18 février 2022
Le 18 février 2022, EDF annonce avoir découvert une fuite sur la centrale nucléaire du Bugey (Auvergne-Rhône-Alpes). Sur un circuit "inétanche" où circule de l’eau destinée aux réacteurs. Cette eau est traitée, notamment avec de l’ammoniaque, pour éviter la prolifération d’agents pathogènes types amibes et légionelles qui adorent les ambiances chaudes et humides [1] . On ne sait pas depuis combien de temps dure la fuite ni quelle quantité de produits chimique a été déversée dans le fleuve. EDF minimise en ne donnant que les seuils d’innocuité et non les seuils des autorisations de rejets qui lui sont accordées. Par manque de surveillance et d’entretien de ses installations, l’industriel pollue une nouvelle fois l’environnement [2].
Preuve que ces rejets d’ammoniaque ne sont pas si anodins pour la faune et la flore, EDF annonce avoir contacté les autorités et procéder à des prélèvements dans le Rhône pour surveiller la teneur en ammonium [1]. L’industriel compte sur la dilution dans l’eau du fleuve des quantités de produit chimique qu’il y a déversé pour en réduire l’impact sur l’environnement. L’ammoniac est un produit toxique, extrêmement irritant. Ses vapeurs peuvent causer des œdèmes pulmonaires. Son contact génère des brûlures de la peau et de graves lésions des yeux. Imaginons l’impact sur la faune et la flore aquatique... La fiche toxicologique de l’Institut national de recherche et de sécurité précise d’ailleurs que l’ammoniac est très toxique pour les organismes aquatiques.
Quoique laisse penser le communiqué d’EDF, dilution n’empêche pas pollution : tout produit chimique et/ou radioactif rejeté par l’installation dans l’air et dans l’eau doit être contrôlé et mesuré au préalable. Comme toutes les industries, les centrales nucléaires rejettent des produits dangereux dans l’environnement, mais elles ne sont pas censés le faire n’importe comment ni n’importe où. Les autorités ont accordé à chacune des autorisations pour ces pollutions, mais en fixant des limites et des conditions bien spécifiques à respecter pour procéder à ces rejets dans l’environnement.
Cette fuite d’ammoniaque, dont on ne sait rien de l’ampleur ni de la durée, démontre qu’EDF ne contrôle pas les rejets de la centrale du Bugey. Pas assez en tout cas pour minimiser autant qu’il le doit l’impact de ses activités sur l’environnement. L’industriel viole ses autorisations et pêche par manque de surveillance et d’entretien de ses installations. Tout en minimisant la portée de l’incident et en n’assumant pas ses manquements. Alors même que la fuite n’était toujours pas colmatée. Un "incident qui ne présente aucun risque pour la sûreté des réacteurs et la sécurité des personnes" nous dit l’exploitant nucléaire. Et pour l’environnement ?
L.B.
Rejet d’eau contenant de l’ammoniaque
Environnement
Publié le 18/02/2022
Le 18 février 2022, vers midi, une équipe de la centrale a constaté une fuite sur un circuit chargé d’alimenter en eau les unités de production. Il s’agit d’eau non radioactive qui fait l’objet d’un traitement chimique à base d’ammoniaque et qui, suite à l’inétanchéité du circuit, s’écoule dans le système d’évacuation des eaux vers le Rhône.
Les prélèvements effectués montrent que les concentrations en ammoniaque dans l’eau rejetée sont bien inférieures aux seuils [2]. L’eau va par ailleurs continuer à se diluer dans le Rhône. Les équipes sont actuellement mobilisées pour réparer la zone de tuyauterie concernée et stopper l’écoulement.
Une surveillance spécifique par prélèvement dans le fleuve est mise en place pour s’assurer de l’innocuité du rejet, via un prélèvement immédiat dans le canal de rejet et des prélèvements dans le Rhône pour analyser la teneur en ammonium.
Cet incident ne présente aucun risque pour la sûreté des installations et la sécurité des personnes. L’Autorité de sûreté nucléaire et les pouvoirs publics sont informés.
[1] Les légionelles sont des bactéries naturellement présentes dans l’eau et dans les boues, responsables d’une maladie respiratoire, la légionellose. Elles colonisent fréquemment les réseaux d’eau, notamment les réseaux d’eau chaude sanitaire, les installations de climatisation ainsi que les tours aéroréfrigérantes
Les légionelles se développent et prolifèrent :
▸ dans l’eau stagnante ;
▸ lorsque la température est comprise entre 20 et 60 °C[réf. nécessaire] ;
▸ en présence de dépôts de tartre
▸ en présence de corrosion avec résidus métalliques (de fer, zinc) ;
▸ dans les boues et autres dépôts minéraux et organiques (fond de ballon d’eau chaude, fond de bassin des tours de refroidissement (TAR), point bas des canalisations...
▸ dans des biofilms bactériens et/ou sous forme planctonique ;
▸ à l’intérieur des protozoaires comme les amibes (14 espèces reconnues être leurs hôtes naturels et qui leur permettent de survivre longtemps à l’intérieur de la cellule en échappant aux mécanismes de dégradation et au système immunitaire de la cellule-hôte)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Legionella
L’amibe est un protozoaire qui fait partie de la classe des Rhizopodes.
Les amibes sont autant des organismes libres que parasites. (...) Certaines amibes (Entamoeba histolytica) sont causes chez l’Homme d’une infection parasitaire des voies digestives nommée amibiase
https://fr.wikipedia.org/wiki/Amibe
[2] Le 7 décembre 2021, la cour d’appel de Lyon a confirmé la condamnation d’EDF pour rejets non maîtrisés dans l’environnement suite à une fuite radioactive à la centrale du Bugey. Voir l’affaire ici. Une fuite de tritium est survenue en 2012. Vous pouvez retrouver tous les derniers incidents déclarés par la centrale du Bugey dans le bandeau à droite de cet article et toutes les affaires portées en justice dans notre Juriblog
[3] L’ammoniac est un gaz. Dissout dans l’eau il devient de l’hydroxyde d’ammonium, aussi nommé ammoniaque
[4] Elles sont évaluées à 0,39 mg /l alors que le seuil de toxicité pour l’homme est de 350 mg/l et de 100 mg /l pour l’environnement.