Quand négligences et mauvaise maintenance mènent à la pollution radioactive des eaux souterraines
En décembre 2017, à la centrale du Bugey, EDF a détecté une concentration anormale de tritium (substance radioactive pouvant provoquer de graves dommages à l’ADN) [1] dans la nappe phréatique. Des pics allant jusqu’à 1600 Becquerels par litre ont été détectés les jours suivants : des concentrations importantes pour cette substance qui ne devrait exister qu’à l’état de trace dans la nature.
Comme le montre un rapport d’inspection rédigé par l’Autorité de sûreté nucléaire, cette pollution était la conséquence d’une inquiétante chaîne de dysfonctionnements : défaut de surveillance, dispositifs ne permettant pas la détection automatique des fuites, absence de réaction rapide, entretien insuffisant du matériel… En particulier, deux pompes n’avaient pas fonctionné (l’une d’elles étant défaillante depuis plus d’un an et demi) et un clapet était resté bloqué en position ouverte. Ce dernier n’avait pas fait l’objet de maintenance depuis… 1992 !
Cette contamination radioactive des eaux était la troisième survenue au Bugey en l’espace de 6 ans (plusieurs ayant d’ailleurs déjà fait l’objet de dépôts de plaintes). Ces pollutions récurrentes interpellent sur l’état général de cette centrale, désormais la plus ancienne de France, qui cumule problèmes liés au vieillissement et mauvais entretien des équipements. Elles sont aussi révélatrices de l’état réel d’une industrie nucléaire qui – à tort – s’autoproclame propre et sauveuse du climat.
Pas d’impunité pour EDF !
Le 7 mars 2018, le Réseau “Sortir du nucléaire“, Rhône-Alpes sans sucléaire, Sortir du nucléaire Bugey et Sortir du nucléaire Isère ont déposé plainte. Le Parquet ayant engagé des poursuites contre EDF pour non-respect de la réglementation nucléaire, l’affaire a été examinée par le tribunal de police de Bourg-en-Bresse le 28 février 2020.
Le 22 mai 2020, le tribunal a reconnu EDF coupable de l’ensemble des infractions pour lesquelles elle était poursuivie et l’a condamnée à 3000 euros d’amende. La décision était des plus explicites, constatant que "l’attitude de la société poursuivie, qui refuse de reconnaître sa responsabilité dans cet incident dont elle minimise la gravité malgré la dangerosité de l’installation qui ne souffre pas la tolérance d’un quelconque incident de ce type, les mentions portées à son casier judiciaire et sa situation financière justifient que la société EDF soit condamnée au paiement d’une amende" [2]
Consciente des répercussions d’une telle décision, EDF s’était empressée de faire appel de ce jugement. Une nouvelle audience s’est donc déroulée le 22 octobre 2021 à la cour d’appel de Lyon. Ce 7 décembre, celle-ci a confirmé la condamnation d’EDF pour l’infraction de rejet non maîtrisé d’une substance radioactive dans l’environnement, lui infligeant une amende de 3000 euros. Le maintien de cette condamnation est bienvenu : il aurait été inacceptable que l’entreprise jouisse d’impunité.
Alors qu’EDF compte prolonger à 50 ans la durée de fonctionnement de la centrale du Bugey et envisage même d’y implanter de nouveaux réacteurs, cette énième pollution doit rappeler que le nucléaire n’est pas une énergie « propre ». Prolonger l’activité de ce site pour de nouvelles décennies, c’est prendre le risque de voir se reproduire de nouvelles pollutions de ce type, voire d’autres incidents encore plus graves !
Retrouvez le dossier juridique : https://www.sortirdunucleaire.org/Bugey-fuite-radioactive