Référendum
Une décision de grande envergure
Il y a 25 ans, l’Autriche disait NEIN au nucléaire
Douze ans auront séparé les deux guerres du Golfe. Douze ans qui ont vu les Etats-Unis augmenter considérablement leur budget militaire et développer de nouveaux types d’armements de plus en plus sophistiqués et de plus en plus meurtriers.
Quand les Autrichiens ont rejeté dans un référendum, il y a 25 ans, la mise en service de leur première centrale nucléaire de Zwentendorf, déjà chargée de combustibles, la presse internationale a réagi avec incompréhension face à cette décision : à cette époque-là, le mythe dune énergie nucléaire sûre et inépuisable était incontesté. Le résultat du référendum a surpris même les adversaires du nucléaire qui sattendaient à un oui net. Le soir du 5 novembre 1978, lincroyable sest produit : 50,5 % de non avec une participation de 64 %. Seulement 30.000 votes séparaient adversaires et partisans.
50,5 % de non
Pour mieux comprendre laffaire, il convient de revenir encore cinq ans en arrière, en 1973. A Zwentendorf, on était en train de démarrer le nouveau réacteur quand les projets de construire une deuxième centrale près de Linz ont filtré. A Linz, il sest alors formé, sur une large base, une initiative populaire efficace, qui na pas tardé à entrer en contact avec les adversaires du nucléaire au Vorarlberg, au Salzbourg et à Vienne, la capitale.
Les contacts et échanges que nous avons eus avec des opposants au nucléaire dans dautres pays nous ont amenés à ne pas fléchir dans notre résistance. Nos visites dans les centrales de Kaiseraugst (Suisse) et de Wyhl (Allemagne), alors occupées par des opposants au nucléaire, nous ont donné une impulsion pour des actions déterminées. Dans le même temps, les barbelés entourant la centrale de Fessenheim en France donnaient déjà une idée dun Etat nucléaire contrôlant tout.
Dans ces années-là, plus exactement depuis 1971, lAutriche était gouvernée par un gouvernement social-démocrate sous le chancelier Kreisky. Les sociaux-démocrates et les syndicats ainsi que, bien entendu, les représentants de léconomie et de lindustrie soutenaient les projets des entreprises électriques en particulier le nucléaire. Le parti populaire (Volkspartei) conservateur était divisé entre son rôle dopposition dune part et de parti traditionnel de léconomie de lautre. Les Libéraux (Freiheitliche Partei) alors insignifiants étaient, dans leur majorité, hostiles au nucléaire. Les églises ne tenaient pas vraiment à prendre position.
Les interventions et manifestations des adversaires du nucléaire, entre-temps rassemblés dans l´ Initiative des adversaires autrichiens du nucléaire ( Initiative Österreichischer Atomkraftwerksgegner ) prenaient de lampleur et commençaient à déplaire à la politique officielle. Plusieurs milliers de citoyens participèrent à des marches contestataires à Vienne et à Zwentendorf. Comme réponse, le gouvernement fédéral lança une campagne dinformation avec des faux débats dans tous les chef-lieux des Länder. Cette campagne destinée à calmer les esprits était généralement étouffée par lattitude agressive dans lauditoire, ce qui conduisit à son arrêt précoce.
Ne pas de se laisser traiter comme ça par une poignée de petits voyous
Le chancelier Kreisky considérait les adversaires du nucléaire comme des groupements terroristes , et il défendait lidée quil ne méritait pas de se laisser traiter comme ça par une poignée de petits voyous . Quand, en mars 1978, un acte de sabotage fit tomber un mât tubulaire de 75 mètres de haut construit, à des fins météorologiques, sur le site de la centrale nucléaire prévue près de Linz, ce fut probablement, aux yeux de Kreisky, la goutte deau qui fit déborder le vase. Afin de régler laffaire une fois pour toutes, il annonça, avec le soutien de tous les partis représentés au parlement, un référendum sur la centrale de Zwentendorf dont la construction avait été terminée entre-temps ce fut dailleurs le premier référendum de la Deuxième République. Kreisky, lui, habitué aux majorités absolues et sûr de remporter la victoire, commit cependant lerreur de lier le résultat du référendum à sa fonction de chancelier.
En été et en automne 1978, les événements se précipitèrent derrière les coulisses. Des alliances nouvelles et irrationnelles se formèrent, allant jusqu´au point où les adversaires du nucléaire, jusque-là traités quasiment comme des ennemis publics, se transformèrent tout à coup en partenaires présentables et se virent presque courtiser : Ils reçurent de lespace publicitaire ainsi que des moyens financiers afin de mener leur campagne, mais ils furent également instrumentalisés par divers partis politiques. Après une campagne dominée par les émotions, ce nétaient pas seulement les adversaires du nucléaire qui votaient non, mais également nombre de supporters et dindécis, qui entendaient jouer un tour au chancelier. Cest la seule façon dexpliquer ce résultat qui était dune immense importance pour lAutriche. A la suite, le parlement vota la loi relative à la non-utilisation du nucléaire (Atomsperrgesetz).
Le chancelier Kreisky ne se retira pas comme annoncé, cependant, six mois plus tard, il perdit la majorité lors des élections parlementaires. Le lobby du nucléaire ne jeta pas léponge tout de suite et continua de sans cesse remettre en question le résultat du référendum. En novembre 1980, un référendum dinitiative populaire En faveur de Zwentendorf (Pro Zwentendorf) rassembla 400.000 signatures. En 1985, une décision parlementaire mit une fin définitive à ce débat sans cesse renouvelé.
Musée pour une technologie désuète
Nombre dAutrichiens étaient dans limpossibilité de comprendre quun investissement de 600 millions deuros ne pouvait pas être exploité. Sensuivirent de vives discussions à propos de la nature de cette exploitation. Au moment de la construction dune centrale thermique au charbon, on préféra pourtant construire un nouveau bâtiment à quelques kilomètres de distance. Jusqu´en 1988, la centrale fut entretenue, et on vendit les éléments de combustible ainsi que les différentes pièces à des centrales du même type. Des projets dexploitation comme parc de loisirs ou Disneyland échouèrent. Les bâtiments continuent de sombrer. Dans lancienne cantine de la centrale, un restaurant invite les pédaleurs qui suivent la piste cyclable qui longe le Danube à faire escale. En réalité, nous avons affaire à un Musée pour une technologie désuète.
La catastrophe de Tchernobyl en avril 1986 mit une fin définitive à la discussion sur le nucléaire en Autriche. Depuis cette époque-là, tous les sondages ont révélé que la majorité de la population rejette lexploitation du nucléaire, ce qui nous confère également une légitimité dans notre combat contre les centrales nucléaires près des frontières autrichiennes. Et cette tâche nous absorbe complètement.
Le référendum sur Zwentendorf il y a 25 ans a eu des conséquences multiples : De prime abord, il a eu pour conséquence que nous navions pas à nous creuser la tête sur des questions comme les déchets nucléaires. Puis, il a rendu nos hommes politiques plus sensibles et prudents à légard de tout ce qui a trait au nucléaire, même si cétait parfois quelque peu contre leur gré. Ainsi, ils sont également devenus plus ouverts à une politique de lénergie durable. La loi sur la non-utilisation du nucléaire (Atomsperrgesetz) de 1978 a connu une confirmation réitérée, les transports de déchets nucléaires à travers lAutriche ont été interdits, une loi (Atomhaftungsgesetz) datant de lannée 1999 règle les problèmes de responsabilité.
Friedrich Witzany
Né en 1940, Friedrich Witzany, ingénieur agronome, vit dans la région de Linz en Autriche. Il est membre du conseil d´administration du Réseau contre le danger nucléaire (Plattform gegen Atomgefahr).
Adresse postale du Réseau : Plattform gegen Atomgefahr, Landstr. 31, A-4020 Linz (www.atomstopp.at ; mail : post@atomstopp.at). Activiste antinucléaire et protecteur de l´environnement depuis 1974, il s´engage actuellement dans la résistance contre la centrale nucléaire tchèque de Temelín