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Sortir du nucléaire n°23



Décembre 2003

Sciences

L’imposture nucléaire

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°23 - Décembre 2003

 Sites nucléaires
Article publié le : 1er décembre 2003


Certains d’entre vous se souviennent peut-être de l’histoire rocambolesque de la parution du livre sur les déchets nucléaires d’Armand Faussat, ancien du CEA, puis de l’ANDRA. Son manuscrit destiné à remplacer le “ Que sais-je ? ” alors obsolète sur le sujet, a été dérobé lors d’un cambriolage de l’imprimerie des Presses de la Cité digne des plus beaux romans noirs.. Dans une lettre adressée à Armand Faussat, son éditeur écrit : “ le contenu même de l’ouvrage semble faire l’objet d’interrogations officielles et officieuses pour le moins étranges ”…

Le livre fut finalement publié par les éditions Stock sur leur demande, mais il n’a pas bien sûr l’impact pédagogique d’un “ Que sais-je ? ”. Armand Faussat y raconte en préambule, l’histoire du cambriolage et ses suites éditoriales. Le Canard Enchaîné a alors soupçonné le président de l’ANDRA de l’époque d’avoir commandité l’affaire. Il est vrai que le livre contient des précisions fondamentales sur l’activité massique des déchets du combustible nucléaire qu’on ne trouve nulle part ailleurs, dans les documents officiels ou manuels de référence sur les déchets (1).

Les valeurs principales qui caractérisent un radioélément sont de trois ordres :

- la nature du rayonnement qu’il émet (alpha, bêta, gamma ou rayons X),

- sa durée de vie, évaluée par sa période (demi-vie), qui va de la seconde à des milliers d’années.

- son “ activité massique ”, exprimée en becquerels/gramme, le becquerel (Bq) étant l’émission d’une particule par seconde.

Les lois de la physique nucléaire font que l’activité massique, qui caractérise la capacité de pollution et de contamination du radioélément , est d’autant plus grande que sa vie est plus courte. C’est ainsi que j’ai pu écrire dans mon livre sur le plutonium (2) qu’un gramme de plutonium, qui a une demi-vie de 24386 ans émet 200 000 fois plus de particules alpha qu’un gramme d’uranium avec une demi-vie de 2,5 milliards d’années. Cette donnée de base sur la nuisance des déchets de l’industrie électronucléaire est aussi mise en avant dans le livre d’André Faussat et ne plaît pas à beaucoup.

En premier lieu, il ne plait pas aux organes officiels de l’industrie nucléaire qui doivent aussi assurer sa promotion, en même temps que son contrôle environnemental. C’est le cas de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) et de son organisme technique, la CIPR (Commission Internationale de Protection Radiologique). Par un souci louable de précision scientifique, ces organes officiels remplacent le Bq, qui mesure le rayonnement émis, par le sievert (Sv) qui doit caractériser la toxicité pour l’homme du rayonnement absorbé. Il est regrettable que ces normes, établies pour la radioprotection des travailleurs (et des riverains) ne concernent que l’homme et pas tout le monde vivant menacé par l’électronucléaire. Le Professeur Aurengo représentant de la France à la CIPR, interrogé publiquement en décembre 2002 lors de l’assemblée générale des présidents de CLI (les Commissions Locales d’Information), a admis que le sievert ne pouvait pas être considéré comme une unité de mesure, mais plutôt comme un “ index de risque ” dû au rayonnement. La radiotoxicité, elle, serait ainsi, mesurée en Sv/Bq, différente selon les radioéléments. Ceux-ci sont ainsi, selon la norme (3), rangés en quatre classes (colonne 9) numérotées du plus toxique au moins toxique (se reporter au tableau ci-contre). La confusion est ainsi entretenue entre radiotoxicité et activité massique.

Pour situer la toxicité pour la planète des différents radioéléments qu’elle porte aujourd’hui, j’ai réuni dans un même tableau des radioéléments qui ont une durée de vie entre le jour et l’année, ou le millier d’année, et mettent ainsi en danger la vie des êtres vivants et de leur descendance (plantes, animaux et humains, les uns consommant les autres dans leurs cycles biologiques et se contaminant mutuellement).

Leurs origines (colonne 2) sont diverses mais bien identifiées : industrielle, sous forme de déchets ou de matières premières civiles ; militaires, par des retombées d’essais nucléaires passés ou cachés, et des combustibles nucléaires pour bombes ou sous-marins nucléaires. J’ai ajouté aussi des radioéléments naturels, beaucoup plus dispersés et présents, mais aussi bien moins radioactifs, avec des ordres de grandeurs de un au lieu d’un million de Bq. Le rapprochement entretenu par certains (4) entre radioactivités naturelle et artificielle est une autre imposture.

Selon les rayonnements émis, certains radioéléments agissent sur le vivant par irradiation (colonne 4) externe ionisante, les autres agissent par contamination (colonne 3) interne et modification de l’ADN des cellules vivantes atteintes. C’est à la fois plus proliférant et moins détectable.

Certains déchets radioactifs ont un usage (colonne 5), ils sont recyclés et leur pollution est ainsi démultipliée. C’est le cas du plutonium, extrait à La Hague pour en faire un nouveau combustible remplaçant l’uranium, le MOX. Il circule ainsi sur les routes par camions (5). Il est aussi nécessaire à la fabrication de bombes atomiques en cas de guerre. Certains produits de fission sont utilisés en médecine comme outils de diagnostic et de thérapie, et dans l’industrie pour radiographier les métaux à la place des rayons X. L’uranium appauvri en son isotope 235 à Pierrelatte est utilisé par l’armée comme pointes pénétrantes d’obus.

Ces obus ont déjà pollué les champs de bataille d’Irak et du Kosovo (6). Les radioéléments gazeux, hormis le tritium, étant les plus volatils, le sol et l’eau qui ruisselle sont les plus en danger de pollution (colonne 6). En cas d’explosion d’une installation, l’iode 131 se volatilisera et se fixera sur les glandes thyroïdes des riverains. Rien ne nous assure aujourd’hui que les ferrailles radioactives issues du démantèlement des installations ne finiront pas chez les ferrailleurs pour des usages courants. Qui le contrôlera ?

La conclusion de cette analyse est que si l’on rapproche les activités massiques (colonne 7), souvent ignorées, des longues périodes radioactives supérieurs à 10 ans et plus, on s’aperçoit que la pollution de la planète est en marche grâce aux déchets de haute activité et à vie longue contenus dans le combustible usé des centrales, et aussi dans les retombées des essais militaires. Ce sont des transuraniens, aussi appelés actinides, les nouveaux atomes de l’ère atomique. On essaye à grands frais de les isoler pour les surveiller. Pour combien de siècles ? Il y a aussi les produits de fission de vie plus courte, dont certains sont recyclés (Co60 ou Cs137). Mais aussi le plutonium d’usage civil et militaire. Les 400 réacteurs nucléaires en fonctionnement dans le monde en produisent annuellement 80 tonnes. Ils en ont produit 2000 tonnes depuis 1962, début de la production électronucléaire dans le monde. A raison de 0,1 milligramme absorbable durant plus de 24000 ans par un être vivant contaminé, c’est 200 milliards d’êtres vivants qui sont en danger de disparition. Ce mode de production d’énergie contribue largement à la disparition des espèces. L’urgence de l’arrêt de la production d’électricité nucléaire ne se discute même pas (7).

Jean-Pierre Morichaud, Le Forum Plutonium.

Courriel : j.p.morichaud-fsu@wanadoo.fr

Echelle de toxicité des radioéléments

Notes :

1. Rapport de l’Observatoire National de l’Andra, édition 2000, gratuit ; Les toxiques nucléaires de Pierre Galle (Masson)1998.

2. “ La filière nucléaire du plutonium, menace sur le vivant ” aux Editions Yves Michel, pour 9,5 euros seulement.

3. Norme européenne 96/29, transposée en France en avril 2001 par la Direction Générale dela Santé.

4. dont un Prix Nobel de physique.

5. www.stop-plutonium.org..

6. “Uranium appauvri, un dossier explosif ” par Bruno Barillot, éditions Golias, mai 2001.

Certains d’entre vous se souviennent peut-être de l’histoire rocambolesque de la parution du livre sur les déchets nucléaires d’Armand Faussat, ancien du CEA, puis de l’ANDRA. Son manuscrit destiné à remplacer le “ Que sais-je ? ” alors obsolète sur le sujet, a été dérobé lors d’un cambriolage de l’imprimerie des Presses de la Cité digne des plus beaux romans noirs.. Dans une lettre adressée à Armand Faussat, son éditeur écrit : “ le contenu même de l’ouvrage semble faire l’objet d’interrogations officielles et officieuses pour le moins étranges ”…

Le livre fut finalement publié par les éditions Stock sur leur demande, mais il n’a pas bien sûr l’impact pédagogique d’un “ Que sais-je ? ”. Armand Faussat y raconte en préambule, l’histoire du cambriolage et ses suites éditoriales. Le Canard Enchaîné a alors soupçonné le président de l’ANDRA de l’époque d’avoir commandité l’affaire. Il est vrai que le livre contient des précisions fondamentales sur l’activité massique des déchets du combustible nucléaire qu’on ne trouve nulle part ailleurs, dans les documents officiels ou manuels de référence sur les déchets (1).

Les valeurs principales qui caractérisent un radioélément sont de trois ordres :

- la nature du rayonnement qu’il émet (alpha, bêta, gamma ou rayons X),

- sa durée de vie, évaluée par sa période (demi-vie), qui va de la seconde à des milliers d’années.

- son “ activité massique ”, exprimée en becquerels/gramme, le becquerel (Bq) étant l’émission d’une particule par seconde.

Les lois de la physique nucléaire font que l’activité massique, qui caractérise la capacité de pollution et de contamination du radioélément , est d’autant plus grande que sa vie est plus courte. C’est ainsi que j’ai pu écrire dans mon livre sur le plutonium (2) qu’un gramme de plutonium, qui a une demi-vie de 24386 ans émet 200 000 fois plus de particules alpha qu’un gramme d’uranium avec une demi-vie de 2,5 milliards d’années. Cette donnée de base sur la nuisance des déchets de l’industrie électronucléaire est aussi mise en avant dans le livre d’André Faussat et ne plaît pas à beaucoup.

En premier lieu, il ne plait pas aux organes officiels de l’industrie nucléaire qui doivent aussi assurer sa promotion, en même temps que son contrôle environnemental. C’est le cas de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) et de son organisme technique, la CIPR (Commission Internationale de Protection Radiologique). Par un souci louable de précision scientifique, ces organes officiels remplacent le Bq, qui mesure le rayonnement émis, par le sievert (Sv) qui doit caractériser la toxicité pour l’homme du rayonnement absorbé. Il est regrettable que ces normes, établies pour la radioprotection des travailleurs (et des riverains) ne concernent que l’homme et pas tout le monde vivant menacé par l’électronucléaire. Le Professeur Aurengo représentant de la France à la CIPR, interrogé publiquement en décembre 2002 lors de l’assemblée générale des présidents de CLI (les Commissions Locales d’Information), a admis que le sievert ne pouvait pas être considéré comme une unité de mesure, mais plutôt comme un “ index de risque ” dû au rayonnement. La radiotoxicité, elle, serait ainsi, mesurée en Sv/Bq, différente selon les radioéléments. Ceux-ci sont ainsi, selon la norme (3), rangés en quatre classes (colonne 9) numérotées du plus toxique au moins toxique (se reporter au tableau ci-contre). La confusion est ainsi entretenue entre radiotoxicité et activité massique.

Pour situer la toxicité pour la planète des différents radioéléments qu’elle porte aujourd’hui, j’ai réuni dans un même tableau des radioéléments qui ont une durée de vie entre le jour et l’année, ou le millier d’année, et mettent ainsi en danger la vie des êtres vivants et de leur descendance (plantes, animaux et humains, les uns consommant les autres dans leurs cycles biologiques et se contaminant mutuellement).

Leurs origines (colonne 2) sont diverses mais bien identifiées : industrielle, sous forme de déchets ou de matières premières civiles ; militaires, par des retombées d’essais nucléaires passés ou cachés, et des combustibles nucléaires pour bombes ou sous-marins nucléaires. J’ai ajouté aussi des radioéléments naturels, beaucoup plus dispersés et présents, mais aussi bien moins radioactifs, avec des ordres de grandeurs de un au lieu d’un million de Bq. Le rapprochement entretenu par certains (4) entre radioactivités naturelle et artificielle est une autre imposture.

Selon les rayonnements émis, certains radioéléments agissent sur le vivant par irradiation (colonne 4) externe ionisante, les autres agissent par contamination (colonne 3) interne et modification de l’ADN des cellules vivantes atteintes. C’est à la fois plus proliférant et moins détectable.

Certains déchets radioactifs ont un usage (colonne 5), ils sont recyclés et leur pollution est ainsi démultipliée. C’est le cas du plutonium, extrait à La Hague pour en faire un nouveau combustible remplaçant l’uranium, le MOX. Il circule ainsi sur les routes par camions (5). Il est aussi nécessaire à la fabrication de bombes atomiques en cas de guerre. Certains produits de fission sont utilisés en médecine comme outils de diagnostic et de thérapie, et dans l’industrie pour radiographier les métaux à la place des rayons X. L’uranium appauvri en son isotope 235 à Pierrelatte est utilisé par l’armée comme pointes pénétrantes d’obus.

Ces obus ont déjà pollué les champs de bataille d’Irak et du Kosovo (6). Les radioéléments gazeux, hormis le tritium, étant les plus volatils, le sol et l’eau qui ruisselle sont les plus en danger de pollution (colonne 6). En cas d’explosion d’une installation, l’iode 131 se volatilisera et se fixera sur les glandes thyroïdes des riverains. Rien ne nous assure aujourd’hui que les ferrailles radioactives issues du démantèlement des installations ne finiront pas chez les ferrailleurs pour des usages courants. Qui le contrôlera ?

La conclusion de cette analyse est que si l’on rapproche les activités massiques (colonne 7), souvent ignorées, des longues périodes radioactives supérieurs à 10 ans et plus, on s’aperçoit que la pollution de la planète est en marche grâce aux déchets de haute activité et à vie longue contenus dans le combustible usé des centrales, et aussi dans les retombées des essais militaires. Ce sont des transuraniens, aussi appelés actinides, les nouveaux atomes de l’ère atomique. On essaye à grands frais de les isoler pour les surveiller. Pour combien de siècles ? Il y a aussi les produits de fission de vie plus courte, dont certains sont recyclés (Co60 ou Cs137). Mais aussi le plutonium d’usage civil et militaire. Les 400 réacteurs nucléaires en fonctionnement dans le monde en produisent annuellement 80 tonnes. Ils en ont produit 2000 tonnes depuis 1962, début de la production électronucléaire dans le monde. A raison de 0,1 milligramme absorbable durant plus de 24000 ans par un être vivant contaminé, c’est 200 milliards d’êtres vivants qui sont en danger de disparition. Ce mode de production d’énergie contribue largement à la disparition des espèces. L’urgence de l’arrêt de la production d’électricité nucléaire ne se discute même pas (7).

Jean-Pierre Morichaud, Le Forum Plutonium.

Courriel : j.p.morichaud-fsu@wanadoo.fr

Echelle de toxicité des radioéléments

Notes :

1. Rapport de l’Observatoire National de l’Andra, édition 2000, gratuit ; Les toxiques nucléaires de Pierre Galle (Masson)1998.

2. “ La filière nucléaire du plutonium, menace sur le vivant ” aux Editions Yves Michel, pour 9,5 euros seulement.

3. Norme européenne 96/29, transposée en France en avril 2001 par la Direction Générale dela Santé.

4. dont un Prix Nobel de physique.

5. www.stop-plutonium.org..

6. “Uranium appauvri, un dossier explosif ” par Bruno Barillot, éditions Golias, mai 2001.



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