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Sortir du nucléaire n°82



Été 2019

Travailleurs du nucléaire

Témoignage depuis le Cotentin...

Lorsque nous étions sur le point de boucler cette revue nous avons reçu ce témoignage. Nous souhaitions vous en faire part tellement celui-ci nous a touché.

État de l’industrie nucléaire Travailleurs du nucléaire
© Wikipedia/Xfigpower - Cap de Flamanville

“Je vous transmets quelques informations et témoignages,
Sur une région bien belle, mais cernée par le nucléaire.

Je suis né en 1981,
À Cherbourg.

J’ai vécu dans une région,
Entre :

  • L’arsenal DCNS Cherbourg (sous-marins nucléaires)
  • La centrale Cogema de La Hague
  • Le site nucléaire de Flamanville 1, 2, et de l’EPR3,
  • Le site d’enfouissement de l’ANDRA
  • Et bordé par la fosse des Casquets, où ont été jetés “quelques“ fûts.

Mes deux parents ont travaillé à la centrale Cogema de La Hague. Ils se sont même rencontrés là-bas !
Ils ont vu la centrale se construire, et certaines “histoires“ relatives à celle-ci, entre autres...

L’affaire Busin
Un employé sort des éléments Radioactifs pour les mettre dans la voiture de son supérieur, sous le siège !

Divers accidents entraînant la mort, asphyxiés dans des convenances (cuves profondes sans oxygène, au mépris de la sécurité des employés)

L’incendie du silo 130
Ma mère était enceinte. De moi.
Suite à cet incendie, (avec contamination et rejets dans l’atmosphère),
l’usine laisse les gens aller au self, finir leurs journées et rentrer chez eux !!
Le lendemain, filtrage du personnel et “personne ne repart !“
“Le nuage de fumées radioactives s’est arrêté aux grillages de l’entreprise“. Selon le directeur !
Ils ont décontaminé trois personnes sur quatre,
Et seulement deux véhicules sur trois (la contamination est partie du bâtiment et a balayé tout le parking, avec le vent !)

J’ai découvert ma stérilité il y a dix ans.

J’ai eu une petite sœur, elle a développé un grave syndrome d’épilepsie chronique.

Beaucoup de personnes que j’ai côtoyées, qui avaient travaillé à La Cogema avaient des problèmes de stérilité, de cancer, des enfants handicapés, etc.

Après une carrière dans la construction,
Avec des compétences permettant une évolution de carrière ou d’encadrement,
J’ai eu la très mauvaise idée de suivre une formation pour travailler à l’EPR3, dans l’espoir (laissé miroité par le centre de formation et l’entreprise recruteuse !) de progresser et d’atteindre les bureaux ou le service qualité. Afin de m’éloigner du terrain et des produits chimiques ou néfastes...

J’ai donc commencé une formation de “peintre anti-corrosion, revêtements, bétons, étanchéités des enceintes, plafonds, murs, sols, rétentions ultimes, tuyauteries et installations nucléaires“ afin de pérenniser la sûreté nucléaire de l’EPR3...

Dès la formation (financée par Pôle emploi et la Région !!),
Je m’aperçois des conditions de formation déplorables, qui seront encore bien loin des conditions sur le terrain, malheureusement !

Après trois mois de formation et une bonne dizaine d’habilitations pour pouvoir travailler sur le site
J’ai vite compris que les derniers seraient les premiers !!

Sans effort, les pires ont eu les habilitations, grâce aux besoins de l’entreprise d’avoir de la main-d’œuvre !

Croyez-moi, un singe avec un stylo aurait été reçu, les doigts dans le nez !! Ça rassure !
Mais ce n’est pas tout !

Sur le site, C’EST LÀ OÙ JE VOULAIS EN VENIR, APRÈS AVOIR PLANTÉ LE DÉCOR, c’est l’hallucination totale...

Déjà étant le plus qualifié, j’allais vite être mis à l’épreuve...
Il vaut mieux être sans ambition et bosser en fermant sa bouche, pour ne pas faire de vagues et plaire à la direction,
MÊME COUVRIR DES PROBLÈMES GRAVES concernant les conditions de travail et la sûreté nucléaire de la future centrale “fleuron de la vitrine nucléaire moderne“ !!!

Ce dont j’ai été témoin, est proprement scandaleux.

Entre les malfaçons (défaut de bétonnage pour la structure de la piscine, problèmes structurels, qualité de l’acier des consoles du pont polaire, chutes d’éléments du pont polaire provoquant des impacts dans le dôme sur la zone où je travaillais, un peu plus et bon..., etc.)

J’ai vu et entendu des choses...
Suivant les équipes, certains dorment jusqu’à midi dans les échafaudages, ont juste six platines en inox à peindre, à deux en une semaine ! Et les autres déchargent du matériel (kits de peintures, résines, enduits, compresseur) à la main. J’ai déjà fait 23 étages d’échafaudages, Aller-retour toute la journée...
Station de pompage - 29 mètres, 129 marches aller !
Douze allers-retours avant de bosser...
Plus de 600 kg descendu à la main...

On faisait des pièces de 2000 m2 à cinq, pour les murs j’entends... Salles générateur de vapeur, corium, cuve, etc.

Au bout de trois mois on m’a fait encadrer des intérimaires pour tester mon aptitude à encadrer. On travaillait...
35 degrés Celsius, échafaudages confinés, combinaisons blanches, masques, casques et tout le tintouin
C’était en horaires décalés 14h-22h, on n’avait pas le droit de manger, on étaient seuls dans la centrale, ET AVEC AUCUN SUPÉRIEURS APRÈS 17H00, JUSTE MOI AVEC TROIS MOIS D’ANCIENNETÉ ET LES INTÉRIMAIRES, alors que le comble... : mon chef n’a prévenu personne, l’entreprise n’était pas au courant ! Et lui retirait les lauriers du travail fourni...

En cas d’accident ?
Tu vas voir ton médecin personnel sur ton temps libre, tu dis pas que c’est un accident du travail, et ont te file une place au bureau (avec une petite prime !) juste le temps que tu puisses retourner étaler tes 200 kg d’enduit par personne...
HISTOIRE DE NE PAS DÉCLARER LES ACCIDENTS DE TRAVAIL !

Bâtiment réacteur ? Sur quatre personnes, ils nous ont obligés à peindre 500 m2 à 21h30 le soir, au pistolet ET SANS MASQUE NI LUNETTES ADAPTÉS.

Il fallait mentir à EDF, à l’ASN sur la nature des travaux et des conditions de qualité et de travaux, tout en couvrant l’entreprise pour ne pas se taper de harcèlement moral au sein de l’équipe... Et je ne vous parle pas du travail au noir, des trafics de drogues, sans contrôle à l’entrée....
Tout le monde pouvait rentrer et sortir tout ce qu’il voulait...

Je ne vous parle pas de la qualité du travail, dans les endroits peu accessibles : mal fait et pas contrôlé !

Ça coûte assez cher pour être bien fait, dans le respect des normes, et du personnel.

Énorme gâchis qui détruit les ouvriers et qui va nous mener à une grosse catastrophe, vu les recoins mal finis. Fonds de centrales non étanches, fuites dans les nappes phréatiques,
Vannes et tuyauteries mal peintes qui rouillent et fuitent de la radioactivité... Murs non décontaminables...

Pauvre planète,
Les gens n’ont pas idée de ce qui se passe en vrai dans les centrales, c’est bien pire que ce que l’on pourra jamais imaginer...

Il faut le vivre pour le voir...
Il faut le vivre pour le croire...
C’est une honte...

J’espère que mon témoignage servira, et à défaut de pouvoir faire partie du collectif, pour défendre la cause d’une planète en danger,

Salutations sincères,

Un travailleur du nucléaire

© Wikipedia/Xfigpower - Cap de Flamanville

“Je vous transmets quelques informations et témoignages,
Sur une région bien belle, mais cernée par le nucléaire.

Je suis né en 1981,
À Cherbourg.

J’ai vécu dans une région,
Entre :

  • L’arsenal DCNS Cherbourg (sous-marins nucléaires)
  • La centrale Cogema de La Hague
  • Le site nucléaire de Flamanville 1, 2, et de l’EPR3,
  • Le site d’enfouissement de l’ANDRA
  • Et bordé par la fosse des Casquets, où ont été jetés “quelques“ fûts.

Mes deux parents ont travaillé à la centrale Cogema de La Hague. Ils se sont même rencontrés là-bas !
Ils ont vu la centrale se construire, et certaines “histoires“ relatives à celle-ci, entre autres...

L’affaire Busin
Un employé sort des éléments Radioactifs pour les mettre dans la voiture de son supérieur, sous le siège !

Divers accidents entraînant la mort, asphyxiés dans des convenances (cuves profondes sans oxygène, au mépris de la sécurité des employés)

L’incendie du silo 130
Ma mère était enceinte. De moi.
Suite à cet incendie, (avec contamination et rejets dans l’atmosphère),
l’usine laisse les gens aller au self, finir leurs journées et rentrer chez eux !!
Le lendemain, filtrage du personnel et “personne ne repart !“
“Le nuage de fumées radioactives s’est arrêté aux grillages de l’entreprise“. Selon le directeur !
Ils ont décontaminé trois personnes sur quatre,
Et seulement deux véhicules sur trois (la contamination est partie du bâtiment et a balayé tout le parking, avec le vent !)

J’ai découvert ma stérilité il y a dix ans.

J’ai eu une petite sœur, elle a développé un grave syndrome d’épilepsie chronique.

Beaucoup de personnes que j’ai côtoyées, qui avaient travaillé à La Cogema avaient des problèmes de stérilité, de cancer, des enfants handicapés, etc.

Après une carrière dans la construction,
Avec des compétences permettant une évolution de carrière ou d’encadrement,
J’ai eu la très mauvaise idée de suivre une formation pour travailler à l’EPR3, dans l’espoir (laissé miroité par le centre de formation et l’entreprise recruteuse !) de progresser et d’atteindre les bureaux ou le service qualité. Afin de m’éloigner du terrain et des produits chimiques ou néfastes...

J’ai donc commencé une formation de “peintre anti-corrosion, revêtements, bétons, étanchéités des enceintes, plafonds, murs, sols, rétentions ultimes, tuyauteries et installations nucléaires“ afin de pérenniser la sûreté nucléaire de l’EPR3...

Dès la formation (financée par Pôle emploi et la Région !!),
Je m’aperçois des conditions de formation déplorables, qui seront encore bien loin des conditions sur le terrain, malheureusement !

Après trois mois de formation et une bonne dizaine d’habilitations pour pouvoir travailler sur le site
J’ai vite compris que les derniers seraient les premiers !!

Sans effort, les pires ont eu les habilitations, grâce aux besoins de l’entreprise d’avoir de la main-d’œuvre !

Croyez-moi, un singe avec un stylo aurait été reçu, les doigts dans le nez !! Ça rassure !
Mais ce n’est pas tout !

Sur le site, C’EST LÀ OÙ JE VOULAIS EN VENIR, APRÈS AVOIR PLANTÉ LE DÉCOR, c’est l’hallucination totale...

Déjà étant le plus qualifié, j’allais vite être mis à l’épreuve...
Il vaut mieux être sans ambition et bosser en fermant sa bouche, pour ne pas faire de vagues et plaire à la direction,
MÊME COUVRIR DES PROBLÈMES GRAVES concernant les conditions de travail et la sûreté nucléaire de la future centrale “fleuron de la vitrine nucléaire moderne“ !!!

Ce dont j’ai été témoin, est proprement scandaleux.

Entre les malfaçons (défaut de bétonnage pour la structure de la piscine, problèmes structurels, qualité de l’acier des consoles du pont polaire, chutes d’éléments du pont polaire provoquant des impacts dans le dôme sur la zone où je travaillais, un peu plus et bon..., etc.)

J’ai vu et entendu des choses...
Suivant les équipes, certains dorment jusqu’à midi dans les échafaudages, ont juste six platines en inox à peindre, à deux en une semaine ! Et les autres déchargent du matériel (kits de peintures, résines, enduits, compresseur) à la main. J’ai déjà fait 23 étages d’échafaudages, Aller-retour toute la journée...
Station de pompage - 29 mètres, 129 marches aller !
Douze allers-retours avant de bosser...
Plus de 600 kg descendu à la main...

On faisait des pièces de 2000 m2 à cinq, pour les murs j’entends... Salles générateur de vapeur, corium, cuve, etc.

Au bout de trois mois on m’a fait encadrer des intérimaires pour tester mon aptitude à encadrer. On travaillait...
35 degrés Celsius, échafaudages confinés, combinaisons blanches, masques, casques et tout le tintouin
C’était en horaires décalés 14h-22h, on n’avait pas le droit de manger, on étaient seuls dans la centrale, ET AVEC AUCUN SUPÉRIEURS APRÈS 17H00, JUSTE MOI AVEC TROIS MOIS D’ANCIENNETÉ ET LES INTÉRIMAIRES, alors que le comble... : mon chef n’a prévenu personne, l’entreprise n’était pas au courant ! Et lui retirait les lauriers du travail fourni...

En cas d’accident ?
Tu vas voir ton médecin personnel sur ton temps libre, tu dis pas que c’est un accident du travail, et ont te file une place au bureau (avec une petite prime !) juste le temps que tu puisses retourner étaler tes 200 kg d’enduit par personne...
HISTOIRE DE NE PAS DÉCLARER LES ACCIDENTS DE TRAVAIL !

Bâtiment réacteur ? Sur quatre personnes, ils nous ont obligés à peindre 500 m2 à 21h30 le soir, au pistolet ET SANS MASQUE NI LUNETTES ADAPTÉS.

Il fallait mentir à EDF, à l’ASN sur la nature des travaux et des conditions de qualité et de travaux, tout en couvrant l’entreprise pour ne pas se taper de harcèlement moral au sein de l’équipe... Et je ne vous parle pas du travail au noir, des trafics de drogues, sans contrôle à l’entrée....
Tout le monde pouvait rentrer et sortir tout ce qu’il voulait...

Je ne vous parle pas de la qualité du travail, dans les endroits peu accessibles : mal fait et pas contrôlé !

Ça coûte assez cher pour être bien fait, dans le respect des normes, et du personnel.

Énorme gâchis qui détruit les ouvriers et qui va nous mener à une grosse catastrophe, vu les recoins mal finis. Fonds de centrales non étanches, fuites dans les nappes phréatiques,
Vannes et tuyauteries mal peintes qui rouillent et fuitent de la radioactivité... Murs non décontaminables...

Pauvre planète,
Les gens n’ont pas idée de ce qui se passe en vrai dans les centrales, c’est bien pire que ce que l’on pourra jamais imaginer...

Il faut le vivre pour le voir...
Il faut le vivre pour le croire...
C’est une honte...

J’espère que mon témoignage servira, et à défaut de pouvoir faire partie du collectif, pour défendre la cause d’une planète en danger,

Salutations sincères,

Un travailleur du nucléaire



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