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Sortir du nucléaire n°80



Hiver 2019

Nucléaire et climat

Non, le nucléaire ne sauvera pas le climat

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°80 - Hiver 2019

 Nucléaire et climat


Le changement climatique et ses conséquences sont aujourd’hui incontestables : hausse de la température moyenne, élévation du niveau des mers, multiplication des épisodes climatiques extrêmes (tempête, sècheresse, inondations), etc. Le rapport du GIEC  [1] paru à l’automne 2018 démontre que chaque dixième de degré compte si l’on veut limiter les menaces croissantes que subissent les populations humaines face aux changements climatiques. Mais limiter le réchauffement ne doit pas être un prétexte pour laisser la porte ouverte à des technologies aux impacts inacceptables sur la planète ou sur les populations, comme c’est le cas de l’industrie nucléaire (pollution des mines d’uranium, risque d’accident, production de déchets, etc.).



C’est pourtant ce que tentent de nous faire avaler les pronucléaires. Depuis plusieurs mois, ils ne reculent devant rien et assènent tous le même discours : le nucléaire ne produirait pas de CO2, il serait donc bon pour la planète. Mais ce n’est en fait qu’une tentative pour masquer la déroute de cette industrie, entre le mur d’investissements nécessaire pour faire face au vieillissement des centrales, leur dette immense, leurs déchets et le désamour des Français qui semble se confirmer  [2].

Le nucléaire est hors sujet quand on parle de limiter le réchauffement climatique

Tout d’abord, 75% des émissions mondiales de gaz à effet de serre proviennent de secteurs sans aucun lien avec la production d’électricité : agriculture, exploitation forestière, industrie, transport routier, maritime et aérien, etc. En France, les efforts à faire pour le climat sont ailleurs que dans le secteur énergétique. Même avec 75% d’électricité d’origine nucléaire, les émissions de gaz à effet de serre sont quatre fois trop élevées pour atteindre les objectifs climatiques. L’Agence internationale de l’énergie affirmait en 2015 que c’est l’efficacité énergétique qui pourra assurer d’ici 2030 50% de réduction des émissions de CO2. Et si la filière nucléaire rejette moins de gaz à effet de serre que le charbon, elle en produit tout de même : construction et démantèlement des réacteurs, extraction de l’uranium, transport et fabrication du combustible, gestion des déchets, etc.

Le nucléaire est hors-délai pour sauver le climat

Ainsi, pour assurer la production mondiale d’électricité avec le nucléaire il faudrait construire 1 500 réacteurs nucléaires. Même un développement spectaculaire du nucléaire n’aurait qu’un effet marginal sur la réduction des émissions mondiales de gaz à effet de serre. [3] Et est surtout totalement irréaliste. Aujourd’hui, il faut environ 8 à 10 ans pour qu’un réacteur sorte de terre et soit raccordé au réseau, les délais de construction seraient intenables. Sans compter que les ressources financières, industrielles et matérielles ne sont pas là ! Pour réduire nos émissions, il est bien plus efficace et plus rapide de tabler sur les économies d’énergie et les énergies renouvelables 

Le nucléaire est trop cher

La technologie nucléaire est un gouffre financier. Elle nécessite des investissements considérables et d’énormes subventions publiques. D’ailleurs, les investisseurs ne s’y trompent pas : seul 2% de leurs investissements vont vers la filière nucléaire. Pour un euro investi, l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables sont bien plus performantes que le nucléaire pour réduire les gaz à effet de serre. Gaspiller des milliards dans le nucléaire, comme le fait la France, empêche le développement des “vraies“ solutions.

Et le nucléaire est très cher pour le consommateur ! Au niveau mondial, son coût augmente chaque année alors que celui des énergies renouvelables baisse. En France, sans les subventions, directement prises sur nos impôts, et le tarif réglementé, nous paierions notre électricité beaucoup plus cher.

Enfin, à investissement égal, les secteurs des économies d’énergie et des énergies renouvelables créent 15 fois plus d’emplois que la filière nucléaire. En Allemagne, le plan de sortie du nucléaire à la fin des années 2000 a entraîné la création de plus de 300 000 emplois, et les syndicats de salariés l’ont soutenu sans ambiguïté. Plus important encore : ces emplois ne menacent pas la vie des travailleurs, contrairement à ceux que propose l’industrie nucléaire.

Le nucléaire ne fonctionne pas dans un climat dégradé

Cyclones, canicules, tempêtes… Selon les climatologues, la fréquence de ces événements ne cesse d’augmenter. Or les centrales nucléaires y sont très vulnérables. Si le niveau des cours d’eau baisse, si leur température augmente, le refroidissement des réacteurs ne se fait plus correctement, ce qui peut conduire à leur ralentissement voir à leur arrêt. Cela a été le cas en 2003 pendant la canicule en France ; plus récemment, à l’été 2018, ce sont une dizaine de réacteurs dont la puissance a été réduite. À l’inverse, lors de la tempête de 1999, une inondation avait entraîné une situation de crise à la centrale nucléaire du Blayais en Gironde. L’équation est claire : avec un climat dégradé, l’industrie nucléaire ne tiendra pas la route. Nous devons dès aujourd’hui nous tourner vers d’autres sources de production d’électricité et vers la sobriété.

Alors engageons-nous sur la voie des énergies renouvelables

L’Ademe précisait en 2015 que même la France pouvait s’engager à remplacer son électricité nucléaire, sans que cela n’engendre de surcoût. À condition d’une volonté politique et de mettre les moyens aux bons endroits. Ainsi, dans son diagnostic elle évaluait que produire 100% d’électricité renouvelable ne coûterait pas plus cher que de garder 50% du parc nucléaire. Lorsque l’on pense à la Programmation pluriannuelle de l’énergie, qui repousse de nouveau les échéances de la réduction de la part du nucléaire et qui demande même à EDF de travailler sur de nouveaux projets d’EPR, il semble que nos dirigeants marchent sur la tête.

Par ailleurs, avec sa diversité de climats et de territoires la France est particulièrement bien “équipée“ pour passer à la transition énergétique. Entre le soleil, les vents, les fleuves, l’océan, la mer, ses surfaces agricoles et ses forêts, toutes les techniques renouvelables sont utilisables et si l’ensemble se développait la France pourrait produire jusqu’à 300% de la demande actuelle en électricité.

Qu’attendent nos dirigeants ? L’Allemagne a réussi à baisser ses émissions de gaz à effet de serre tout en réduisant la part du nucléaire grâce à une politique volontariste de développement des énergies renouvelables. Elle a ainsi su compenser la fermeture de 10 réacteurs nucléaires entre 2010 et 2017 et l’annulation de 6 projets de centrales à charbon par l’essor des énergies renouvelables.  [4]

Anne-Lise Devaux


Notes

[1Une copie de cette lettre est envoyée au Président de la République, au Ministre des Armées, aux Présidents de la Commission de la Défense de l’Assemblée Nationale et du Sénat, au Préfet de Côte d’Or, à des élus régionaux, départementaux et locaux, aux Églises et organisations spirituelles ainsi qu’à la presse nationale et locale.

[2Le centre de Valduc, situé à 45 km de Dijon, est un site de recherche et de production d’armes nucléaires dépendant de la Direction des Applications Militaires (DEA) du Commissariat à l’Énergie Atomique (CEA). Le centre utilise du tritium, du deutérium, du plutonium et de l’uranium pour fabriquer les différents modèles de bombes. Il assure aussi la maintenance des armes et le recyclage des modèles déclassés, ce qui implique des opérations d’extraction polluantes.

[3Sondage IFOP du 4 juillet 2018 commandé par le Mouvement de la Paix et le quotidien La Croix.

[4Sources : Eurostat – AGEB Unweltbundesamt, World Nuclear Industry Status Report 2018 et Energietransition.de

C’est pourtant ce que tentent de nous faire avaler les pronucléaires. Depuis plusieurs mois, ils ne reculent devant rien et assènent tous le même discours : le nucléaire ne produirait pas de CO2, il serait donc bon pour la planète. Mais ce n’est en fait qu’une tentative pour masquer la déroute de cette industrie, entre le mur d’investissements nécessaire pour faire face au vieillissement des centrales, leur dette immense, leurs déchets et le désamour des Français qui semble se confirmer  [1].

Le nucléaire est hors sujet quand on parle de limiter le réchauffement climatique

Tout d’abord, 75% des émissions mondiales de gaz à effet de serre proviennent de secteurs sans aucun lien avec la production d’électricité : agriculture, exploitation forestière, industrie, transport routier, maritime et aérien, etc. En France, les efforts à faire pour le climat sont ailleurs que dans le secteur énergétique. Même avec 75% d’électricité d’origine nucléaire, les émissions de gaz à effet de serre sont quatre fois trop élevées pour atteindre les objectifs climatiques. L’Agence internationale de l’énergie affirmait en 2015 que c’est l’efficacité énergétique qui pourra assurer d’ici 2030 50% de réduction des émissions de CO2. Et si la filière nucléaire rejette moins de gaz à effet de serre que le charbon, elle en produit tout de même : construction et démantèlement des réacteurs, extraction de l’uranium, transport et fabrication du combustible, gestion des déchets, etc.

Le nucléaire est hors-délai pour sauver le climat

Ainsi, pour assurer la production mondiale d’électricité avec le nucléaire il faudrait construire 1 500 réacteurs nucléaires. Même un développement spectaculaire du nucléaire n’aurait qu’un effet marginal sur la réduction des émissions mondiales de gaz à effet de serre. [2] Et est surtout totalement irréaliste. Aujourd’hui, il faut environ 8 à 10 ans pour qu’un réacteur sorte de terre et soit raccordé au réseau, les délais de construction seraient intenables. Sans compter que les ressources financières, industrielles et matérielles ne sont pas là ! Pour réduire nos émissions, il est bien plus efficace et plus rapide de tabler sur les économies d’énergie et les énergies renouvelables 

Le nucléaire est trop cher

La technologie nucléaire est un gouffre financier. Elle nécessite des investissements considérables et d’énormes subventions publiques. D’ailleurs, les investisseurs ne s’y trompent pas : seul 2% de leurs investissements vont vers la filière nucléaire. Pour un euro investi, l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables sont bien plus performantes que le nucléaire pour réduire les gaz à effet de serre. Gaspiller des milliards dans le nucléaire, comme le fait la France, empêche le développement des “vraies“ solutions.

Et le nucléaire est très cher pour le consommateur ! Au niveau mondial, son coût augmente chaque année alors que celui des énergies renouvelables baisse. En France, sans les subventions, directement prises sur nos impôts, et le tarif réglementé, nous paierions notre électricité beaucoup plus cher.

Enfin, à investissement égal, les secteurs des économies d’énergie et des énergies renouvelables créent 15 fois plus d’emplois que la filière nucléaire. En Allemagne, le plan de sortie du nucléaire à la fin des années 2000 a entraîné la création de plus de 300 000 emplois, et les syndicats de salariés l’ont soutenu sans ambiguïté. Plus important encore : ces emplois ne menacent pas la vie des travailleurs, contrairement à ceux que propose l’industrie nucléaire.

Le nucléaire ne fonctionne pas dans un climat dégradé

Cyclones, canicules, tempêtes… Selon les climatologues, la fréquence de ces événements ne cesse d’augmenter. Or les centrales nucléaires y sont très vulnérables. Si le niveau des cours d’eau baisse, si leur température augmente, le refroidissement des réacteurs ne se fait plus correctement, ce qui peut conduire à leur ralentissement voir à leur arrêt. Cela a été le cas en 2003 pendant la canicule en France ; plus récemment, à l’été 2018, ce sont une dizaine de réacteurs dont la puissance a été réduite. À l’inverse, lors de la tempête de 1999, une inondation avait entraîné une situation de crise à la centrale nucléaire du Blayais en Gironde. L’équation est claire : avec un climat dégradé, l’industrie nucléaire ne tiendra pas la route. Nous devons dès aujourd’hui nous tourner vers d’autres sources de production d’électricité et vers la sobriété.

Alors engageons-nous sur la voie des énergies renouvelables

L’Ademe précisait en 2015 que même la France pouvait s’engager à remplacer son électricité nucléaire, sans que cela n’engendre de surcoût. À condition d’une volonté politique et de mettre les moyens aux bons endroits. Ainsi, dans son diagnostic elle évaluait que produire 100% d’électricité renouvelable ne coûterait pas plus cher que de garder 50% du parc nucléaire. Lorsque l’on pense à la Programmation pluriannuelle de l’énergie, qui repousse de nouveau les échéances de la réduction de la part du nucléaire et qui demande même à EDF de travailler sur de nouveaux projets d’EPR, il semble que nos dirigeants marchent sur la tête.

Par ailleurs, avec sa diversité de climats et de territoires la France est particulièrement bien “équipée“ pour passer à la transition énergétique. Entre le soleil, les vents, les fleuves, l’océan, la mer, ses surfaces agricoles et ses forêts, toutes les techniques renouvelables sont utilisables et si l’ensemble se développait la France pourrait produire jusqu’à 300% de la demande actuelle en électricité.

Qu’attendent nos dirigeants ? L’Allemagne a réussi à baisser ses émissions de gaz à effet de serre tout en réduisant la part du nucléaire grâce à une politique volontariste de développement des énergies renouvelables. Elle a ainsi su compenser la fermeture de 10 réacteurs nucléaires entre 2010 et 2017 et l’annulation de 6 projets de centrales à charbon par l’essor des énergies renouvelables.  [3]

Anne-Lise Devaux



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