International
Rencontre avec... Leona Morgan
Lors des rencontres internationales antinucléaires nous avons rencontré des militantes de différents pays, l’occasion pour nous de réaliser quelques interviews. Pour la dernière de la série nous vous proposons une rencontre avec Leona Morgan, militante antinucléaire nord américaine.
Bonjour Leona, peux-tu te présenter ?
Je suis de l’ethnie Dineh [1] . Ma famille est originaire du nord-ouest du Nouveau-Mexique. Je ne connaissais rien à la question nucléaire avant de sortir de l’université pourtant j’ai grandi sur la réserve, à un peu plus d’une vingtaine de kilomètres de la plus importante contamination radioactive américaine [2] . Je suis militante antinucléaire et principalement préoccupée par l’éducation et la conscientisation.
Comment en es-tu arrivée à te préoccuper du nucléaire ?
En 2006-2007, il y a eu une hausse du prix de l’uranium. Les compagnies qui possédaient des terres se sont de nouveau intéressées au territoire pour exploiter l’uranium. Lorsque j’ai appris le projet de forage à proximité du village de ma famille, je me suis intéressée à la question. Je me suis alors demandé si ma grand-mère n’était pas décédée de cela. Elle ne fumait pas, vivait de façon traditionnelle en connexion avec la nature et pourtant elle est décédée d’un cancer du poumon au début des années 2000.
Quels sont les plus gros enjeux du mouvement antinucléaire aux États-Unis ?
Le mouvement antinucléaire est vieillissant. Nous avons grandement besoin de militants et de passation d’information entre les générations.
L’autre gros défi c’est comment on arrête cette folie. Je pense que s’intéresser aux mines est un bon début. Bien entendu il faut aussi arrêter l’autre bout de la chaîne les centrales et les armes.
Enfin, il me semble, et je pense que c’est vrai partout dans le monde, qu’il est difficile de travailler tous ensemble. Il y a toujours des mésententes pour diverses raisons (financières, idéologiques, etc.) et cela empêche le mouvement d’avancer. Il faut dépasser cela.
Plus directement dans les projets que je mène [3] je vois un enjeu fort. Celui de l’information des communautés. Les professionnels qui travaillent sur la question (médecins, chercheurs, avocats, experts, chimistes) sont des hommes blancs âgés vivant en ville et restant derrière leurs bureaux. Alors que la population du Nouveau-Mexique est principalement autochtone, jeune et rurale.
Comment le mouvement antinucléaire français peut-il vous aider ?
Merci de demander, c’est assez rare. La France devrait arrêter le nucléaire. Elle devrait mieux considérer l’impact de l’importation d’uranium sur les populations autochtones. Elle doit être responsable de ses actions. Il faut qu’elle ferme ces centrales, qu’elle arrête avec les armes nucléaires. Je pense que ni les États-Unis, ni la Chine, ni la Russie ne le feront en premier. Si la France le faisait, je crois que ça serait le meilleur exemple pour le monde.
Pour ce qui concerne plus directement mon travail, les organisations [4] pour lesquelles je suis bénévole acceptent les dons. C’est aussi une façon d’aider (rires).
Un dernier mot ?
Je pense qu’il nous faut franchir les obstacles de la culture et de la langue. Je suis convaincue qu’il nous faut créer notre propre force pour lutter contre le lobby nucléaire mondialisé.
Propos recueillis par Anne-Lise Devaux
Notes
[1] Les Navajos se nomment eux-mêmes Diné ou Dineh, “le Peuple“ dans leur langue.
[2] Church Rock, 16 juillet 1979
[3] Au Nouveau-Mexique se retrouve l’ensemble de la chaîne du nucléaire : projets d’ouverture de mines, mines désaffectées non nettoyées, projet de poubelle centralisée, transports d’uranium, usine de fabrication de Yellow Cake et base militaire entreposant des têtes nucléaires.
[4] Dineh No Nukes et Haul’No principalement.