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Des accidents nucléaires partout

France : EPR de Flamanville : La centrale nucléaire rejette trop de gaz à effet de serre

EDF sous-estime les fuites et dépasse la limite




11 août 2021


Alors que son exploitation n’est même pas encore autorisée, le réacteur nucléaire EPR de Flamanville (Normandie) cause déjà des dégâts à l’environnement. Et EDF ne s’en est pas rendu compte immédiatement, mais plus d’un an après.
Des fuites de liquides de refroidissement, survenues à plusieurs reprises en 2019, se sont avérées plus importantes que ce que l’industriel n’avait pensé. Ces fluides frigorigènes se transforment en de puissants gaz à effet de serre lorsqu’ils sont soumis à une pression normale, bien plus puissants que le CO2 en terme de pouvoir réchauffants. Ces fuites, dont EDF ne dit rien, ont fait que le réacteur EPR de Flamanville a rejeté dans l’atmosphère trop de gaz à effet de serre en 2019, plus que le maximum autorisée à l’année.
EDF dit avoir avoir stoppé les fuites dès leurs détections. Une détection qui est manifestement arrivée un peu tard, et une surveillance des équipements qui n’a manifestement pas été assez rapprochée. La gestion de l’évènement déclaré significatif pour l’environnement montre un industriel qui n’a pas suffisamment surveillé ses équipements, qui n’a pas mis la qualité suffisante pour obtenir des réparations durables et qui de surcroît a sous-estimé l’importance de fuites ayant pour conséquence le rejet de puissants gaz à effet de serre dans l’atmosphère.


Les fuites de fluides frigorigènes, et leurs impacts sur l’environnement, sont pourtant bien connus des autorités et des industriels. Une autorisation annuelle de rejets de 100 kg de fluide frigorigène est attribuée à chacune des 18 centrales nucléaires en France. Les déclarations de fuites de fluides frigorigènes supérieures au maximum autorisé sont fréquentes. C’est arrivé récemment à Belleville, au Bugey et à Paluel. Et déjà deux fois à Flamanville cette année, pour les réacteurs 1 et 2. Trois fois donc, si on compte cette déclaration d’EDF pour l’EPR de Flamanville faite le 4 août 2021. Pour des rejets qui datent de 2019. EDF a donc mis plus d’un an et demi à faire ses comptes. Suivre de près ses rejets dans l’environnement n’apparaît pas comme la priorité de l’exploitant.

On ne sait pas de combien les 100 kg maximum autorisés ont été dépassés. EDF ne précise ni le type de fluide frigorigène utilisé, ni les raisons pour lesquelles ces fuites sont survenues, ni pourquoi elles n’ont pas été détectées sur le coup et n’ont été évaluées de manière exhaustive que fin 2020. L’industriel précise toutefois que sont 25kg qui se sont évaporés en 2019, en plus de ce qui avait déjà fuité au cours de l’année. Ce sont ces 25 kg de liquides de refroidissement perdus sans que l’industriel ne s’en soit aperçu qui ont fait dépasser la limite réglementaire des 100Kg. Le site de l’EPR avait donc déjà laissé fuiter plus de 75kg de liquide de refroidissement en 2019, les 3/4 de la limite. Une quantité limite déjà haute, qui équivaut in fine à un droit à polluer, et qui n’a pas le même impact sur l’environnement selon le type de fluide rejeté. Car leur durée de vie dans l’atmosphère et leur pouvoirs réchauffants sont variables selon leur type. Par exemple, 1 kg de fluide R134A rejeté dans l’atmosphère "vaut" 3710 kgeqCO2, mais 1 kg de fluide de type R125 "vaut" 6090 kgeqCO2 à l’horizon de 20 ans. Une fuite de 100 kg de fluide de type R134A n’aura donc pas les mêmes effets sur le climat qu’une fuite de 100 kg de fluide de type R125 : 37 100 kgeqCO2 pour l’un, 60 900 pour l’autre. Mais quelque soit le type de liquide de refroidissement, le résultat est le même : à chaque fuite, ce sont des gaz à effet de serre rejetés dans l’atmosphère qui sont bien plus puissants que le CO2 en terme de réchauffement [1].

Ce dépassement de la limite maximale autorisée de fuites de fluides frigorigènes en 2019 a été déclaré comme évènement significatif pour l’environnement  [2] le 4 août 2021. Cette déclaration prouve qu’une centrale nucléaire n’a pas besoin de produire de l’électricité pour polluer. Et que les installations nucléaires rejettent toutes des gaz à effet de serre, dont l’impact sur le réchauffement climatique à court terme est plus puissant que les émissions de CO2. EDF n’a pas encore eu l’autorisation de le démarrer  [3] , que le réacteur EPR de Flamanville cause déjà des dégâts environnementaux.
Les faits, et la manière dont EDF les a gérés, montrent un industriel peu soucieux de la surveillance de ses équipements, alors même qu’il avait connaissance de fuites ayant des conséquences environnementales. Des réparations tardives et de qualité insuffisantes, un suivi approximatif, des fuites sous-estimées, le maximum autorisé dépassé, un décompte exhaustif qui arrive plus d’un an après... Sur le site de l’EPR de Flamanville, EDF ne se donne pas les moyens de protéger l’environnement ni de limiter les impacts de ses activités industrielles. Et avec ce type d’incidents, il apparaît nettement que ce n’est certainement pas l’industrie nucléaire qui va sauver le climat [4].

Ce que dit EDF :

Déclaration d’un événement significatif environnement

Publié le 11/08/2021

Dans une installation industrielle, les fluides frigorigènes sont utilisés dans les systèmes de production de froid. Ils permettent le refroidissement et la climatisation de différents matériels. Les opérations de maintenance réalisées régulièrement sur ces systèmes permettent de contrôler les fluides frigorigènes et d’en détecter les émissions.

En février et mars 2019, lors de contrôles périodiques d’un groupe de production froid situé dans un bâtiment de sauvegarde de l’EPR de Flamanville, une fuite a été détectée à deux reprises sur une vanne. Les émissions ont été stoppées le jour-même de la détection, ne requérant pas une vidange complète du groupe de production froid. En décembre 2020, dans le cadre de sa maintenance, la vidange complète du groupe de production de froid est réalisée. Elle met en évidence l’absence de 25kg de fluide frigorigène.

Cet événement n’a eu aucune conséquence sur la sûreté de l’installation ni la santé des salariés.

L’analyse a posteriori a démontré que cet écart de 25kg est à imputer aux émissions constatées en 2019. Ajouté au cumul de fluide frigorigène émis au cours de l’année 2019, il constitue alors un dépassement de la limite réglementaire établie à 100 kg par an, conduisant la direction de la centrale de Flamanville 3 à déclarer un événement significatif environnement le 4 août 2021 à l’Autorité de sûreté nucléaire.

https://www.edf.fr/la-centrale-nucleaire-de-flamanville-3-epr/les-actualites-de-la-centrale-nucleaire-de-flamanville-3-epr/declaration-d-un-evenement-significatif-environnement


[1Pour en savoir plus : Certains gaz à effet de serre des centrales nucléaires, article de Bernard Laponche, Global Chance, Octobre 2020

[2Événements significatifs : incidents ou accidents présentant une importance particulière en matière, notamment, de conséquences réelles ou potentielles sur les travailleurs, le public, les patients ou l’environnement. https://www.asn.fr/Lexique/E/Evenement-significatif

[3Le chantier de l’EPR de Flamanville cumule les retards, les difficultés et les anomalies techniques. Son budget a plus que triplé. Pour plus d’infos, consultez notre dossier EPR : un fiasco monumental

[4Pour en savoir plus, consulter notre rubrique Nucléaire et climat


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Installation(s) concernée(s)

EPR Flamanville

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