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Sortir du nucléaire n°99



Automne 2023
Crédit photo : Photomontage - Réseau "Sortir du nucléaire"

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La filière nucléaire tente de racketter les citoyens français et européens

Renationaliser EDF… et après ? Pour sauver le nucléaire, avoir un capital totalement étatique était une condition nécessaire, mais ce ne sera pas suffisant, car le talon d’Achille de la relance est toujours son financement.

Nucléaire et économie Coût du nucléaire EPR

C’est une constante historique. Comme le reconnait Bernard Doroszczuk, président de l’Autorité de Sûreté Nucléaire, dans une interview accordée aux Échos en janvier 2023 : « Depuis 20 ans, aucun des grands projets nucléaires ne s’est déroulé comme prévu. » Durées de construction qui s’allongent, coûts qui explosent : comme d’habitude, la filière nucléaire est incapable de respecter ses budgets prévisionnels. À Flamanville, le budget initial de l’EPR, fixé à 3,3 milliards d’euros, a été multiplié par 6. En relançant un programme nucléaire à marche forcée, la mafia nucléaire française et les dirigeants actuels engagent la France dans une impasse financière.

Les estimations pour la construction des trois premières paires de réacteurs français s’élevaient en 2022 officiellement à 51,7 milliards d’euros, hors coût de financement. Il a suffi d’un an pour qu’elles montent à un total de plus de 60 milliards d’euros. Mais les taux d’intérêt étant à la hausse, qu’en sera-t-il dans 10 ans ? Et les investisseurs privés ne veulent plus financer des développements risqués avec de très longs temps de retour.

Après sa re-nationalisation, l’électricien, affaibli par une dette de 65 milliards d’euros et une production électrique au ralenti, a besoin de financements publics colossaux pour construire les futurs réacteurs. Alors, d’où l’État, unique actionnaire d’EDF depuis le 8 juin 2023, va-t-il sortir les fonds ?

Augmenter le prix de l’électricité, piocher dans l’épargne

D’abord de la poche des consommateurs : en ajoutant la hausse de 10% au 1er août, le tarif réglementé dont dépendent quelques 23 millions de clients (sur 34 millions) aura donc augmenté de 31% depuis 2021. Et ce n’est pas fini : le PDG d’EDF, Luc Rémont, met en garde sur la tentation de maintenir des prix de l’électricité artificiellement bas en faisant porter l’effort à EDF.

Puis, en janvier 2023, il est envisagé de piocher sans vergogne dans l’épargne la plus populaire : « Je suis convaincu que l’épargne populaire (Livret A, Livret de développement durable et solidaire, Livret d’épargne populaire) qui, au total atteint 500 milliards d’euros aujourd’hui, peut davantage encore financer la transformation de notre appareil de production énergétique » déclarait Eric Lombard, patron de la Caisse des dépôts et consignations, devant les parlementaires. C’est bien là un choix éminemment politique qui relève du racket public et social : alors que les fonds du Livret A sont consacrés essentiellement au financement du logement social, il serait pertinent qu’ils viennent aussi soutenir massivement la rénovation des passoires thermiques, ce qui aurait un impact rapide sur les 10,5 % des Français, soit 3 millions de ménages, en situation de précarité énergétique. L’impact économique, sanitaire et aussi environnemental serait bien plus rapide que de choisir une industrie, qui durant les 10 à 15 ans de construction des EPR ne fera que nuire encore plus à l’environnement.

Manifestation contre les réacteurs nucléaires d’Hinkley Point, Octobre 2011 © Campaign for Nuclear Disarmament - Flickr - CC BY 2.0

De nombreux consommateurs ayant choisi de quitter EDF pour protester contre l’électronucléaire risquent donc de se retrouver à financer le ‘’nouveau nucléaire’’ via leur épargne. Il ne leur restera plus qu’à vider leurs livrets et investir autrement dans le renouvelable et la rénovation.

Talon d’Achille de la relance nucléaire, son financement devait être finalisé fin 2023 avant d’être repoussé cet été à fin 2024.

Des projets internationaux qui alourdissent la facture

À l’étranger aussi, EDF peine sur le plan financier. Après le fiasco de l’EPR finlandais, la France, via EDF, finance à 66,5% la construction des deux réacteurs de Hinkley Point C en Angleterre. Estimé à 16 milliards de livres sterling en 2016, le budget pourrait finalement atteindre les 32,7 milliards de livres (soit près de 38 milliards d’euros la paire d’EPR), suite à l’inflation et aux retards entraînant des surcoûts – la mise en service prévue pour 2025 ayant été repoussée à 2027. EDF doit donc trouver des fonds, et il n’est pas certain que le partenaire chinois CGNPC (33,5% des investissements) abonde ces nouveaux dépassements. En résumé, EDF s’engage à renflouer encore la construction des deux réacteurs anglais et s’apprête à en financer deux autres à Sizewell. Combien de temps les contribuables français vont ils permettre à leurs dirigeants de gaspiller le budget de la nation pour construire des centrales nucléaires à l’étranger ? Il n’est pas étonnant que, dans leur fuite en avant, les nucléocrates français cherchent à impliquer le maximum de partenaires européens.

Les nucléocrates français contaminent l’Europe

Le lobbying forcené des représentants français du nucléaire dans les instances européennes, passé inaperçu pour bon nombre de citoyens, s’avère honteusement efficace. Tout est fait pour que le nucléaire soit reconnu comme énergie de transition. Insidieusement, malgré l’opposition de beaucoup de pays, les déclinaisons des différents textes européens prévoient le recours au nucléaire, notamment pour la production d’hydrogène.

Pire, depuis février 2023, la France organise l’Alliance pour le nucléaire, des réunions fréquentes autour du concept de défense du nucléaire en Europe. Il est demandé à la Commission européenne d’observer une « stricte neutralité financière entre le nucléaire et les renouvelables ». Concrètement, il s’agit de construire 30 à 45 nouveaux grands réacteurs en Europe et de développer de petits réacteurs modulaires (SMR).

Depuis longtemps, les dirigeants d’EDF ont surfé sur le mythe d’une énergie nucléaire abondante et bon marché, sous-estimant constamment les coûts du nucléaire, dépassant de loin les prévisions officielles. Au final, qui va payer ?

Plus que jamais, il faut dénoncer ce racket économique du pays, doublé du mépris de l’éthique indispensable à l’avenir de l’Humanité.

Philippe Lambersens et Bernard Cottier

C’est une constante historique. Comme le reconnait Bernard Doroszczuk, président de l’Autorité de Sûreté Nucléaire, dans une interview accordée aux Échos en janvier 2023 : « Depuis 20 ans, aucun des grands projets nucléaires ne s’est déroulé comme prévu. » Durées de construction qui s’allongent, coûts qui explosent : comme d’habitude, la filière nucléaire est incapable de respecter ses budgets prévisionnels. À Flamanville, le budget initial de l’EPR, fixé à 3,3 milliards d’euros, a été multiplié par 6. En relançant un programme nucléaire à marche forcée, la mafia nucléaire française et les dirigeants actuels engagent la France dans une impasse financière.

Les estimations pour la construction des trois premières paires de réacteurs français s’élevaient en 2022 officiellement à 51,7 milliards d’euros, hors coût de financement. Il a suffi d’un an pour qu’elles montent à un total de plus de 60 milliards d’euros. Mais les taux d’intérêt étant à la hausse, qu’en sera-t-il dans 10 ans ? Et les investisseurs privés ne veulent plus financer des développements risqués avec de très longs temps de retour.

Après sa re-nationalisation, l’électricien, affaibli par une dette de 65 milliards d’euros et une production électrique au ralenti, a besoin de financements publics colossaux pour construire les futurs réacteurs. Alors, d’où l’État, unique actionnaire d’EDF depuis le 8 juin 2023, va-t-il sortir les fonds ?

Augmenter le prix de l’électricité, piocher dans l’épargne

D’abord de la poche des consommateurs : en ajoutant la hausse de 10% au 1er août, le tarif réglementé dont dépendent quelques 23 millions de clients (sur 34 millions) aura donc augmenté de 31% depuis 2021. Et ce n’est pas fini : le PDG d’EDF, Luc Rémont, met en garde sur la tentation de maintenir des prix de l’électricité artificiellement bas en faisant porter l’effort à EDF.

Puis, en janvier 2023, il est envisagé de piocher sans vergogne dans l’épargne la plus populaire : « Je suis convaincu que l’épargne populaire (Livret A, Livret de développement durable et solidaire, Livret d’épargne populaire) qui, au total atteint 500 milliards d’euros aujourd’hui, peut davantage encore financer la transformation de notre appareil de production énergétique » déclarait Eric Lombard, patron de la Caisse des dépôts et consignations, devant les parlementaires. C’est bien là un choix éminemment politique qui relève du racket public et social : alors que les fonds du Livret A sont consacrés essentiellement au financement du logement social, il serait pertinent qu’ils viennent aussi soutenir massivement la rénovation des passoires thermiques, ce qui aurait un impact rapide sur les 10,5 % des Français, soit 3 millions de ménages, en situation de précarité énergétique. L’impact économique, sanitaire et aussi environnemental serait bien plus rapide que de choisir une industrie, qui durant les 10 à 15 ans de construction des EPR ne fera que nuire encore plus à l’environnement.

Manifestation contre les réacteurs nucléaires d’Hinkley Point, Octobre 2011 © Campaign for Nuclear Disarmament - Flickr - CC BY 2.0

De nombreux consommateurs ayant choisi de quitter EDF pour protester contre l’électronucléaire risquent donc de se retrouver à financer le ‘’nouveau nucléaire’’ via leur épargne. Il ne leur restera plus qu’à vider leurs livrets et investir autrement dans le renouvelable et la rénovation.

Talon d’Achille de la relance nucléaire, son financement devait être finalisé fin 2023 avant d’être repoussé cet été à fin 2024.

Des projets internationaux qui alourdissent la facture

À l’étranger aussi, EDF peine sur le plan financier. Après le fiasco de l’EPR finlandais, la France, via EDF, finance à 66,5% la construction des deux réacteurs de Hinkley Point C en Angleterre. Estimé à 16 milliards de livres sterling en 2016, le budget pourrait finalement atteindre les 32,7 milliards de livres (soit près de 38 milliards d’euros la paire d’EPR), suite à l’inflation et aux retards entraînant des surcoûts – la mise en service prévue pour 2025 ayant été repoussée à 2027. EDF doit donc trouver des fonds, et il n’est pas certain que le partenaire chinois CGNPC (33,5% des investissements) abonde ces nouveaux dépassements. En résumé, EDF s’engage à renflouer encore la construction des deux réacteurs anglais et s’apprête à en financer deux autres à Sizewell. Combien de temps les contribuables français vont ils permettre à leurs dirigeants de gaspiller le budget de la nation pour construire des centrales nucléaires à l’étranger ? Il n’est pas étonnant que, dans leur fuite en avant, les nucléocrates français cherchent à impliquer le maximum de partenaires européens.

Les nucléocrates français contaminent l’Europe

Le lobbying forcené des représentants français du nucléaire dans les instances européennes, passé inaperçu pour bon nombre de citoyens, s’avère honteusement efficace. Tout est fait pour que le nucléaire soit reconnu comme énergie de transition. Insidieusement, malgré l’opposition de beaucoup de pays, les déclinaisons des différents textes européens prévoient le recours au nucléaire, notamment pour la production d’hydrogène.

Pire, depuis février 2023, la France organise l’Alliance pour le nucléaire, des réunions fréquentes autour du concept de défense du nucléaire en Europe. Il est demandé à la Commission européenne d’observer une « stricte neutralité financière entre le nucléaire et les renouvelables ». Concrètement, il s’agit de construire 30 à 45 nouveaux grands réacteurs en Europe et de développer de petits réacteurs modulaires (SMR).

Depuis longtemps, les dirigeants d’EDF ont surfé sur le mythe d’une énergie nucléaire abondante et bon marché, sous-estimant constamment les coûts du nucléaire, dépassant de loin les prévisions officielles. Au final, qui va payer ?

Plus que jamais, il faut dénoncer ce racket économique du pays, doublé du mépris de l’éthique indispensable à l’avenir de l’Humanité.

Philippe Lambersens et Bernard Cottier



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