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Sortir du nucléaire n°81



Printemps 2019

Fukushima

Voyage dans des villes interdites

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°81 - Printemps 2019

 Incidents / Accidents  Fukushima


Il y a encore des villes non habitables à Fukushima.

Les 20 et 21 novembre 2018, avec le groupe du mouvement antinucléaire de mon district de Gunma, nous sommes allés sur la région côtière de Fukushima, où se trouvent 10 réacteurs nucléaires. TEPCO a décidé d’abandonner ces dix réacteurs, car ils prévoient qu’ils ne recevront pas de soutien du district et des 59 communes.



Nous avons traversé les villes de Futaba et Ökuma, où se trouvent 4 réacteurs défectueux. Même dans l’autobus, les chiffres mesurant le niveau de radioactivité s’élevaient de plus en plus jusqu’à atteindre presque 3 microsieverts (on n’a pas le droit d’habiter dans un lieu où la pollution dépasse 0,23 microsieverts). Tout au long de la route nationale 6, c’étaient des maisons abandonnées, des bureaux, des magasins, des appartements fermés par des barrières, et des champs recouverts d’herbes.

Les anciens habitants logeaient on ne sait où dans tout le Japon, ayant déjà perdu l’espoir de revenir chez eux. Les administrations urbaines ont été transférées dans d’autres villes et s’efforcent de remettre la ville debout, mais c’est difficile.

© Jasuo Hori

Nous avons aussi visité les villes de Tomioka et Naraha, où les anciens habitants ont été autorisés à se reloger, mais de fait peu sont revenus. Les villes expliquent que plus de 40 % des citadins sont revenus, mais ce pourcentage comprend beaucoup de nouveaux venus, à savoir des ouvriers travaillant dans les réacteurs, et on suppose donc que se sont réinstallés seulement 30 % des anciens habitants (presque tous âgés). À côté du collège abandonné, nous avons rencontré un promeneur de 90 ans, disant que plus de 100 familles logeaient ici auparavant, mais seulement 3 maintenant. Il habite avec sa femme. Pendant de nombreuses journées, il ne parlait qu’avec elle, et était donc heureux de nous rencontrer. Il va en voiture faire les achats nécessaires, mais jusqu’à quand pourra-t-il continuer à vivre ainsi ?

Dans le collège, il reste des traces de vie de réfugiés après la catastrophe. Sur l’estrade, on voit un tableau de cérémonie de fin de cours, avec les drapeaux du Japon, de la ville et de l’école.

Ici aussi, de nouveaux habitants sont arrivés à la place des anciens, qui travaillent pour les centrales nucléaires. Beaucoup d’appartements ont été construits pour eux avec l’aide financière du gouvernement. Les anciens habitants sont mécontents que la ville ait changé et perdu l’ancienne ambiance amicale.

Dans la ville de Naraha, on a construit pour les habitants un nouvel arrondissement “Emi-ful Town“ (Ville pleine de rires), surtout pour les personnes âgées. Comme cet homme de Tomioka, ce sont surtout des anciens qui sont revenus, et ils doivent loger dispersés en des lieux divers. Cela ne convient pas du tout à ces anciens, ni aussi à la ville, qui doit s’occuper d’eux. C’est pourquoi elle a construit un quartier d’habitation pour eux et invité des magasins à s’installer. Mais il y a encore beaucoup de terrains libres non construits. Est-ce que d’anciens habitants veulent et peuvent se loger dans ce nouveau quartier, ayant abandonné leur ancienne maison et en acheter une nouvelle ?

© Jasuo Hori - Gymnase du collège de Tomioka

Il y avait devant le Gymnase du collège de Tomioka un panneau avec une déclaration de la ville.

Voici ce qu’il annonçait :

  1. Remplissons la ville de fleurs et de verdure.
  2. Prenons grand soin des enfants pour notre futur.
  3. Instruisons nous tous assidûment, et que la ville déborde d’énergie.
  4. Travaillons dans la joie, et que la ville déborde de cordialité.
  5. Respectons les règles, et que la ville déborde d’agréments.

(Déclaration en juillet 1984)

© Jasuo Hori - Ville de Naraha

Le réacteur nucléaire n°1 de la centrale nucléaire de Fukushima fut mis en service en 1982 et le n°2 en février 1984. Certainement, quand des citoyens éclairés rédigèrent cette déclaration, ils voyaient une prospérité grâce à la centrale nucléaire dans leur ville. Il semblait que cette prospérité serait durable. Ils pensaient avoir fait le bon choix en acceptant la centrale nucléaire, mais c’était une erreur. L’accident nucléaire a détruit en un instant des années d’activités des citoyens pour un avenir brillant. Maintenant, c’est le contraire qui règne sur la ville, et qui y règnera presque éternellement.

Jasuo Hori

Traduit et corrigé de l’espéranto par P. Grollemund et R. Molimard

Nous avons traversé les villes de Futaba et Ökuma, où se trouvent 4 réacteurs défectueux. Même dans l’autobus, les chiffres mesurant le niveau de radioactivité s’élevaient de plus en plus jusqu’à atteindre presque 3 microsieverts (on n’a pas le droit d’habiter dans un lieu où la pollution dépasse 0,23 microsieverts). Tout au long de la route nationale 6, c’étaient des maisons abandonnées, des bureaux, des magasins, des appartements fermés par des barrières, et des champs recouverts d’herbes.

Les anciens habitants logeaient on ne sait où dans tout le Japon, ayant déjà perdu l’espoir de revenir chez eux. Les administrations urbaines ont été transférées dans d’autres villes et s’efforcent de remettre la ville debout, mais c’est difficile.

© Jasuo Hori

Nous avons aussi visité les villes de Tomioka et Naraha, où les anciens habitants ont été autorisés à se reloger, mais de fait peu sont revenus. Les villes expliquent que plus de 40 % des citadins sont revenus, mais ce pourcentage comprend beaucoup de nouveaux venus, à savoir des ouvriers travaillant dans les réacteurs, et on suppose donc que se sont réinstallés seulement 30 % des anciens habitants (presque tous âgés). À côté du collège abandonné, nous avons rencontré un promeneur de 90 ans, disant que plus de 100 familles logeaient ici auparavant, mais seulement 3 maintenant. Il habite avec sa femme. Pendant de nombreuses journées, il ne parlait qu’avec elle, et était donc heureux de nous rencontrer. Il va en voiture faire les achats nécessaires, mais jusqu’à quand pourra-t-il continuer à vivre ainsi ?

Dans le collège, il reste des traces de vie de réfugiés après la catastrophe. Sur l’estrade, on voit un tableau de cérémonie de fin de cours, avec les drapeaux du Japon, de la ville et de l’école.

Ici aussi, de nouveaux habitants sont arrivés à la place des anciens, qui travaillent pour les centrales nucléaires. Beaucoup d’appartements ont été construits pour eux avec l’aide financière du gouvernement. Les anciens habitants sont mécontents que la ville ait changé et perdu l’ancienne ambiance amicale.

Dans la ville de Naraha, on a construit pour les habitants un nouvel arrondissement “Emi-ful Town“ (Ville pleine de rires), surtout pour les personnes âgées. Comme cet homme de Tomioka, ce sont surtout des anciens qui sont revenus, et ils doivent loger dispersés en des lieux divers. Cela ne convient pas du tout à ces anciens, ni aussi à la ville, qui doit s’occuper d’eux. C’est pourquoi elle a construit un quartier d’habitation pour eux et invité des magasins à s’installer. Mais il y a encore beaucoup de terrains libres non construits. Est-ce que d’anciens habitants veulent et peuvent se loger dans ce nouveau quartier, ayant abandonné leur ancienne maison et en acheter une nouvelle ?

© Jasuo Hori - Gymnase du collège de Tomioka

Il y avait devant le Gymnase du collège de Tomioka un panneau avec une déclaration de la ville.

Voici ce qu’il annonçait :

  1. Remplissons la ville de fleurs et de verdure.
  2. Prenons grand soin des enfants pour notre futur.
  3. Instruisons nous tous assidûment, et que la ville déborde d’énergie.
  4. Travaillons dans la joie, et que la ville déborde de cordialité.
  5. Respectons les règles, et que la ville déborde d’agréments.

(Déclaration en juillet 1984)

© Jasuo Hori - Ville de Naraha

Le réacteur nucléaire n°1 de la centrale nucléaire de Fukushima fut mis en service en 1982 et le n°2 en février 1984. Certainement, quand des citoyens éclairés rédigèrent cette déclaration, ils voyaient une prospérité grâce à la centrale nucléaire dans leur ville. Il semblait que cette prospérité serait durable. Ils pensaient avoir fait le bon choix en acceptant la centrale nucléaire, mais c’était une erreur. L’accident nucléaire a détruit en un instant des années d’activités des citoyens pour un avenir brillant. Maintenant, c’est le contraire qui règne sur la ville, et qui y règnera presque éternellement.

Jasuo Hori

Traduit et corrigé de l’espéranto par P. Grollemund et R. Molimard



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