines près". C’est ainsi que Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’industrie, balaie d’un revers de main le nouveau retard pour la mise en service de l’EPR de Flamanville. L’ASN a en effet annoncé que le chargement de combustible est repoussé à la mi-avril au lieu du 31 mars comme initialement prévu. C’est ce que confirment les dates de consultation du public sur son projet de décision d’autorisation qui se tient du 27 mars au 17 avril 2024. Cela implique donc que le délai maximal "pour réaliser un premier chargement en combustible nucléaire", fixé au 10 avril 2024 par le Décret d’Autorisation de Création (DAC) du 10 avril 2007, ne sera pas respecté. Que se passe-t-il alors si ce délai n’est pas respecté ? Rien, et c’est tout le problème. Le Code de l’environnement prévoit bien que si ce délai n’est pas respecté, il peut être mis fin à l’autorisation de l’installation [5]. Si cela était le cas, l’exploitant devrait reprendre toute la procédure pour obtenir le DAC : fournir une nouvelle étude d’impact, une étude de maîtrise de risques, faire la preuve de ses capacités techniques et financières.... Cette date limite a en effet une véritable utilité, n’en déplaise à ceux qui n’en tiennent pas compte : celle de servir de garde fou pour éviter que ne soient mis en service des projets qui n’auraient plus grand chose à voir avec le projet initial. Les dernières fois où l’EPR avait accusé un retard, le DAC avait par ailleurs au moins été modifié suite à une demande d’EDF et une autorisation de l’ASN. Mais cette fois-ci, les attestations fournies par le pilote EDF il y a parfois de nombreuses années suffisent. L’ASN envisage d’autoriser la mise à flot d’un rafiot qui prend l’eau alors même que certaines de ses pièces radioactives devront bientôt être changées.

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Il est connu depuis 2015 que le couvercle de la cuve de l’EPR de Flamanville présente une anomalie dans sa composition qui ne lui permet pas de remplir les caractéristiques de sûreté initialement exigées. En 2017, l’ASN autorise pourtant son utilisation mais sous couvert qu’il soit changé avant le 31 décembre 2024. Le 16 mai 2023, nouveau coup de théâtre : face à l’accumulation de retards de l’EPR, l’ASN autorise l’utilisation du couvercle jusqu’au premier arrêt pour rechargement du réacteur, soit entre 15 et 18 mois après avoir commencé à fonctionner. Mais l’Autorité "considère que dans le cas où le projet subirait à nouveau un retard important, l’exploitant devra réexaminer la possibilité de remplacer le couvercle avant la mise en service du réacteur." Il est prévu que le couvercle soit livré en octobre 2024. Il serait donc légitime de penser que, puisque le chantier n’en est pas "à deux semaines près", l’EPR puisse attendre l’installation de cette pièce avant toute opération de divergence et donc d’irradiation de tout le circuit primaire. Mais l’ASN assume au contraire de créer un nouveau déchet radioactif alors même qu’aujourd’hui rien n’est prévu pour le traiter [6]. Il sera donc stocké sur place. Mais qu’on se rassure, dans un bâtiment dédié répondant aux exigences de radioprotection. Certaines pièces du rafiot de Flamanville se transformeront donc bientôt en épaves radioactives dont les générations futures assumeront la charge durant de nombreuses décennies.

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