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Retour à La Hague : entre lettre d’amour et appel au fracas
Sorti début 2022, "Retour à La Hague" fait revivre le tumultueux et passionné texte "La Hague, ma terre violentée", publié au début des années 80 par Xavière Gauthier, militante antinucléaire. Cette réédition, accompagnée d’une correspondance à trois voix et d’une lettre adressée à Greta Thunberg, questionne ce que signifie vivre en terre nucléarisée pour les générations passées, présentes et à venir.
Écolo, antinucléaire, féministe. Retour à La Hague, publié dans la collection Sorcières des Éditions Cambourakis (parmi laquelle figure également Des femmes contre des missiles qui retrace l’histoire des femmes de Greenham Common) est tout cela et bien plus encore. Le livre s’ouvre sur un échange de mails, un « tressage », entre Isabelle Cambourakis, directrice de la collection Sorcières, Xavière Gauthier, autrice, et Sophie Houdart, anthropologue ayant rédigé plusieurs articles sur Fukushima. Vient ensuite le « cœur » de l’œuvre : la réédition du texte de 1981 de Xavière Gauthier : La Hague, ma terre violentée.
Dans une tempête de mots, de pensées, d’émotions, l’autrice nous transporte dans le Cotentin, et en arpentant ses souvenirs, nous fait découvrir La Hague, sa Hague : sa beauté, sa force, sa violence aussi parfois. Car c’est à La Hague que l’industrie nucléaire a décidé de s’installer pour laver son linge sale, empoisonnant la terre, la mer, et même l’insouciance et la vie. Celle des habitant·es de l’époque, celle des générations à venir.
Récit aussi vivant et chaotique qu’un vent normand, cette réédition de La Hague, ma terre violentée nous fait perdre tous repères : pas de chapitre, mais un enchainement de cris et de murmures venus des entrailles. Il y a quelque chose de viscéral dans ce « retour à La Hague ».
Xavière Gauthier savait-elle en écrivant ses mots qu’ils tisseraient un lien entre passé, présent et futur, entre générations de militant·es ? 40 ans après la publication de son texte dans les pages de la revue Sorcières, les questions et l’indignation qui y sont abordées n’ont malheureusement pas disparu. Le nucléaire continue d’empoisonner La Hague (la France, le monde...), la question des déchets radioactifs demeure non résolue, le rapport de force entre EDF et les opposant·es est toujours celui de l’éléphant et de la fourmi (« Le son de ma voix, étranglé, atterré, apparaît minuscule. La rage qui m’agite, l’angoisse qui m’étreint, apparaissent ridicules. J’ai l’impression d’être une fourmi, trépignante de colère ou essayant de toutes ses forces, arc-boutée, de déplacer un éléphant dont la patte écrase la fourmilière. »).
Mais au milieu du tumulte, de la bourrasque de La Hague, se trouve un un élan de vie qui résiste à la machine de mort nucléaire, un grondement, une « clameur de haro » que « tout homme peut pousser ». La Hague, ma terre violentée, est une lettre d’amour à la matrie de Xavière Gauthier, aussi bien qu’un appel au fracas. Associé au « tressage » qui le précède, et à la lettre à Greta Thunberg, dans laquelle l’autrice parvient a résumer en quelques pages les grands enjeux de la lutte contre le nucléaire, ce texte est surtout un excellent outil pour continuer à tisser du lien et à faire vivre la lutte.
- Louiselle Debiez
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