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Sortir du nucléaire n°96



Hiver 2023

Plantes contaminées à Golfech : Quand l’activité nucléaire impacte le vivant

L’activité nucléaire nuit au vivant. C’est du moins ce que montre l’étude réalisée entre juin et août 2022 sur la Garonne, où des plantes aquatiques ont été prélevées en amont et en aval de la centrale nucléaire de Golfech, puis analysées par un laboratoire indépendant. Résultat : les activités mesurées de radionucléides contenus dans ces plantes sont significativement plus importantes en aval qu’en amont. Un phénomène accentué par la sécheresse estivale, amené à s’intensifier au fil des années. Golfech, mauvaise élève ? Ce n’est pas la première fois que la centrale est épinglée par la surveillance citoyenne pour des affaires de contaminations du vivant, qu’EDF préfererait garder sous le tapis. Preuve s’il en fallait encore du besoin et de l’importance d’études indépendantes pour surveiller l’impact de l’industriel sur notre environnement.

À l’été 2022, dans le cadre d’une campagne sur l’eau, le Réseau "Sortir du nucléaire" a voulu mettre à l’honneur le travail de surveillance citoyenne exercé au quotidien par des militant·es, des associations et des laboratoires indépendants. Début juin, des plantes aquatiques ont été prélevées dans la Garonne par des militant·es de l’association Stop Golfech, formé·es par le laboratoire de la Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (CRIIRAD) et rompu·es à l’exercice. Les analyses de tritium organiquement lié [1] et de carbone 14 [2] ont ensuite été gérées et interprétées par le laboratoire. Les frais ont été pris en charge par le Réseau "Sortir du nucléaire" et Les Amis de la Terre Midi-Pyrénées (ATMP). L’étude s’est déroulée en 2 temps : avant l’été 2022 et à sa fin, après plusieurs semaines de canicule et de sécheresse. [3]

Radionucléides et manque d’eau : des résultats limpides

Le 7 juin 2022 les membres de Stop Golfech sont allé·es à Malause, rive droite de la Garonne (13 km en amont de la centrale de Golfech), prélever des myriophylles en épi. La même plante aquatique a été prise sur la même rive à Lamagistère, 1,35 km après les rejets de la centrale.

Sachant qu’il n’y a pas d’autre installation rejetant des radionucléides entre les 2 points de prélèvement hormis Golfech, s’il y a plus de radioactivité dans les plantes prélevées en aval que dans celles prélevées en amont, c’est que les rejets de la centrale les ont contaminées. Et c’est bien ce que montrent les résultats des analyses : il n’y a pas ou très peu de tritium organiquement lié dans les plantes en amont du point de rejet (< 3,0 Bq/l d’eau de combustion, le seuil de détection). Mais les plantes en aval en contiennent, et beaucoup plus : 5,88 Bq/l d’eau de combustion. L’activité en carbone 14 en aval (252 Bq/kg de carbone) est aussi supérieure à celle mesurée en amont (206 Bq/kg de carbone). En d’autres termes, la radioactivité rejetée dans le fleuve par le site nucléaire est incorporée par les plantes qui y vivent, elle devient un composant de leur organisme.

Principaux résultats d’analyses radiologiques des plantes aquatiques prélevées en amont et en aval de la centrale nucléaire de Golfech

Le 29 août, après des semaines de sécheresse et de canicule, les bénévoles de Stop Golfech sont retourné·es prélever des plantes à Lamagistère. La baisse du niveau d’eau a-t-elle eu un impact sur le taux de contamination ? Les plantes, qui achevaient leur croissance, contenaient 4 fois plus de tritium que celles prélevées en juin au même endroit (24,5 Bq/litre d’eau de combustion VS 5,88). Elles contenaient aussi plus de carbone 14 (360 Bq/kg de carbone VS 252).

Les résultats de l’étude sont limpides : non seulement les rejets de la centrale contaminent le vivant, mais l’effet est probablement amplifié lorsque le développement des plantes est avancé et que les niveaux d’eau sont bas.

Principaux résultats d’analyses radiologiques des plantes aquatiques prélevées en juin et en août en aval de la centrale nucléaire de Golfech

Rapport de la CRIIRAD : Contamination radioactive du milieu aquatique par les rejets liquides des centrales électronucléaires :

Télécharger le rapport de la CRIIRAD

Cette étude indépendante menée par un réseau d’acteur·ices citoyen a permis de démontrer un effet des rejets radioactifs dans l’eau sur les organismes vivants, un effet non négligeable, loin de là, puisque les radionucléides finissent par devenir des composants des êtres vivants. Et qu’en est-il si ces organismes vivants sont ensuite consommés par d’autres êtres vivants ?

Les registres lacunaires d’EDF

Cette contamination du vivant par les radionucléides rejetés par EDF dans l’environnement ne figure pas dans les rapports annuels dans lesquels les industriels présentent les données et les effets de leurs activités sur les populations et les écosystèmes. Cet effet n’est donc pas montré par EDF alors que les résultats de la CRIIRAD prouvent qu’il est avéré. D’avis de l’Autorité de Sûreté Nucléaire même, les conséquences de cet effet ne sont pas connues fautes d’être étudiées [4]. Comment peut-on encore penser que le système déclaratif sur lequel repose le contrôle des industriels est efficace ? Comment peut-on encore penser que les responsables des altérations environnementales vont d’eux-mêmes se dénoncer et s’autoréguler ? Qui croit encore que EDF va tout vérifier, tout dire et tout montrer ? N’a-t-il pas plutôt intérêt à minimiser les effets de ses rejets dans l’environnement pour faire perdurer son activité ?

La surveillance environnementale exercée par EDF sur ses propres activités industrielles est biaisée car orientée. En parallèle, le contrôle exercé par les autorités sur les déclarations de l’exploitant est largement insuffisant. Les registres compilant les éléments radiologiques et chimiques rejetés dans l’air et dans l’eau, publiés depuis peu par EDF [5] sont lacunaires, les données y sont réduites à des formes composites et simplifiées, leur accès difficile et sporadique (pas de dates de publication fixe, pas d’archivage etc.). Quant aux registres de rejets des installations nucléaires gérées par d’autres exploitants nucléaires (Orano, le CEA, etc.) ils sont tout simplement inaccessibles : ils ne sont toujours pas communiqués au public.

L’étude de l’été 2022 démontre non seulement l’effet des rejets radioactifs sur la contamination du vivant, un effet potentialisé par l’état de la ressource en eau et les besoins des organismes au cours de leur développement, mais aussi la nécessité d’une surveillance indépendante de l’environnement. Une surveillance qui ne soit pas sous contrôle du responsable de ces rejets.

À lire : La surveillance citoyenne : plusieurs leviers d’actions pour démontrer, dénoncer et faire condamner

Golfech, mauvaise élève déjà épinglée par le passé

Ces faits de contamination ne sont pas les premiers à faire parler de la centrale nucléaire de Golfech, et ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les bénévoles de la coordination Stop Golfech et de la CRIIRAD se sont penché·es sur ce site pour effectuer leurs prélèvements. Localement, la contestation a pris forme dès le début du projet de construction de la centrale. En 1986, la Coordination Stop Golfech rassemblait déjà des milliers d’opposant·es à la centrale, dont le premier réacteur a produit de l’électricité à partir de 1990. En 1989, une des tours de refroidissement même été occupée pendant 5 jours par des membres du Collectif Paix et de Vivre Sans le Danger Nucléaire de Golfech (VSDNG), et en 1991, l’association publie le premier numéro de son journal d’information Stop Golfech. Depuis VSDNG n’a pas cessé d’organiser des rassemblements, des conférences, des évènements divers, d’assurer la publication du journal StopGolfech... et de surveiller l’état de la Garonne, en réalisant de nombreux prélèvements de végétaux en compagnie des Amis de la Terre Midi Pyrénées et de l’association des malades de la Thyroïde, et en les faisant analyser par la CRIIRAD.

C’est que les incidents dits significatifs pour l’environnement [6] surviennent régulièrement à Golfech : fuites de liquides de refroidissements (qui deviennent de puissants gaz à effet de serre), déversement d’acide et fuite de produits chimiques en 2022 ; déversement d’acide sulfurique et autres rejets chimiques dans la Garonne en 2019 ; rejets radioactifs dans l’air en 2016 (pour lesquels EDF a été condamné) ; rejets radioactifs dans la nappe d’eau souterraine en 2010 (pour lesquels EDF a été condamné) … Pour n’en citer que quelques-uns. En 2021, l’Autorité de Sûreté Nucléaire considérait ainsi que la sûreté nucléaire à Golfech était en retrait par rapport aux autres [7] et ce alors même qu’un « plan d’action » est déployé sur le site depuis 2019. En matière de maintenance aussi l’ASN pointait des besoins d’améliorations : trop d’incidents surviennent encore à cause d’interventions mal faites sur les équipements [8]. Mais en terme de protection de l’environnement, de gestion des déchets et des rejets, pour le gendarme du nucléaire, le niveau est satisfaisant...

Une affirmation que ne partagent pas les associations locales, dont le travail de surveillance, de prélèvements et d’analyse a permis de mettre en évidence à plusieurs reprises l’impact de l’activité nucléaire sur la Garonne. Afin d’effectuer un contrôle plus spécifique de l’impact des rejets radioactifs liquides de la centrale de Golfech, l’association VSDNG avec le soutien scientifique du laboratoire de la CRIIRAD, avait par exemple mené en 2009 une campagne d’analyse de végétaux aquatiques prélevés dans la Garonne, en amont et en aval du point de rejets de la centrale. Les analyses avaient révélé qu’il y avait plus de 4 fois plus de tritium organiquement lié à Lamagistère, 870 mètres en aval des rejets de Golfech, qu’en amont (tritium non détecté en amont). Quant au carbone 14, il y en avait presque 2 fois plus en aval. Afin de vérifier la situation 10 ans après, une nouvelle campagne de mesures a été mise en œuvre à l’automne 2019. L’activité en tritium organiquement lié en aval (14,3 Becquerel [9] par litre d’eau de combustion [10]) était au moins 4 fois supérieure à celle de la station amont (dont l’activité était inférieure à la limite de détection : < 3,0 Bq/l d’eau de combustion). Pour le carbone 14, l’activité en aval (666 Bq/kg de carbone) était plus de 3 fois supérieure à celle mesurée à la station amont (217 Bq/kg de carbone).

Plus d’informations sur ces études sont disponibles sur une page dédiée du site internet de la CRIIRAD

Entre temps, le 14 octobre 2017, le Réseau Citoyen de Surveillance de la Radioactivité Golfech – Le Blayais (RCSRGB) a vu le jour, suite aux importants rejets radioactifs d’octobre 2016 par la centrale. Aujourd’hui ce réseau compte une quinzaine de préleveur·euses équipé·es de radiamètres [11] et d’un site internet d’informations. Et cette initiative citoyenne est une aubaine ! Car au-delà de pointer du doigt la contamination du vivant par l’industrie nucléaire, ces études, comme celle menée à l’été 2022 ne sont qu’un exemple parmi d’autres, nombreux, qui démontrent que les impacts écologiques et sanitaires des activités nucléaires doivent être surveillés et expertisés de manière indépendante plutôt que par ceux qui les causent. Si l’on veut dresser un état des lieux objectif et exhaustif, si l’on veut connaître les réalités environnementales autour des sites industriels, il faut le faire autrement qu’en se basant uniquement sur les données des exploitants car elles sont orientées par ses intérêts privés. Outre la portée immédiate de ces résultats, c’est la non-fiabilité du système déclaratif et l’inefficacité intrinsèque de l’auto-contrôle industriel que démontre cette étude.

Dans un monde idéal, où l’intérêt commun – protéger la planète et ses ressources - serait partagé par tou·tes, nous citoyen·nes n’aurions pas à nous battre. Mais c’est à nous de surveiller, à nous de guetter, d’enquêter, de vérifier si l’on veut que l’intérêt commun passe en premier. Au-dessus des intérêts privés, au-dessus de l’exploitation et des profits. Le route est longue, oui. Ardue, oui. Mais elle est claire et se prend à plusieurs. Renforcer les réseaux indépendants, la veille et les recherches documentaires, multiplier les prélèvements et les analyses, centraliser, coordonner, mutualiser : c’est avec ces moyens que la société civile peut faire entendre sa voix et montrer le pouvoir de sa contre-expertise. Puisqu’on ne peut pas compter sur les industriels pour fournir des informations fiables et objectives, puisque les autorités n’exercent pas un contrôle efficace et suffisant, c’est à nous, peuple, individu, collectif, qu’il revient de montrer les effets du nucléaire sur notre environnement. Qu’il s’agisse d’eau potable ou de plantes aquatiques. Non la radioactivité ne reste pas confinée dans les centrales nucléaires. Oui elle est déversée dans notre environnement. Non elle n’est pas sans impact sur le vivant. À l’heure où l’urgence est d’arrêter la casse environnementale, à l’heure du changement climatique, et de l’extinction massive des espèces, à l’heure où « chaque geste compte », il est temps de porter une autre voix pour mettre les industriels et les politiques face à leurs mensonges et leurs non-dits. Il n’est pas trop tard, il est toujours temps de se battre.

Dossier de presse - Présentation des résultats de l’étude CRIIRAD

À l’été 2022, dans le cadre d’une campagne sur l’eau, le Réseau "Sortir du nucléaire" a voulu mettre à l’honneur le travail de surveillance citoyenne exercé au quotidien par des militant·es, des associations et des laboratoires indépendants. Début juin, des plantes aquatiques ont été prélevées dans la Garonne par des militant·es de l’association Stop Golfech, formé·es par le laboratoire de la Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (CRIIRAD) et rompu·es à l’exercice. Les analyses de tritium organiquement lié [1] et de carbone 14 [2] ont ensuite été gérées et interprétées par le laboratoire. Les frais ont été pris en charge par le Réseau "Sortir du nucléaire" et Les Amis de la Terre Midi-Pyrénées (ATMP). L’étude s’est déroulée en 2 temps : avant l’été 2022 et à sa fin, après plusieurs semaines de canicule et de sécheresse. [3]

Radionucléides et manque d’eau : des résultats limpides

Le 7 juin 2022 les membres de Stop Golfech sont allé·es à Malause, rive droite de la Garonne (13 km en amont de la centrale de Golfech), prélever des myriophylles en épi. La même plante aquatique a été prise sur la même rive à Lamagistère, 1,35 km après les rejets de la centrale.

Sachant qu’il n’y a pas d’autre installation rejetant des radionucléides entre les 2 points de prélèvement hormis Golfech, s’il y a plus de radioactivité dans les plantes prélevées en aval que dans celles prélevées en amont, c’est que les rejets de la centrale les ont contaminées. Et c’est bien ce que montrent les résultats des analyses : il n’y a pas ou très peu de tritium organiquement lié dans les plantes en amont du point de rejet (< 3,0 Bq/l d’eau de combustion, le seuil de détection). Mais les plantes en aval en contiennent, et beaucoup plus : 5,88 Bq/l d’eau de combustion. L’activité en carbone 14 en aval (252 Bq/kg de carbone) est aussi supérieure à celle mesurée en amont (206 Bq/kg de carbone). En d’autres termes, la radioactivité rejetée dans le fleuve par le site nucléaire est incorporée par les plantes qui y vivent, elle devient un composant de leur organisme.

Principaux résultats d’analyses radiologiques des plantes aquatiques prélevées en amont et en aval de la centrale nucléaire de Golfech

Le 29 août, après des semaines de sécheresse et de canicule, les bénévoles de Stop Golfech sont retourné·es prélever des plantes à Lamagistère. La baisse du niveau d’eau a-t-elle eu un impact sur le taux de contamination ? Les plantes, qui achevaient leur croissance, contenaient 4 fois plus de tritium que celles prélevées en juin au même endroit (24,5 Bq/litre d’eau de combustion VS 5,88). Elles contenaient aussi plus de carbone 14 (360 Bq/kg de carbone VS 252).

Les résultats de l’étude sont limpides : non seulement les rejets de la centrale contaminent le vivant, mais l’effet est probablement amplifié lorsque le développement des plantes est avancé et que les niveaux d’eau sont bas.

Principaux résultats d’analyses radiologiques des plantes aquatiques prélevées en juin et en août en aval de la centrale nucléaire de Golfech

Rapport de la CRIIRAD : Contamination radioactive du milieu aquatique par les rejets liquides des centrales électronucléaires :

Télécharger le rapport de la CRIIRAD

Cette étude indépendante menée par un réseau d’acteur·ices citoyen a permis de démontrer un effet des rejets radioactifs dans l’eau sur les organismes vivants, un effet non négligeable, loin de là, puisque les radionucléides finissent par devenir des composants des êtres vivants. Et qu’en est-il si ces organismes vivants sont ensuite consommés par d’autres êtres vivants ?

Les registres lacunaires d’EDF

Cette contamination du vivant par les radionucléides rejetés par EDF dans l’environnement ne figure pas dans les rapports annuels dans lesquels les industriels présentent les données et les effets de leurs activités sur les populations et les écosystèmes. Cet effet n’est donc pas montré par EDF alors que les résultats de la CRIIRAD prouvent qu’il est avéré. D’avis de l’Autorité de Sûreté Nucléaire même, les conséquences de cet effet ne sont pas connues fautes d’être étudiées [4]. Comment peut-on encore penser que le système déclaratif sur lequel repose le contrôle des industriels est efficace ? Comment peut-on encore penser que les responsables des altérations environnementales vont d’eux-mêmes se dénoncer et s’autoréguler ? Qui croit encore que EDF va tout vérifier, tout dire et tout montrer ? N’a-t-il pas plutôt intérêt à minimiser les effets de ses rejets dans l’environnement pour faire perdurer son activité ?

La surveillance environnementale exercée par EDF sur ses propres activités industrielles est biaisée car orientée. En parallèle, le contrôle exercé par les autorités sur les déclarations de l’exploitant est largement insuffisant. Les registres compilant les éléments radiologiques et chimiques rejetés dans l’air et dans l’eau, publiés depuis peu par EDF [5] sont lacunaires, les données y sont réduites à des formes composites et simplifiées, leur accès difficile et sporadique (pas de dates de publication fixe, pas d’archivage etc.). Quant aux registres de rejets des installations nucléaires gérées par d’autres exploitants nucléaires (Orano, le CEA, etc.) ils sont tout simplement inaccessibles : ils ne sont toujours pas communiqués au public.

L’étude de l’été 2022 démontre non seulement l’effet des rejets radioactifs sur la contamination du vivant, un effet potentialisé par l’état de la ressource en eau et les besoins des organismes au cours de leur développement, mais aussi la nécessité d’une surveillance indépendante de l’environnement. Une surveillance qui ne soit pas sous contrôle du responsable de ces rejets.

À lire : La surveillance citoyenne : plusieurs leviers d’actions pour démontrer, dénoncer et faire condamner

Golfech, mauvaise élève déjà épinglée par le passé

Ces faits de contamination ne sont pas les premiers à faire parler de la centrale nucléaire de Golfech, et ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les bénévoles de la coordination Stop Golfech et de la CRIIRAD se sont penché·es sur ce site pour effectuer leurs prélèvements. Localement, la contestation a pris forme dès le début du projet de construction de la centrale. En 1986, la Coordination Stop Golfech rassemblait déjà des milliers d’opposant·es à la centrale, dont le premier réacteur a produit de l’électricité à partir de 1990. En 1989, une des tours de refroidissement même été occupée pendant 5 jours par des membres du Collectif Paix et de Vivre Sans le Danger Nucléaire de Golfech (VSDNG), et en 1991, l’association publie le premier numéro de son journal d’information Stop Golfech. Depuis VSDNG n’a pas cessé d’organiser des rassemblements, des conférences, des évènements divers, d’assurer la publication du journal StopGolfech... et de surveiller l’état de la Garonne, en réalisant de nombreux prélèvements de végétaux en compagnie des Amis de la Terre Midi Pyrénées et de l’association des malades de la Thyroïde, et en les faisant analyser par la CRIIRAD.

C’est que les incidents dits significatifs pour l’environnement [6] surviennent régulièrement à Golfech : fuites de liquides de refroidissements (qui deviennent de puissants gaz à effet de serre), déversement d’acide et fuite de produits chimiques en 2022 ; déversement d’acide sulfurique et autres rejets chimiques dans la Garonne en 2019 ; rejets radioactifs dans l’air en 2016 (pour lesquels EDF a été condamné) ; rejets radioactifs dans la nappe d’eau souterraine en 2010 (pour lesquels EDF a été condamné) … Pour n’en citer que quelques-uns. En 2021, l’Autorité de Sûreté Nucléaire considérait ainsi que la sûreté nucléaire à Golfech était en retrait par rapport aux autres [7] et ce alors même qu’un « plan d’action » est déployé sur le site depuis 2019. En matière de maintenance aussi l’ASN pointait des besoins d’améliorations : trop d’incidents surviennent encore à cause d’interventions mal faites sur les équipements [8]. Mais en terme de protection de l’environnement, de gestion des déchets et des rejets, pour le gendarme du nucléaire, le niveau est satisfaisant...

Une affirmation que ne partagent pas les associations locales, dont le travail de surveillance, de prélèvements et d’analyse a permis de mettre en évidence à plusieurs reprises l’impact de l’activité nucléaire sur la Garonne. Afin d’effectuer un contrôle plus spécifique de l’impact des rejets radioactifs liquides de la centrale de Golfech, l’association VSDNG avec le soutien scientifique du laboratoire de la CRIIRAD, avait par exemple mené en 2009 une campagne d’analyse de végétaux aquatiques prélevés dans la Garonne, en amont et en aval du point de rejets de la centrale. Les analyses avaient révélé qu’il y avait plus de 4 fois plus de tritium organiquement lié à Lamagistère, 870 mètres en aval des rejets de Golfech, qu’en amont (tritium non détecté en amont). Quant au carbone 14, il y en avait presque 2 fois plus en aval. Afin de vérifier la situation 10 ans après, une nouvelle campagne de mesures a été mise en œuvre à l’automne 2019. L’activité en tritium organiquement lié en aval (14,3 Becquerel [9] par litre d’eau de combustion [10]) était au moins 4 fois supérieure à celle de la station amont (dont l’activité était inférieure à la limite de détection : < 3,0 Bq/l d’eau de combustion). Pour le carbone 14, l’activité en aval (666 Bq/kg de carbone) était plus de 3 fois supérieure à celle mesurée à la station amont (217 Bq/kg de carbone).

Plus d’informations sur ces études sont disponibles sur une page dédiée du site internet de la CRIIRAD

Entre temps, le 14 octobre 2017, le Réseau Citoyen de Surveillance de la Radioactivité Golfech – Le Blayais (RCSRGB) a vu le jour, suite aux importants rejets radioactifs d’octobre 2016 par la centrale. Aujourd’hui ce réseau compte une quinzaine de préleveur·euses équipé·es de radiamètres [11] et d’un site internet d’informations. Et cette initiative citoyenne est une aubaine ! Car au-delà de pointer du doigt la contamination du vivant par l’industrie nucléaire, ces études, comme celle menée à l’été 2022 ne sont qu’un exemple parmi d’autres, nombreux, qui démontrent que les impacts écologiques et sanitaires des activités nucléaires doivent être surveillés et expertisés de manière indépendante plutôt que par ceux qui les causent. Si l’on veut dresser un état des lieux objectif et exhaustif, si l’on veut connaître les réalités environnementales autour des sites industriels, il faut le faire autrement qu’en se basant uniquement sur les données des exploitants car elles sont orientées par ses intérêts privés. Outre la portée immédiate de ces résultats, c’est la non-fiabilité du système déclaratif et l’inefficacité intrinsèque de l’auto-contrôle industriel que démontre cette étude.

Dans un monde idéal, où l’intérêt commun – protéger la planète et ses ressources - serait partagé par tou·tes, nous citoyen·nes n’aurions pas à nous battre. Mais c’est à nous de surveiller, à nous de guetter, d’enquêter, de vérifier si l’on veut que l’intérêt commun passe en premier. Au-dessus des intérêts privés, au-dessus de l’exploitation et des profits. Le route est longue, oui. Ardue, oui. Mais elle est claire et se prend à plusieurs. Renforcer les réseaux indépendants, la veille et les recherches documentaires, multiplier les prélèvements et les analyses, centraliser, coordonner, mutualiser : c’est avec ces moyens que la société civile peut faire entendre sa voix et montrer le pouvoir de sa contre-expertise. Puisqu’on ne peut pas compter sur les industriels pour fournir des informations fiables et objectives, puisque les autorités n’exercent pas un contrôle efficace et suffisant, c’est à nous, peuple, individu, collectif, qu’il revient de montrer les effets du nucléaire sur notre environnement. Qu’il s’agisse d’eau potable ou de plantes aquatiques. Non la radioactivité ne reste pas confinée dans les centrales nucléaires. Oui elle est déversée dans notre environnement. Non elle n’est pas sans impact sur le vivant. À l’heure où l’urgence est d’arrêter la casse environnementale, à l’heure du changement climatique, et de l’extinction massive des espèces, à l’heure où « chaque geste compte », il est temps de porter une autre voix pour mettre les industriels et les politiques face à leurs mensonges et leurs non-dits. Il n’est pas trop tard, il est toujours temps de se battre.

Dossier de presse - Présentation des résultats de l’étude CRIIRAD


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