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Sortir du nucléaire n°92



Hiver 2022
Crédit photo : Skitterphoto - Pixabay

Dossier : Le futur énergétique c’est maintenant !

100% renouvelable : Le nouveau scénario négaWatt

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°92 - Hiver 2022

 Alternatives et sortie du nucléaire  Sortie du nucléaire  Energies renouvelables  Politique énergétique
Article publié le : 23 décembre 2021


Publié en octobre 2021, le nouveau scénario négaWatt est l’exercice de prospective récent le plus étayé permettant de conjuguer, d’ici au milieu du siècle, atteinte de nos objectifs climatiques, sortie du nucléaire et transition écologique globale. S’il ne propose pas un arrêt rapide du nucléaire, il constitue une contribution majeure au débat sur l’évolution de notre futur énergétique. Nous avons interviewé Stéphane Chatelin, directeur de l’association.



  • Qu’est-ce qui a changé dans votre approche par rapport au précédent scénario publié par l’association en 2017 ?

Le scénario négaWatt 2022, comme les précédents, s’inscrit dans une perspective de soutenabilité globale de notre système énergétique, et plus globalement de nos modes de consommation. Si l’enjeu climatique est aujourd’hui le plus prégnant, les autres enjeux environnementaux et sociaux (effondrement de la biodiversité, précarité énergétique, raréfaction des ressources, risques technologiques, pollution de l’air, etc.) doivent également trouver des réponses adéquates.

Pour y répondre , le scénario négaWatt 2022 étudie encore plus finement qu’auparavant l’impact de notre mode de développement sur les ressources en matières premières, à travers un scénario négaMat couplé au scénario négaWatt.

Une autre nouveauté du scénario négaWatt est d’intégrer une approche en empreinte, aussi bien sur les matériaux que sur les émissions de gaz à effet de serre. Désormais nous prenons en compte l’impact lié à la fabrication des biens d’équipement et de consommation que nous importons.

Nous avons également étudié davantage la question des stratégies industrielles compatibles avec la transition énergétique que nous appelons de nos vœux. Quelles sont les filières pertinentes à relocaliser ? Quelles sont les filières d’avenir à développer ? Avec quels impacts, et dans quelles conditions ?

Enfin, le scénario négaWatt 2022 intègre désormais une série de politiques et mesures considérablement renforcées. Notre ambition est de proposer une véritable feuille de route pour le prochain quinquennat présidentiel.

  • Quels sont les principaux enseignements de ce nouveau scénario ?

Premier point résolument positif : après des décennies d’inaction, la limitation à 1,5°C du dérèglement climatique est encore possible. Elle suppose néanmoins une action rapide et massive à tous les niveaux, de l’échelon européen jusqu’à l’échelon individuel, en passant par l’État, les collectivités, les entreprises, etc. En ce sens, notre scénario se veut être un véritable appel à l’action.

Dans la continuité des exercices précédents, notre scénario montre également l’importance des leviers sobriété et efficacité, en complément du recours aux énergies renouvelables. Ceux-ci sont indispensables pour réduire la pression sur l’environnement et sur les ressources (énergétiques et matières premières) ; à ce titre ils sont d’essentiels facteurs de paix dans le monde.

Ce nouvel exercice confirme également l’importance de la diversité des sources renouvelables à mobiliser. Si l’électrification est nécessaire pour ne pas rendre insoutenable le recours aux bioénergies (bois énergie, biogaz, agrocarburants), le vecteur électricité n’est pas nécessairement le plus pertinent pour répondre à l’ensemble des usages.

Enfin, comme dans les exercices précédents, le scénario négaWatt montre que la lutte contre le dérèglement climatique et la fermeture progressive du parc nucléaire existant sont compatibles, sans démarrage de l’incroyable fiasco industriel que constitue l’EPR de Flamanville, et bien évidemment sans perspective d’EPR2 ou de SMR.

À Lire aussi :
"Que s’est-il passé à Flamanville et quels enseignements en a-t-on tirés ?" Le Réseau "Sortir du nucléaire fait le bilan
  • NégaWatt met fortement l’accent sur la sobriété. Qu’est-ce que cela signifie en termes d’évolution des modes de vie ?

Avant tout, il convient d’insister sur la dimension collective de la sobriété envisagée dans le scénario négaWatt. Si elle implique nécessairement des changements individuels, ces derniers ne pourront devenir concrets que si la collectivité rend possible ces évolutions. À titre d’exemple, le report modal de la voiture vers le vélo ne pourra s’envisager que si la collectivité met à la disposition des usagers des infrastructures permettant ces évolutions.

La réduction des déplacements en avion, la baisse de la consommation de viande au profit d’un meilleur bien-être animal et de davantage de protéines végétales, le frein donné à la surconsommation, l’allongement de la durée de vie des appareils ou encore la réduction forte de l’artificialisation des sols sont autant de mesures de sobriété intégrées dans ce scénario.

  • Quelle croissance des énergies renouvelables ?

En 2050, l’éolien (terrestre et maritime) est la première source d’énergie renouvelable, suivie par le bois énergie et le photovoltaïque, puis le biogaz. À elles seules, ces quatre sources représentent près de 80 % du mix énergétique en 2050. Pour autant, grâce aux actions de sobriété et d’efficacité énergétique, leur développement reste mesuré. La France de 2050 comporte 19 000 éoliennes terrestres, à comparer aux 30 000 éoliennes aujourd’hui présentes en Allemagne.

  • La sortie du nucléaire est plus tardive dans ce nouveau scénario… Pourquoi ?

Cinq années ont été perdues depuis le précédent scénario. Cinq années d’inaction sur le développement des énergies renouvelables (même si de nouvelles installations ont vu le jour) mais aussi et surtout sur la maîtrise des consommations. Mécaniquement cela repousse l’échéance de fermeture du dernier réacteur, si on ne veut pas augmenter la consommation d’énergies fossiles associées à la production d’électricité. En complément, l’électrification des usages est plus importante dans ce nouvel exercice. Ces différents éléments nous amènent à devoir envisager plusieurs prolongations de réacteurs au-delà de 40 ans, et une fermeture du dernier réacteur en 2045.

  • Estimez-vous qu’une sortie du nucléaire plus rapide serait possible ? Si oui, quels leviers activer ?

Techniquement, oui cela est tout à fait possible. Nous pouvons imaginer un développement encore plus rapide des énergies renouvelables électriques, et/ou une diminution plus forte de la consommation d’électricité. La question posée est celle de l’acceptabilité sociale de ces évolutions, et des conditions de leur mise en œuvre.

  • Quels échos a trouvé ce scénario jusqu’ici ?

Un grand nombre de médias ont relayé ce nouveau scénario, que nous avons également pu présenter auprès des pouvoirs publics et de l’administration. Nous avons reçu beaucoup de retours très positifs, y compris de la jeune génération qui voit dans cet exercice de prospective une vraie vision d’avenir soutenable. Il reste à traduire ce scénario en actions concrètes !

Propos recueillis par Charlotte Mijeon.

  • Qu’est-ce qui a changé dans votre approche par rapport au précédent scénario publié par l’association en 2017 ?

Le scénario négaWatt 2022, comme les précédents, s’inscrit dans une perspective de soutenabilité globale de notre système énergétique, et plus globalement de nos modes de consommation. Si l’enjeu climatique est aujourd’hui le plus prégnant, les autres enjeux environnementaux et sociaux (effondrement de la biodiversité, précarité énergétique, raréfaction des ressources, risques technologiques, pollution de l’air, etc.) doivent également trouver des réponses adéquates.

Pour y répondre , le scénario négaWatt 2022 étudie encore plus finement qu’auparavant l’impact de notre mode de développement sur les ressources en matières premières, à travers un scénario négaMat couplé au scénario négaWatt.

Une autre nouveauté du scénario négaWatt est d’intégrer une approche en empreinte, aussi bien sur les matériaux que sur les émissions de gaz à effet de serre. Désormais nous prenons en compte l’impact lié à la fabrication des biens d’équipement et de consommation que nous importons.

Nous avons également étudié davantage la question des stratégies industrielles compatibles avec la transition énergétique que nous appelons de nos vœux. Quelles sont les filières pertinentes à relocaliser ? Quelles sont les filières d’avenir à développer ? Avec quels impacts, et dans quelles conditions ?

Enfin, le scénario négaWatt 2022 intègre désormais une série de politiques et mesures considérablement renforcées. Notre ambition est de proposer une véritable feuille de route pour le prochain quinquennat présidentiel.

  • Quels sont les principaux enseignements de ce nouveau scénario ?

Premier point résolument positif : après des décennies d’inaction, la limitation à 1,5°C du dérèglement climatique est encore possible. Elle suppose néanmoins une action rapide et massive à tous les niveaux, de l’échelon européen jusqu’à l’échelon individuel, en passant par l’État, les collectivités, les entreprises, etc. En ce sens, notre scénario se veut être un véritable appel à l’action.

Dans la continuité des exercices précédents, notre scénario montre également l’importance des leviers sobriété et efficacité, en complément du recours aux énergies renouvelables. Ceux-ci sont indispensables pour réduire la pression sur l’environnement et sur les ressources (énergétiques et matières premières) ; à ce titre ils sont d’essentiels facteurs de paix dans le monde.

Ce nouvel exercice confirme également l’importance de la diversité des sources renouvelables à mobiliser. Si l’électrification est nécessaire pour ne pas rendre insoutenable le recours aux bioénergies (bois énergie, biogaz, agrocarburants), le vecteur électricité n’est pas nécessairement le plus pertinent pour répondre à l’ensemble des usages.

Enfin, comme dans les exercices précédents, le scénario négaWatt montre que la lutte contre le dérèglement climatique et la fermeture progressive du parc nucléaire existant sont compatibles, sans démarrage de l’incroyable fiasco industriel que constitue l’EPR de Flamanville, et bien évidemment sans perspective d’EPR2 ou de SMR.

  • NégaWatt met fortement l’accent sur la sobriété. Qu’est-ce que cela signifie en termes d’évolution des modes de vie ?

Avant tout, il convient d’insister sur la dimension collective de la sobriété envisagée dans le scénario négaWatt. Si elle implique nécessairement des changements individuels, ces derniers ne pourront devenir concrets que si la collectivité rend possible ces évolutions. À titre d’exemple, le report modal de la voiture vers le vélo ne pourra s’envisager que si la collectivité met à la disposition des usagers des infrastructures permettant ces évolutions.

La réduction des déplacements en avion, la baisse de la consommation de viande au profit d’un meilleur bien-être animal et de davantage de protéines végétales, le frein donné à la surconsommation, l’allongement de la durée de vie des appareils ou encore la réduction forte de l’artificialisation des sols sont autant de mesures de sobriété intégrées dans ce scénario.

  • Quelle croissance des énergies renouvelables ?

En 2050, l’éolien (terrestre et maritime) est la première source d’énergie renouvelable, suivie par le bois énergie et le photovoltaïque, puis le biogaz. À elles seules, ces quatre sources représentent près de 80 % du mix énergétique en 2050. Pour autant, grâce aux actions de sobriété et d’efficacité énergétique, leur développement reste mesuré. La France de 2050 comporte 19 000 éoliennes terrestres, à comparer aux 30 000 éoliennes aujourd’hui présentes en Allemagne.

  • La sortie du nucléaire est plus tardive dans ce nouveau scénario… Pourquoi ?

Cinq années ont été perdues depuis le précédent scénario. Cinq années d’inaction sur le développement des énergies renouvelables (même si de nouvelles installations ont vu le jour) mais aussi et surtout sur la maîtrise des consommations. Mécaniquement cela repousse l’échéance de fermeture du dernier réacteur, si on ne veut pas augmenter la consommation d’énergies fossiles associées à la production d’électricité. En complément, l’électrification des usages est plus importante dans ce nouvel exercice. Ces différents éléments nous amènent à devoir envisager plusieurs prolongations de réacteurs au-delà de 40 ans, et une fermeture du dernier réacteur en 2045.

  • Estimez-vous qu’une sortie du nucléaire plus rapide serait possible ? Si oui, quels leviers activer ?

Techniquement, oui cela est tout à fait possible. Nous pouvons imaginer un développement encore plus rapide des énergies renouvelables électriques, et/ou une diminution plus forte de la consommation d’électricité. La question posée est celle de l’acceptabilité sociale de ces évolutions, et des conditions de leur mise en œuvre.

  • Quels échos a trouvé ce scénario jusqu’ici ?

Un grand nombre de médias ont relayé ce nouveau scénario, que nous avons également pu présenter auprès des pouvoirs publics et de l’administration. Nous avons reçu beaucoup de retours très positifs, y compris de la jeune génération qui voit dans cet exercice de prospective une vraie vision d’avenir soutenable. Il reste à traduire ce scénario en actions concrètes !

Propos recueillis par Charlotte Mijeon.



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