13 juillet 2021
Le réacteur 1 de la centrale nucléaire de Cattenom est resté arrêté 3 mois pour travaux. Il a redémarré fin juin 2021, mais les déclarations récentes d’EDF indiquent que tout n’était pas réglé. Capteurs HS, pompes bloquées... Les problèmes matériels passent souvent inaperçus aux yeux de l’exploitant. Et ne sont pas toujours résolus à temps.
20 juin 2021, le réacteur 1 de la centrale nucléaire de Cattenom (Moselle) redémarre après 3 mois de travaux d’entretien. Et avec plusieurs capteurs de pression en panne. Mal réglés ou défectueux ? EDF ne le dit pas. Quoiqu’il en soit, les tests et vérifications de ces 3 derniers mois sont manifestement passés à côté. Embêtant pour des équipements qui contribuent à déclencher les arrêts d’urgence du réacteur nucléaire.
Moins d’un mois après, nouvelle déclaration officielle de l’industriel : cette fois, c’est sur une pompe du circuit ASG [1] , qui apporte de l’eau aux générateurs de vapeur [2]) en cas de besoin, qu’un problème matériel est signalé. EDF s’était bien rendu compte fin mai, avant le redémarrage, qu’elle se bloquait. Un évènement significatif pour la sûreté avait été déclaré par l’exploitant nucléaire aux autorités, au plus bas niveau de gravité tel que défini par l’échelle INES [3]. Pas un mot au public en revanche. Mais EDF a manifestement sous-estimé le problème car la déclaration vient d’être modifiée, l’incident est désormais classé à un niveau de gravité plus élevé. Et pour cause : lorsque EDF s’est aperçu du problème, cette pompe ne fonctionnait déjà plus depuis plus de 10 jours. Or, pendant tout ce temps, cette pompe était "requise", c’est à dire que dans l’état où était le réacteur, elle devait devait pouvoir marcher si nécessaire. C’est par ce circuit qu’il sera possible d’évacuer la chaleur du circuit primaire et donc de refroidir le combustible nucléaire contenu dans la cuve [4]. Sans ce refroidissement et cette évacuation de puissance, pour tout réacteur nucléaire c’est l’explosion assurée. On comprend donc que le bon fonctionnement du circuit ASG et de ses pompes est crucial. On pourrait s’attendre à ce qu’il soit particulièrement choyé, bichonné, entretenu "aux petits oignons", avec toutes les tentions qu’un tel circuit mérite étant donné sa fonction, qu’EDF y mette tout son art, tout ce qui fait "l’excellence à la française". Manifestement non. Ou alors, est-ce que c’est ça, le niveau d’excellence de l’industrie atomique française ?
En n’étant pas capable d’avoir une vision complète et correcte de l’état réel des équipements composants son réacteur nucléaire, EDF a fait prendre des risques supplémentaires à son personnel, aux riverains et à l’environnement. De quoi douter de la qualité des travaux et des vérifications réalisés sur ce réacteur durant 3 mois. Et de quoi douter de la pleine maîtrise par l’industriel de l’atome des risques générés par ses activités.
Une pompe alimentant les GV en eau - et donc servant au refroidissement du combustible nucléaire - qui ne marche pas, sans qu’EDF ne le sache ; des capteurs de pression au niveau de la turbine - et donc de l’évacuation de la puissance du réacteur nucléaire - qui ne fonctionnent pas, sans qu’EDF ne s’en rende compte... Les dernières déclarations d’incident sur la centrale nucléaire de Cattenom interpellent. À se demander quels contrôles et vérifications ont été faits - et comment ont-ils été faits - durant l’arrêt du réacteur 1 au printemps 2021. Quant au pourquoi du blocage de cette pompe, comme pour les problèmes des capteurs, la déclaration au public d’EDF ne l’explique pas. Pour les capteurs, il s’est avéré, d’après les informations transmises par l’Autorité de sûreté, que le problème venait de vannes mal positionnées. Qu’en sera-t-il pour la pompe du circuit ASG ?
L.B.
Sûreté
Détection tardive de l’indisponibilité d’une pompe d’alimentation de secours des générateurs de vapeur de l’unité de production n°1
Publié le 13/07/2021
Le 26 mai 2021, la centrale de Cattenom avait déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire un événement significatif de niveau 0 sur l’échelle INES qui en compte 7. Cette déclaration faisait suite à un défaut identifié sur une pompe d’alimentation de secours des générateurs de vapeur de l’unité de production n°1. Ce défaut avait été détecté à l’occasion d’un essai périodique de fonctionnement, lors des opérations de redémarrage de l’unité. Une expertise de la pompe révèle un blocage mécanique empêchant le bon fonctionnement de cette dernière.
Après investigations, il apparait que cette pompe était indisponible durant 11 jours. Cette indisponibilité n’a eu aucune conséquence réelle sur la sûreté des installations, car d’autres moyens assurant la même fonction sont restés opérationnels.
Cependant, le délai de détection de cet événement étant supérieur à celui défini dans nos règles d’exploitation, la direction a décidé de réévaluer le niveau INES de cet événement le 9 juillet 2021 à l’Autorité de sûreté nucléaire, au niveau 1 de l’échelle INES qui en compte 7.
Détection tardive de l’indisponibilité d’une pompe du circuit d’alimentation de secours des générateurs de vapeur
Publié le 21/07/2021
Centrale nucléaire de Cattenom - Réacteurs de 1300 MWe - EDF
Le 9 juillet 2021, l’exploitant de la centrale nucléaire de Cattenom a déclaré à l’ASN un événement significatif pour la sûreté relatif à la détection tardive de l’indisponibilité d’une pompe du circuit d’alimentation de secours des générateurs de vapeur (ASG) du réacteur 1.
Le circuit ASG a notamment pour fonction d’alimenter en eau les générateurs de vapeur en cas de défaillance de leur alimentation normale. Il est composé de deux voies redondantes. Les générateurs de vapeur sont des échangeurs permettant le refroidissement du combustible lorsque le réacteur est en fonctionnement. En cas de défaillance d’une pompe d’alimentation du circuit ASG, les règles générales d’exploitation exigent sa réparation sous 24 heures.
Le 21 mai 2021, le réacteur 1 de la centrale nucléaire de Cattenom était en phase de redémarrage suite à son arrêt pour maintenance programmée et rechargement en combustible.
Lors de la réalisation d’un essai périodique visant à tester le bon fonctionnement d’une pompe du circuit d’alimentation du circuit ASG, l’exploitant a mis en évidence un dysfonctionnement affectant celle-ci : son arbre s’est bloqué.
La seconde voie de ce circuit était cependant disponible et aurait pu assurer cette fonction en cas de situation accidentelle. Suite à la découverte du dysfonctionnement, et compte tenu du délai prévisible de réparation de la pompe, l’exploitant a décidé de replier le réacteur conformément aux spécifications techniques d’exploitation (STE).
En procédant à l’expertise de la pompe, l’exploitant a identifié un blocage mécanique situé au niveau d’une roue. De plus, après une analyse approfondie, il n’a pas été possible de dater précisément le début de l’indisponibilité du matériel ; il a donc été estimé de manière conservatoire que celle-ci a pu débuter immédiatement après sa dernière mise en service, soit le 23 mars 2021. Ainsi, le délai de remise en conformité de 24 heures autorisé par les règles générales d’exploitation n’a pas été respecté.
En raison de la détection tardive de l’indisponibilité de ce matériel, EDF a reclassé cet événement au niveau 1 de l’échelle INES.
Suite à la détection de l’écart, l’exploitant a procédé au repli du réacteur et a engagé une analyse approfondie de cet événement. L’ASN veillera à la qualité des actions prises pour en éviter son renouvellement lors des prochains arrêts pour maintenance.
[1] ASG : alimentation de secours des générateurs de vapeur. Lorsque l’alimentation normale en eau est défaillante, le système ASG permet alors d’alimenter les générateurs de vapeur pour évacuer la chaleur transmise par le circuit primaire. L’alimentation de secours peut se faire à partir d’une turbopompe ou de deux motopompes aspirant dans un réservoir de stockage d’eau déminéralisée. https://www.asn.fr/Lexique/A/ASG
[2] Un générateur de vapeur (GV) est un échangeur thermique entre l’eau du circuit primaire, portée à haute température (320 °C) et à pression élevée (155 bars) dans le cœur du réacteur, et l’eau du circuit secondaire qui se transforme en vapeur et alimente la turbine. Chaque générateur de vapeur comporte plusieurs milliers de tubes en forme de U, qui permettent les échanges de chaleur entre l’eau du circuit primaire et l’eau des circuits secondaires pour la production de la vapeur alimentant la turbine. https://www.asn.fr/Lexique/G/Generateur-de-vapeur
[3] INES : International nuclear and radiological event scale (Échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques) - Description et niveaux ici - https://www.asn.fr/Lexique/I/INES
[4] Bases de connaissances IRSN : fonctionnement d’un réacteur nucléaire à eau pressurisée :