Faire un don

Sortir du nucléaire n°81



Printemps 2019

Fukushima

“Nucléaire, l’impossible équation“

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°81 - Printemps 2019

 Luttes et actions  Organisations antinucléaires françaises  Fukushima


Il y a quelques années encore, le pari eut paru impossible : faire débattre ensemble un chef d’État ayant eu à gérer une catastrophe nucléaire, des syndicalistes d’une entreprise productrice d’électricité, le maire d’une grande ville et son adjoint à la transition énergétique, un expert international du nucléaire...

Et pourtant, ce 19 février 2019, une conférence-débat s’est tenue dans le salon d’honneur de l’Hôtel de Ville de Grenoble devant une salle bondée.



Affiche de la soirée.

Environ 400 personnes ont pu écouter et débattre avec Naoto Kan, Premier ministre japonais au moment de la catastrophe de Fukushima, Mycle Schneider, expert coordinateur du World Nuclear Industry Status Report, le Maire de Grenoble, Eric Piolle, et son adjoint à la Transition énergétique ainsi qu’avec plusieurs syndicalistes de SUD Énergie. Une grande partie de ce public se retrouvait ensuite au cinéma Le Club pour deux séances d’avant-première du film Fukushima : le couvercle du soleil.

Ce soir-là, le couvercle de silence sur les déboires du nucléaire – risques majeurs, crises économique, technique et sociale – a été soulevé...

Le Maire de Grenoble a introduit le débat en rappelant les enjeux sanitaires, économiques et sociaux du nucléaire.

Après avoir été un responsable politique benoîtement pronucléaire, avant de se confronter à l’opacité de l’exploitant TEPCO, Naoto Kan affirme désormais qu’une catastrophe nucléaire est ingérable. En réalisant que seule la “chance“ (les dieux ? dit-il) a permit d’éviter l’évacuation de Tokyo, il estime à présent le risque de catastrophe nucléaire trop important pour poursuivre l’exploitation des réacteurs au Japon et dans le monde.

Mycle Schneider observe l’évolution de l’industrie nucléaire depuis 35 ans : à l’aide de nombreux graphiques (voir les articles du n°80 de notre revue), il déroule le film du déclin mondial du nucléaire entamé bien avant Fukushima. Et dans la lutte urgente contre le changement climatique, le nucléaire, quand bien même nettement dé-carboné, est l’énergie la plus chère et la plus lente à mobiliser. Hors circuit, cette fausse solution est à débrancher.

© Philippe Lambersens

Surtout à l’échelon local, Vincent Fristot, adjoint au maire et président de Gaz et Electricité de Grenoble, montre que c’est possible : dès 2022. Grâce à un investissement conséquent, l’ancienne régie devenue société d’économie mixte fournira une électricité 100% renouvelable à ses 120 000 clients grenoblois [1] .

Les syndicalistes de SUD Énergie EDF, considèrent la transition écologique et énergétique – qui va bien au-delà de la question du nucléaire – comme une priorité de même niveau que les enjeux sociaux. Ces deux aspects sont liés et remettent en cause notre modèle de société. Si SUD Énergie n’a pas de position tranchée sur le nucléaire, dans le débat énergétique actuel, le syndicat se positionne néanmoins contre la construction de nouveaux EPR, qui répondent selon lui à des enjeux commerciaux pour EDF et non à un besoin de service. Ces projets conduiraient à tarir le financement d’autres filières. Le syndicat est vigilant à ce que la transition énergétique ne coïncide pas avec une régression sociale. Par ailleurs, ses militants jouent un rôle de vigie de l’intérieur. Ils s’autorisent un devoir d’alerte difficile à tenir au sein de l’entreprise. La direction ayant envoyé une lettre à ses subordonnés précisant que leur participation à cette conférence... pourrait nuire à leur carrière ! Ils constatent qu’actuellement beaucoup d’agents perdent le sens du service public du fait de l’ouverture des marchés de l’énergie à la concurrence, cette mutation s’accompagnant d’une segmentation des activités, d’une hiérarchie de moins en moins technique et de plus en plus tournante, d’une part importante des activités sous traitées dans des conditions sociales très dégradées.

Le fait que SDN 38 n’ait eu dans l’organisation de la soirée qu’un rôle discret de mise en relation entre l’équipe japonaise de Naoto Kan (grand merci à Kolin Kobayashi) et la municipalité de Grenoble montre combien la question nucléaire sort enfin du cercle des seuls antinucléaires.

Philippe Lambersens

La vidéo de la soirée est disponible sur youtube : https://www.youtube.com/atch?v=UHxnVAxc8ZM


Notes

[1Voir article page 30 dans la revue Sortir du nucléaire n°80

Affiche de la soirée.

Environ 400 personnes ont pu écouter et débattre avec Naoto Kan, Premier ministre japonais au moment de la catastrophe de Fukushima, Mycle Schneider, expert coordinateur du World Nuclear Industry Status Report, le Maire de Grenoble, Eric Piolle, et son adjoint à la Transition énergétique ainsi qu’avec plusieurs syndicalistes de SUD Énergie. Une grande partie de ce public se retrouvait ensuite au cinéma Le Club pour deux séances d’avant-première du film Fukushima : le couvercle du soleil.

Ce soir-là, le couvercle de silence sur les déboires du nucléaire – risques majeurs, crises économique, technique et sociale – a été soulevé...

Le Maire de Grenoble a introduit le débat en rappelant les enjeux sanitaires, économiques et sociaux du nucléaire.

Après avoir été un responsable politique benoîtement pronucléaire, avant de se confronter à l’opacité de l’exploitant TEPCO, Naoto Kan affirme désormais qu’une catastrophe nucléaire est ingérable. En réalisant que seule la “chance“ (les dieux ? dit-il) a permit d’éviter l’évacuation de Tokyo, il estime à présent le risque de catastrophe nucléaire trop important pour poursuivre l’exploitation des réacteurs au Japon et dans le monde.

Mycle Schneider observe l’évolution de l’industrie nucléaire depuis 35 ans : à l’aide de nombreux graphiques (voir les articles du n°80 de notre revue), il déroule le film du déclin mondial du nucléaire entamé bien avant Fukushima. Et dans la lutte urgente contre le changement climatique, le nucléaire, quand bien même nettement dé-carboné, est l’énergie la plus chère et la plus lente à mobiliser. Hors circuit, cette fausse solution est à débrancher.

© Philippe Lambersens

Surtout à l’échelon local, Vincent Fristot, adjoint au maire et président de Gaz et Electricité de Grenoble, montre que c’est possible : dès 2022. Grâce à un investissement conséquent, l’ancienne régie devenue société d’économie mixte fournira une électricité 100% renouvelable à ses 120 000 clients grenoblois [1] .

Les syndicalistes de SUD Énergie EDF, considèrent la transition écologique et énergétique – qui va bien au-delà de la question du nucléaire – comme une priorité de même niveau que les enjeux sociaux. Ces deux aspects sont liés et remettent en cause notre modèle de société. Si SUD Énergie n’a pas de position tranchée sur le nucléaire, dans le débat énergétique actuel, le syndicat se positionne néanmoins contre la construction de nouveaux EPR, qui répondent selon lui à des enjeux commerciaux pour EDF et non à un besoin de service. Ces projets conduiraient à tarir le financement d’autres filières. Le syndicat est vigilant à ce que la transition énergétique ne coïncide pas avec une régression sociale. Par ailleurs, ses militants jouent un rôle de vigie de l’intérieur. Ils s’autorisent un devoir d’alerte difficile à tenir au sein de l’entreprise. La direction ayant envoyé une lettre à ses subordonnés précisant que leur participation à cette conférence... pourrait nuire à leur carrière ! Ils constatent qu’actuellement beaucoup d’agents perdent le sens du service public du fait de l’ouverture des marchés de l’énergie à la concurrence, cette mutation s’accompagnant d’une segmentation des activités, d’une hiérarchie de moins en moins technique et de plus en plus tournante, d’une part importante des activités sous traitées dans des conditions sociales très dégradées.

Le fait que SDN 38 n’ait eu dans l’organisation de la soirée qu’un rôle discret de mise en relation entre l’équipe japonaise de Naoto Kan (grand merci à Kolin Kobayashi) et la municipalité de Grenoble montre combien la question nucléaire sort enfin du cercle des seuls antinucléaires.

Philippe Lambersens

La vidéo de la soirée est disponible sur youtube : https://www.youtube.com/atch?v=UHxnVAxc8ZM



Soyez au coeur de l'information !

Tous les 3 mois, retrouvez 36 pages (en couleur) de brèves, interviews, articles, BD, alternatives concrètes, actions originales, luttes antinucléaires à l’étranger, décryptages, etc.

Je m'abonne à la revue du Réseau