15 juin 2021
Le 15 juin 2021, le site nucléaire de Flamanville (Normandie) a déclaré un évènement significatif pour l’environnement. La centrale a découvert qu’il y avait eu une fuite sur un groupe de refroidissement. Pas moins de 141 kg de fluides frigorigènes se sont répandus dans l’environnement. Ces fluides, lorsqu’ils sont soumis à une pression normale, se transforment en de puissants gaz à effet de serre. Certains ont un pouvoir réchauffant bien plus important que le CO2.
Cette fuite est largement supérieure au maximum autorisé sur toute l’année 2021 qui est de 100 kg. Et c’est la seconde fois de l’année que ça arrive à Flamanville.
Déjà le le 29 avril 2021, le site nucléaire normand déclarait avoir dépassé le maximum autorisé pour toute l’année 2021 de fluides frigorigènes. En moins de cinq mois. Et avec un seul réacteur en fonctionnement [1]. 140,17 kg annonçait alors EDF. Auxquels il faut maintenant en ajouter 141 autres kilos. Près de 300 kg de fluides frigorigènes perdus dans la nature en moins de six mois. Quasiment 3 fois plus que ce qui est autorisé, deux fois plus rapidement (100 kg maximum sur 12 mois théoriquement, 281 kg en 6 mois).
Une autorisation annuelle de rejets de 100 kg de fluide frigorigène est attribuée à chacune des 18 centrales nucléaires en France. Une autorisation qui équivaut in fine à un droit à polluer, puisque ces fluides, une fois à l’air libre, deviennent de puissants gaz à effet de serre. Selon le type de fluide, les conséquences ne sont pas les mêmes car leurs caractéristiques varient (en terme de pouvoir réchauffant et de durée de vie dans l’atmosphère - voir cet article de Bernard Laponche pour plus de détails).
Ces fuites ne sont pas rares. Le phénomène est même bien connu des industriels et des autorités, puisque disent-ils, il est inhérent à la technologie des équipements. Toute intervention de maintenance sur ces groupes froids (qui permettent le refroidissement de la ventilation et des matériels) peut générer une fuite de liquide de refroidissement. Et donc des rejets de gaz à effet de serre.
Pour autant, EDF ne semble pas avoir l’intention de s’attaquer à la source de ce problème, puisque les déclarations de fuites de fluides frigorigènes supérieures au maximum autorisé sont fréquentes. C’est arrivé récemment à Belleville, au Bugey et à Paluel. Et déjà deux fois à Flamanville cette année.
Malgré ses dires, l’exploitant nucléaire ne semble pas non plus surveiller ces fuites de très près. Puisqu’il ne les a pas détectées rapidement ni sur le fait, mais après coup. En effet, c’est après avoir vidangé un groupe froid, le 2 juin 2021, en raison d’un dysfonctionnement signalé par une alarme le 28 mai, que l’exploitant nucléaire a constaté qu’il manquait 141 kg de liquide dans le réservoir. On ne sait donc ni quand, ni pourquoi ces rejets ont eu lieu. Et dans tous les cas, il était trop tard : la fuite n’a pas put être empêchée. Or l’intérêt est justement d’éviter au maximum que les activités industrielles n’altèrent l’environnement. Un exploitant industriel, quel qu’il soit, est légalement tenu de tout faire pour éviter et limiter les conséquences négatives sur les écosystèmes. Car une fois arrivées, la plupart du temps il ne peut pas les réparer.
Alors que le phénomène est connu, qu’il va de paire avec l’utilisation de ces groupes froids et qu’il a un impact avéré sur l’environnement, pourquoi EDF dépasse-t-il encore régulièrement le maximum qui lui est autorisé ?
Si les fuites potentielles, connues d’EDF, ne sont pas surveillées de manière à pouvoir les détecter lorsqu’elles surviennent, l’industriel se donne-t-il vraiment les moyens de préserver notre environnement ?
L.B.
Emission de 141 kg de fluide frigorigène
Publié le 15/06/2021
Dans une installation nucléaire, les fluides frigorigènes sont utilisés dans les systèmes de production de froid. Ils permettent le refroidissement et la climatisation de différents matériels. Les opérations de maintenance réalisées régulièrement sur ces systèmes permettent de contrôler les fluides frigorigènes et d’en détecter les émissions.
Le 28 mai 2021, le contrôle réactif d’un groupe de production de froid, suite à une alarme, nécessite la vidange complète du fluide frigorigène pour remise en conformité. Le groupe est maintenu à l’arrêt, et aucune fuite n’est détectée. Le 02 juin, la vidange met en évidence l’émission de 141 kg de fluide frigorigène, pour une présence initiale de 804 kg.
Cet événement n’a eu aucune conséquence sur la sûreté, le fonctionnement des installations, ni la santé des salariés. Toutefois, il constitue un dépassement de la limite réglementaire établie à 100 kg par an.
La direction de la centrale de Flamanville a déclaré cet événement le 10 juin, à l’Autorité de sûreté nucléaire, comme événement significatif environnement.
[1] Le réacteur 1 est resté arrêté depuis mi-septembre 2019 pour maintenance (alors qu’il sortait juste d’une visite décennale de presque 2 ans) et n’a redémarré que tout récemment, le 3 mai 2021. Quant au réacteur 2, il est resté arrêté de janvier 2019 à décembre 2020. Il était donc le seul à fonctionner les premiers mois de l’année 2021.