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Sortir du nucléaire n°50



Eté 2011

Fukushima

Les heures d’après...

Hiromi Kawakami, romancière phare de la littérature japonaise contemporaine, a écrit en une nuit un texte sur la catastrophe qui a frappé le Japon. Extrait...

Fukushima

[...] S’agissant du séisme et du tsunami, je crois que les Japonais assumeront ce malheur avec résignation. Il n’en va pas de même pour ce qui est de l’accident de la centrale, toujours dans un état critique à l’heure où j’écris ces lignes, le 25 mars, et il est hors de question pour moi de me résigner à accepter la situation. C’est l’échec des hommes politiques qui n’ont pas fait preuve d’exigence lors de sa construction, c’est notre échec à nous tous qui les avons élus. C’est l’échec des constructeurs qui n’ont pas prêté l’oreille à ceux qui mettaient en doute sa sécurité, c’est aussi le crime de nous tous qui vivons dans les grandes villes sans nous soucier de rien, occupés seulement à l’essor de l’économie, demandant toujours plus à l’électronique, nous qui avons permis pour notre confort l’installation de la centrale de Fukushima loin de la capitale.

Nous qui avons la chance de posséder cette notion de l’impermanence, nous n’avons pas été capables de l’appliquer à nos centrales. Nous avons fermé les yeux, sans vouloir prendre conscience que l’énergie que fabrique l’homme, à qui il est impossible de se soustraire à l’impermanence, ne saurait être figée pour l’éternité.

L’énergie nucléaire, au même titre que la bombe atomique, est une puissance redoutable de contamination, que l’homme laissera sur la Terre après sa disparition, l’être humain dont le passage se réduit à une fraction de seconde. La demi-vie des substances radioactives qui émanent des appareils de la centrale est de huit jours pour l’iode 131, trente ans pour le césium 137, vingt quatre mille années pour le plutonium 239, quant à l’uranium 235, elle s’élève à sept cents millions d’années. À l’heure qu’il est, je serre les dents en prenant conscience avec âpreté de la signification de ces chiffres. À n’en pas douter, cette amertume imprégnera mes romans à venir, qui connaîtront une transformation sans heurt.

Hiromi Kawakami
Traduit du japonais par Élisabeth Shuetsijgu
Extrait d’un texte paru dans Télérama n°3196
en avril 2011

[...] S’agissant du séisme et du tsunami, je crois que les Japonais assumeront ce malheur avec résignation. Il n’en va pas de même pour ce qui est de l’accident de la centrale, toujours dans un état critique à l’heure où j’écris ces lignes, le 25 mars, et il est hors de question pour moi de me résigner à accepter la situation. C’est l’échec des hommes politiques qui n’ont pas fait preuve d’exigence lors de sa construction, c’est notre échec à nous tous qui les avons élus. C’est l’échec des constructeurs qui n’ont pas prêté l’oreille à ceux qui mettaient en doute sa sécurité, c’est aussi le crime de nous tous qui vivons dans les grandes villes sans nous soucier de rien, occupés seulement à l’essor de l’économie, demandant toujours plus à l’électronique, nous qui avons permis pour notre confort l’installation de la centrale de Fukushima loin de la capitale.

Nous qui avons la chance de posséder cette notion de l’impermanence, nous n’avons pas été capables de l’appliquer à nos centrales. Nous avons fermé les yeux, sans vouloir prendre conscience que l’énergie que fabrique l’homme, à qui il est impossible de se soustraire à l’impermanence, ne saurait être figée pour l’éternité.

L’énergie nucléaire, au même titre que la bombe atomique, est une puissance redoutable de contamination, que l’homme laissera sur la Terre après sa disparition, l’être humain dont le passage se réduit à une fraction de seconde. La demi-vie des substances radioactives qui émanent des appareils de la centrale est de huit jours pour l’iode 131, trente ans pour le césium 137, vingt quatre mille années pour le plutonium 239, quant à l’uranium 235, elle s’élève à sept cents millions d’années. À l’heure qu’il est, je serre les dents en prenant conscience avec âpreté de la signification de ces chiffres. À n’en pas douter, cette amertume imprégnera mes romans à venir, qui connaîtront une transformation sans heurt.

Hiromi Kawakami
Traduit du japonais par Élisabeth Shuetsijgu
Extrait d’un texte paru dans Télérama n°3196
en avril 2011



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