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Sortir du nucléaire n°95



Automne 2022

Renationaliser EDF, pour quoi faire ?

Alors que la moitié du parc nucléaire est à l’arrêt, l’État a annoncé la renationalisation d’EDF. Une tentative désespérée et insuffisante pour sortir l’entreprise de la crise et sauver le nucléaire français.

Crédit : Olrat - AdobeStock
Olrat - AdobeStock

Du quasi monopole public à l’entreprise privée d’Etat

Après le développement de l’électrification dans les années 30 par de nombreuses entreprises privées, en 1946 est créé Électricité de France (EDF), établissement public national de caractère industriel et commercial, en application du programme du Conseil National de la Résistance considérant que l’énergie constitue un bien public et, qu’à ce titre, sa gestion ne peut demeurer aux mains de sociétés privées. EDF développe alors la construction de grands ouvrages hydroélectriques et thermiques, suivis dans les années 60 par les réacteurs nucléaires graphite-gaz, puis 58 réacteurs à eau sous pression, mis en service de 1978 à 1999. EDF est alors en situation de quasi-monopole de production, transport et vente d’électricité.

Au début des années 2000, sous la pression de la Commission Européenne, le statut d’EDF change progressivement vers un statut d’entreprise privée concurrentielle. La séparation en entités distinctes des activités de production, transport (RTE) ou encore distribution (Enedis), est d’abord entérinée. En 2004, EDF devient une société anonyme à capitaux publics et en 2005, l’entreprise introduit 15 % de son capital à la bourse de Paris. Aujourd’hui le capital est détenu à 83,4% par l’État. Malgré l’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité en 2007, l’entreprise conserve une large place dans le secteur de l’électricité, avec ses filiales RTE et Enedis. Mais la concurrence n’a pas eu les effets escomptés sur la baisse des prix de l’électricité, ni sur le développement des énergies renouvelables, malgré différents systèmes de régulation mis en place (CRE, TURPE, tarif bleu EDF, ARENH, bouclier tarifaire).

Une entreprise en crise face à un mur d’investissement 

À la suite d’investissements douteux à l’étranger et surtout d’une baisse de rendement (« facteur de charge ») de la production des vieux réacteurs (de 430 TWh en 2005 à 300 Twh en 2022), EDF a accumulé une lourde dette. Or avec les réacteurs à l’arrêt (30 sur 56 fin août) limitant la production d’électricité, et avec la mise à la charge d’EDF du bouclier tarifaire gouvernemental limitant à 4% l’augmentation des tarifs de l’électricité, cette dette devrait atteindre les 70 milliards d’euros en fin d’année. Comment, alors, financer la prolongation du parc nucléaire vieillissant (75 milliards €) en même temps que la construction, au minimum, de six nouveaux EPR (50 milliards €... sans revenus pendant 15 ans), sans même parler de rattraper le retard de développement des énergies renouvelables ?

Pour sauver le nucléaire, une renationalisation nécessaire, mais non suffisante

Ce financement compliqué sur les marchés est probablement un des éléments poussant le gouvernement à accélérer l’étatisation d’EDF. Une ligne budgétaire de 10 milliards d’euros a été votée fin août pour que l’État rachète les 15,6%, de façon à devenir l’unique actionnaire d’EDF. Ainsi, l’État aura les mains libres pour imposer sa politique de relance du nucléaire. Mais le gouvernement n’a jusque-là donné aucune information précise sur ce qu’il entendait ensuite faire pour redresser EDF. Si la France veut mettre en place une régulation ou une aide d’État à EDF, cela implique qu’elle soumette à la Commission européenne un projet acceptable.

Hercule ou on avance ?

Le projet Hercule va-t-il ressurgir ? L’État privatiserait la partie commerciale de l’électricien et les énergies renouvelables, EDF ne conservant que la production nucléaire et hydraulique. Plus clairement, nationaliser les pertes et privatiser les parties rentables... Mais pour y arriver le gouvernement devra affronter les oppositions, notamment celle des syndicats d’EDF refusant depuis longtemps un démantèlement d’EDF. Un appel a été lancé en mai 2021 par différentes personnalités de gauche et écologistes pour « la construction d’un véritable service public de l’énergie sous contrôle citoyen ». Cette tribune nous rappelle la campagne du Réseau "Sortir du nucléaire" de ... 2004 !

« Un vrai service public, au service du public, devrait avoir comme mission essentielle de favoriser les énergies qui ne mettent pas en danger les générations présentes et futures. Son rôle est de développer les économies d’énergie et les énergies renouvelables dans l’intérêt de tous. »

Il est temps en 2022 de sortir de la seule focalisation sur un monopole public de l’atome pour élargir à un service public de l’ensemble de l’énergie (production mais aussi économies d’énergies), qui doit être géré comme un bien commun.

Martial Chateau et Philippe Lambersens

Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter la vidéo "Comment Macron, le "banquier d’affaires" menace EDF, réalisée par Le Média.

Crédit : Olrat - AdobeStock
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Du quasi monopole public à l’entreprise privée d’Etat

Après le développement de l’électrification dans les années 30 par de nombreuses entreprises privées, en 1946 est créé Électricité de France (EDF), établissement public national de caractère industriel et commercial, en application du programme du Conseil National de la Résistance considérant que l’énergie constitue un bien public et, qu’à ce titre, sa gestion ne peut demeurer aux mains de sociétés privées. EDF développe alors la construction de grands ouvrages hydroélectriques et thermiques, suivis dans les années 60 par les réacteurs nucléaires graphite-gaz, puis 58 réacteurs à eau sous pression, mis en service de 1978 à 1999. EDF est alors en situation de quasi-monopole de production, transport et vente d’électricité.

Au début des années 2000, sous la pression de la Commission Européenne, le statut d’EDF change progressivement vers un statut d’entreprise privée concurrentielle. La séparation en entités distinctes des activités de production, transport (RTE) ou encore distribution (Enedis), est d’abord entérinée. En 2004, EDF devient une société anonyme à capitaux publics et en 2005, l’entreprise introduit 15 % de son capital à la bourse de Paris. Aujourd’hui le capital est détenu à 83,4% par l’État. Malgré l’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité en 2007, l’entreprise conserve une large place dans le secteur de l’électricité, avec ses filiales RTE et Enedis. Mais la concurrence n’a pas eu les effets escomptés sur la baisse des prix de l’électricité, ni sur le développement des énergies renouvelables, malgré différents systèmes de régulation mis en place (CRE, TURPE, tarif bleu EDF, ARENH, bouclier tarifaire).

Une entreprise en crise face à un mur d’investissement 

À la suite d’investissements douteux à l’étranger et surtout d’une baisse de rendement (« facteur de charge ») de la production des vieux réacteurs (de 430 TWh en 2005 à 300 Twh en 2022), EDF a accumulé une lourde dette. Or avec les réacteurs à l’arrêt (30 sur 56 fin août) limitant la production d’électricité, et avec la mise à la charge d’EDF du bouclier tarifaire gouvernemental limitant à 4% l’augmentation des tarifs de l’électricité, cette dette devrait atteindre les 70 milliards d’euros en fin d’année. Comment, alors, financer la prolongation du parc nucléaire vieillissant (75 milliards €) en même temps que la construction, au minimum, de six nouveaux EPR (50 milliards €... sans revenus pendant 15 ans), sans même parler de rattraper le retard de développement des énergies renouvelables ?

Pour sauver le nucléaire, une renationalisation nécessaire, mais non suffisante

Ce financement compliqué sur les marchés est probablement un des éléments poussant le gouvernement à accélérer l’étatisation d’EDF. Une ligne budgétaire de 10 milliards d’euros a été votée fin août pour que l’État rachète les 15,6%, de façon à devenir l’unique actionnaire d’EDF. Ainsi, l’État aura les mains libres pour imposer sa politique de relance du nucléaire. Mais le gouvernement n’a jusque-là donné aucune information précise sur ce qu’il entendait ensuite faire pour redresser EDF. Si la France veut mettre en place une régulation ou une aide d’État à EDF, cela implique qu’elle soumette à la Commission européenne un projet acceptable.

Hercule ou on avance ?

Le projet Hercule va-t-il ressurgir ? L’État privatiserait la partie commerciale de l’électricien et les énergies renouvelables, EDF ne conservant que la production nucléaire et hydraulique. Plus clairement, nationaliser les pertes et privatiser les parties rentables... Mais pour y arriver le gouvernement devra affronter les oppositions, notamment celle des syndicats d’EDF refusant depuis longtemps un démantèlement d’EDF. Un appel a été lancé en mai 2021 par différentes personnalités de gauche et écologistes pour « la construction d’un véritable service public de l’énergie sous contrôle citoyen ». Cette tribune nous rappelle la campagne du Réseau "Sortir du nucléaire" de ... 2004 !

« Un vrai service public, au service du public, devrait avoir comme mission essentielle de favoriser les énergies qui ne mettent pas en danger les générations présentes et futures. Son rôle est de développer les économies d’énergie et les énergies renouvelables dans l’intérêt de tous. »

Il est temps en 2022 de sortir de la seule focalisation sur un monopole public de l’atome pour élargir à un service public de l’ensemble de l’énergie (production mais aussi économies d’énergies), qui doit être géré comme un bien commun.

Martial Chateau et Philippe Lambersens

Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter la vidéo "Comment Macron, le "banquier d’affaires" menace EDF, réalisée par Le Média.



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