Le 20 décembre 2017, EDF a détecté une concentration anormale de tritium dans un piézomètre (tube permettant l’accès à la nappe phréatique) sur le site de la centrale nucléaire du Bugey. La concentration de cette substance radioactive, qui peut provoquer de graves dommages à l’ADN, atteignait 670 Becquerels par litre. Des pics de concentration plus importants (jusqu’à 1600 Bq/l) ont été détectés les jours suivants et à d’autres endroits du site. Cette présence de tritium dans la nappe d’accompagnement du Rhône laisse présager le déversement dans l’environnement d’autres radioéléments ainsi que probablement des éléments chimiques. De l’eau contaminée a aussi très certainement rejoint le Rhône.
L’origine de cette fuite ? Un clapet bloqué en position ouvert dans un puisard et deux pompes de relevage qui n’avaient pas fonctionné lors d’une opération de pompage survenue quelques semaines plus tôt sur des tuyauteries transportant des eaux contaminées.
Comme le montre la lecture du rapport d’inspection rédigé par l’Autorité de sûreté nucléaire, cette pollution était la conséquence d’une inquiétante chaîne de dysfonctionnements. Défaut de surveillance, dispositifs ne permettant pas la détection automatique des fuites, absence de réaction rapide, matériel défectueux, entretien insuffisant (une des pompes était indisponible depuis 2016 et le clapet n’avait pas fait l’objet de maintenance depuis… 1992 !) : la liste est longue !
Pour alerter sur ces dysfonctionnements et faire sanctionner cette pollution radioactive des eaux, le Réseau “Sortir du nucléaire“, Rhône-Alpes Sans Nucléaire, Sortir du nucléaire Bugey et Sortir du nucléaire Isère déposent plainte aujourd’hui devant le tribunal de grande instance de Bourg en Bresse pour 10 infractions à la protection de l’environnement et à la réglementation des installations nucléaires.
Cette fuite de tritium, la troisième en l’espace de 6 ans (d’autres avaient déjà fait l’objet de dépôts de plainte) sur le site du Bugey, n’est malheureusement pas un « incident » isolé. Elle doit alerter sur l’état général de la centrale du Bugey, qui cumule mauvais entretien des équipements, installations vieillissantes et risques externes impossibles à maîtriser (voir annexe ci-dessous). Les associations rappellent la nécessité d’un arrêt immédiat de ces réacteurs, presque aussi vieux que ceux de Fessenheim, afin de libérer la région d’un risque démesuré et d’ouvrir la voie à une réelle transition énergétique !
Voir le dossier juridique : https://www.sortirdunucleaire.org/Bugey-fuite-radioactive
Retrouver sur le site de Stop Bugey la pétition et la lettre ouverte à Nicolas Hulot pour la fermeture de la centrale du Bugey.
Contacts presse :
Marie Frachisse (juriste) – 07 62 58 01 23
Pour SDN Bugey :
Jean Pierre Collet : 06 81 09 75 87
Joël Guerry 06 49 45 57 44
Chargée de communication :
Charlotte Mijeon - 06 64 66 01 23
Annexe : la centrale nucléaire du Bugey cumule les risques
Plus vieille centrale du parc nucléaire français après Fessenheim, Le Bugey mérite autant que cette dernière une mise à l’arrêt immédiate. Ses réacteurs vont bientôt atteindre les 40 ans de fonctionnement. Or les équipements vieillissent mal ; et ce d’autant plus que des problèmes d’organisation au sein de la centrale ne permettent pas d’assurer la maintenance nécessaire. Enfin, la situation géographique de la centrale va de pair avec des risques externes considérables.
Un risque de submersion impossible à maîtriser en cas de rupture d’un barrage en amont.
La centrale du Bugey se situe en aval du barrage de Vouglans, 3ème plus importante retenue d’eau artificielle en France. Selon des recherches menées par des ingénieurs, si ce barrage venait à rompre, une vague de 13m de haut déferlerait alors dans la plaine de l’Ain, submergeant par contrecoup la centrale. Aucune parade ne permettrait d’y faire face.
Une enceinte de confinement qui n’est plus étanche
L’enceinte de confinement de Bugey 5, censée retenir les gaz radioactifs à l’intérieur du réacteur en cas d’accident, présente un taux de fuite beaucoup trop élevé qui a conduit à sa mise à l’arrêt pendant deux ans. Le réacteur a redémarré en juillet 2017 après que les fuites ont été colmatées avec du lait de chaux. Mais cette réparation n’est pas optimale : il existe de forts doutes quant à sa tenue en cas de surpression de l’enceinte et sa résistance aux hautes températures en cas d’accident n’est pas garantie.
Des cuves fissurées
L’ouvrage Nucléaire, danger immédiat, de Thierry Gadault et Hugues Demeude fait mention d’études internes à EDF signalant l’existence de fissures sur les cuves de plusieurs réacteurs, dont ceux de Bugey 2 et Bugey 5. Ces défauts sont d’autant plus graves que les cuves sont des équipements particulièrement sensibles au vieillissement, dont la fragilité augmente au fur et à mesure de leur utilisation et qui ne peuvent être remplacées ni réparées.
Par ailleurs, selon ce même ouvrage, EDF aurait également détecté des défauts sur les tubulures de cuve (tuyaux qui connectent la cuve au circuit primaire) des réacteurs de Bugey 2 et 4.
Des équipements non-conformes en pagaille
Sur le seul réacteur de Bugey 3, 94 pièces sont concernées par des « irrégularités » de conception et ne présentent pas les caractéristiques initialement requises en termes de sûreté. Aucun contrôle réel des pièces sur site n’a été effectué, ni analyse des marges de sûreté. Quant à Bugey 4, il est équipé de deux générateurs de vapeur affectés par une concentration en carbone plus élevée que la normale, ce qui les fragilise. Ils ne peuvent être autorisés à fonctionner qu’en évitant les chocs thermiques… qui surviennent pourtant régulièrement lors des arrêts de réacteurs.
Un grave défaut de tenue au séisme
Les quatre réacteurs du Bugey sont concernés par un défaut de tenue au séisme des ancrages des générateurs diesels de secours. En cas de séisme, l’alimentation électrique de la centrale ne serait plus assurée, ce qui entraînerait un risque de fusion du réacteur.
De multiples dysfonctionnements symptômes d’une maintenance déficiente et de problèmes organisationnels
Les exemples d’incidents liés à des équipements mal réglés ou mal réparés sont légion sur l’année écoulée, dénotant d’importants problèmes organisationnels dans la gestion de la maintenance et/ou un dangereux manque de rigueur. En juin 2017, l’ouverture intempestive d’une vanne non manoeuvrable entraîne une surpression sur le circuit de refroidissement du réacteur n°2 à l’arrêt. Fin juin, des contrôles sont oubliés avant le redémarrage de Bugey 5. En octobre 2017, c’est l’alimentation de secours en eau de plusieurs générateurs de vapeur qui est coupée par erreur. En novembre 2017, un mauvais réglage sur des modules électriques est détecté tardivement…
Autre symptôme d’une mauvaise gestion, EDF Bugey a avoué en décembre avoir expédié pendant 3 ans des déchets radioactifs vers les filières de traitement et de stockage en oubliant de les accompagner du bordereau permettant leur suivi, qui était pourtant imposé par le code de l’environnement…