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Des accidents nucléaires partout

Russie : Nionoska : Explosion nucléaire sur une base militaire




10 août 2019


Une explosion a eu lieu jeudi 8 août 2019 dans le nord de la Russie, sur une base militaire. Selon l’AFP, les autorités russes ont reconnu, après 2 jours de silence, que l’explosion, survenue lors du test d’un moteur de missile à source d’énergie isotopique, était nucléaire. L’agence nucléaire russe Rosatom a annoncé un bilan de plusieurs victimes* : 5 morts et 3 blessés, mais le nombre exact reste incertain.


Selon le ministère des Situations d’urgence, des pics de radiations largement supérieurs à la normale ont été enregistrés, allant jusqu’à 2 microsieverts/heure (la limite réglementaire est à 0.6 microsievert/heure). Mais là encore les éléments communiqués par les autorités ne sont pas clairs : le ministère de la Défense affirme qu’aucun produit radioactif ne s’est dégagé dans l’atmosphère. La population, inquiète, a tenté de s’approvisionner en pastilles d’iodes dont les stocks locaux ont rapidement été épuisés. Mais l’iode stable n’est d’aucune protection contre les contaminations engendrées par les radionucléides habituellement utilisés comme source d’énergie (isotopes radioactifs du plutonium, du polonium, de l’américium, du cérium…).

Greenpeace Russie a décidé d’envoyer ses experts sur place. Dans un communiqué, la Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (Criirad) s’interroge sur la puissance des sources radioactives possiblement utilisées. Elle appelle les autorités à préciser la nature de la source radioactive utilisée dans le missile et les concentrations dans l’air respiré par les personnes exposées. En effet, les radionucléides sélectionnés pour constituer des sources d’énergie sont des émetteurs de rayonnement très puissants - et souvent de rayonnement alpha qui sont très radiotoxiques dès lors qu’ils sont incorporés, en particulier s’ils sont inhalés. La Criirad et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) soulignent la nécessité de disposer de ces éléments pour évaluer les risques pour la santé et l’environnement. L’IRSN a affirmé qu’aucune balise de surveillance atmosphérique en Europe occidentale n’a relevé la présence de radionucléide inhabituel ni d’augmentation du niveau de radioactivité observé classiquement.

Aux dernières nouvelles, depuis l’explosion, différents indices apparaissent à travers les médias permettant de commencer à comprendre ce qu’il s’est passé à Nonioska bien que les conséquences restent encore difficiles à évaluer faute d’information sur la nature des éléments radioactifs dispersés lors de l’explosion.

D’après ce communiqué très étoffé de la CRIIRAD qui exploite plusieurs sources journalistiques et officielles :

 Du césium 137 a été détecté dans l’organisme d’un médecin qui a soigné les victimes de l’explosion, sans être averti du caractères radioactif de l’accident. [1]
 De l’iode radioactif a été détecté dans l’atmosphère dans le nord de la Norvège [2]
 Des balises russes de surveillance de la radioactivité de l’air ont été mises hors service en Russie juste après l’accident [3].

À priori il y a peu de chances pour que le territoire français ait été victime de la contamination par des particules radioactives issues de cette explosion.

Ce tracé météorologique réalisé par la CRIIRAD propose différentes simulations pour décrire les courants aériens qui ont eu lieu à la suite de l’explosion à différentes altitudes, et il semble qu’un courant vers l’Est ait prédominé lors de cette période :

Le 25 août on apprend de l’agence russe Rosguidromet que des échantillons relevés à proximité présentaient des isotopes radioactifs de strontium, de baryum et de lanthane. Des isotopes que l’on retrouve à la suite d’une fission nucléaire.

Le 29 août la CRIIRAD relaie des infos du magazine américain CNBC qui révèle que, selon des personnes qui ont accès à des rapports des services secrets américains, l’explosion aurait eu lieu durant une mission de récupération pour sauver un missile à propulsion nucléaire, issu d’un test antérieur et gisant sur le fond marin.

Début septembre, un reportage d’une chaine d’informations locale précise que des morceaux de pontons endommagés ont été retrouvés le long des côtes, ces éléments contaminés par la radioactivité ont laissé des indices qui tendent à corroborer une nouvelle hypothèse : l’explosion aurait eu lieu non pas durant un test de vol du missile mais plutôt lors d’une tentative de récupération de celui-ci, à l’issue d’un test manqué. Pour la CRIIRAD il est indispensable de récupérer tous ces éléments contaminés, mais aussi d’empêcher les riverains d’accéder aux plages qui pourraient être devenues de véritables décharges radioactives...

Faute d’informations sur cette expérience militaire qui a tourné au cauchemar, nous assemblons cependant les différentes pièces d’un puzzle complexe qui nous permettront (peut-être) de déterminer la vérité et les conséquences de ce qui s’est passé ce 8 août 2019.

Dans le doute et par précaution, la première nécessité que nous attendons des autorités russes est de protéger les populations et de s’assurer que personne n’ait pu consommer d’aliments contaminés par les dépôts radioactifs sur les sols et les eaux.

Ce que disent les médias :

  • AFP : La Russie reconnait le caractère nucléaire de l’explosion sur une base militaire

Publié le 10 août 2019

Après deux jours de silence, la Russie a reconnu samedi que l’explosion survenue jeudi sur une base de lancement de missiles dans le Grand Nord avait un caractère nucléaire, revoyant aussi à la hausse le bilan, désormais d’au moins cinq morts.

https://www.afp.com/fr/plateforme-de-linfo

  • RFI : Base militaire accidentée en Russie : inquiétude sur une contamination radioactive

10 août 2019

En Russie, le dernier bilan de l’accident sur un site d’essais militaires dans le Grand nord est de cinq morts et trois blessés. Et la population s’inquiète d’une éventuelle pollution radioactive. Greenpeace Russie a décidé d’envoyer sur place ses propres experts.

http://www.rfi.fr/europe/20190810-base-militaire-russie-inquietude-contamination-radioactive-greenpeace


Ce que dit la CRIIRAD :

Communiqué du 13 août 2019 EXPLOSION PRÈS DE LA BASE MILITAIRE DE NIONOKSA, EN RUSSIE : Les autorités ont reconnu la présence de matières radioactives mais continuent de nier tout risque radiologique.

https://www.criirad.org/actualites/dossier2019/2019-08-13_cp_Nionoksa_2.pdf

Communiqué du 20 août 2019 Du césium 137 détecté dans l’organisme d’un médecin qui a soigné les victimes de l’explosion,De l’iode radioactif détectédans l’atmosphère dans le nord de la Norvège,Des balises russes de surveillance de la radioactivité de l’air mises hors service,De nouvelles questions et toujours pas de réponse

https://www.criirad.org/actualites/dossier2019/2019-08-20_cp_Nionoksa_3.pdf

Communiqué du 28 août 2019

Interrogations et contradictions vont croissant autour de l’explosion qui a provoqué 7 morts et la formation d’un panache radioactif. Rosguidromet a révéléla présencede produits de fissionmais sans publier de chiffres. La mise au point d’un système de propulsion nucléaire pour des missiles reste à confirmer mais ne laisse pas d’inquiéter.

https://www.criirad.org/actualites/dossier2019/2019-08-28_cp_Nionoksa_4.pdf

Communiqué du 30 août 2019 L’explosion aurait eu lieu durant une mission de récupération d’un missile à propulsion nucléaire

https://www.criirad.org/actualites/dossier2019/2019-08-30_cp_Nionoksa_5.pdf


Ce que dit l’IRSN :

Note d’information de l’IRSN sur l’incident nucléaire du 8 août 2019 ayant affecté une installation militaire dans la région d’Arkhangelsk en Russie

15/08/2019

Un incendie et une explosion se sont produits le 8 août 2019 au sein d’installations militaires situées à proximité de la ville de Nyonoksa dans la province d’Arkhangelsk, à l’extrémité nord-ouest de la Fédération de Russie. Ces évènements auraient causé cinq morts et au moins trois blessés, ils s’inscriraient dans le cadre de l’essai d’un missile.

Télécharger la note d’information de l’IRSN du 13 août 2019 "Informations de l’IRSN sur l’incident nucléaire ayant affecté une installation militaire dans la région d’Arkhangelsk (Russie) le 8 août 2019" (pdf)

En savoir plus sur l’organisation de la surveillance de la radioactivité de l’environnement en France

https://www.irsn.fr/FR/Actualites_presse/Actualites/Pages/20190815_Note-information-IRSN-incident-nucleaire-du-8-aout-2019-installation-militaire-Russie.aspx


* Voir le communiqué de l’agence Rosatom du 10 août 2019 (en anglais) : http://www.rosatom.ru/en/press-centre/news/rosatom-department-of-communications-statement/



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